C’est un État plein et entier qu’il nous faut

100 % des dépenses avec 50 % des moyens, c’est ingérable

Une crise politique sans précédent secoue présentement le Canada. D’abord le fédéralisme canadien a rendu le Québec ingérable. Le déséquilibre fiscal canadien enlève les moyens à l’État québécois de supporter son système de redistribution de la richesse par les programmes sociaux.

Les solutions néolibérales du gouvernement Charest l’ont mené à un taux d’insatisfaction de 78 % dans la population. Depuis son arrivée au pouvoir il y a deux ans, nous assistons à un mouvement sans précédent de contestation sociale de ses politiques. Syndicats, groupes populaires, mouvement des femmes, étudiants mobilisent les Québécois autour du slogan « J’ai jamais voté pour ça ».

Du côté de l’État fédéral, nous sommes à la veille du renversement du gouvernement minoritaire de Paul Martin par les partis d’opposition. Scandale des commandites et corruption pour étouffer le mouvement de libération nationale au Québec, loi référendaire bafouée par les libéraux de l’aveu même du président de l’aile québécoise du PLC, les grands défenseurs du fédéralisme croulent sous le poids de leurs contradictions.

Jamais une vitrine aussi grande favorisant les forces souverainistes ne s’est présentée dans l’histoire moderne de ce mouvement populaire. Plus que jamais le Québec a conscience qu’il ne pourra régler 100 % de ses problèmes avec 50 % de ses moyens. C’est un État plein et entier qu’il nous faut pour continuer à nous émanciper face à la mondialisation et à notre devenir sur tous les fronts, que ce soit celui de la redistribution de la richesse ou les fronts politique, social et culturel.

À la veille d’un balayage électoral du Bloc Québécois et de la reprise du pouvoir par le Parti Québécois, où est la gauche au Québec ?

Une partie de la gauche syndicale et progressiste a fondé SPQ Libre. Un club politique autonome regroupant les forces sociales démocrates souverainistes qui sera reconnu comme tel par le congrès du Parti Québécois en juin prochain. Ces militantes et militants ont fait le choix de mener le combat social et national aux côtés du peuple québécois dans sa décision historique de s’assumer.

Malgré les critiques au sein de la gauche comme quoi SPQ Libre comme club politique se ferait récupérer, force est de constater que ces militantes et militants sont en train de gagner leur pari. De plus, Monique Richard, présidente du conseil d’administration de SPQ Libre, est, au moment où ces lignes sont écrites, la seule candidate à la présidence du Parti Québécois. Preuve tangible que si la gauche travaille correctement, elle peut être influente et que le Parti Québécois peut faire preuve d’ouverture et de renouvellement.

Lorsqu’on vit l’histoire au présent, il n’y a jamais rien d’évident. C’est pourquoi il faut faire l’analyse concrète de la situation concrète. Pour la gauche, manquer la vitrine souverainiste actuelle, c’est faire une erreur historique dans son combat pour la justice sociale et un système démocratique permettant le pluralisme politique avec un mode de scrutin proportionnel que seul un pays souverain pourra nous garantir.

J’ai été très déçu de l’appel de Gordon Lefebvre, membre de l’exécutif national de l’Union des forces progressistes (UFP) dans La Voix du peuple du mois mars 2005.

« À défaut de compréhension, écrit-il, je demande aux syndicalistes progressistes de faire preuve d’un peu de patience, et de laisser à la nouvelle gauche qui se manifeste actuellement, malgré les faiblesse dont elle est consciente, le temps de faire ses preuves. »

Pour M. Lefebvre ce parti nouveau en gestation pourra compter ses succès sur une période de 8 ou 12 ans !

Je trouve que cet appel fait fi de la réalité actuelle et condamne la gauche à la marginalisation perpétuelle. Manquer le rendez-vous historique actuel, c’est condamner le peuple à des lendemains douloureux comme nous en avons connu après les échecs référendaires de 1980 et 1995 avec la réduction de 20 % des salaires dans le secteur public et le Déficit zéro parce que le Québec continuait à ne pas avoir les moyens de ses ambitions nationales.

L’UFP et Option Citoyenne doivent clarifier leur position sur la question nationale et se joindre au mouvement d’émancipation nationale qui a, actuellement, le vent dans les voiles comme jamais. Les clubs politiques au sein du Parti Québécois sont une tactique qui permet cette intégration tout en préservant l’indépendance de la gauche. Demeurer en marge de ce mouvement, c’est regarder passer la parade assis sur le trottoir.