Le marché est déçu du piètre résultat des banques...

C’est comme si des travailleurs refusaient 100 % d’augmentation

La Banque de Montréal engrange des profits records », tel était le titre de l’article du Journal de Montréal du 24 novembre 2004.

En effet, pour son exercice financier terminé le 31 octobre 2004, l’institution financière a déclaré des profits records de 2,35 milliards $, en hausse de 526 millions $ ou de 29 % sur l’année précédente. Qu’à cela ne tienne, à l’annonce de ses résultats majestueux, l’action de la Banque de Montréal a perdu, la journée même, 2 % de sa valeur à la Bourse de Toronto, pour clôturer à 56,70 $, en baisse de 1,15 $.

Que voulez-vous, le marché des capitaux a été déçu de ces « piètres » résultats ! Faut pas chiâler car, disent-ils, le marché est un levier juste qui fait une utilisation maximale des ressources et auquel il faut obligatoirement s’adapter.

Puis, le lendemain, soit le 25 novembre 2004, l’article de La Presse s’intitulait: « La TD a plus que doublé ses profits pour l’ensemble de l’exercice ». La Banque TD a effectivement annoncé un bénéfice net de 2,31 milliards $ pour l’année financière 2004, contre 1,07 milliards en 2003, soit une augmentation annuelle de 116 %.

Eh bien, attachez votre tuque, le titre de la Banque TD a clôturé en baisse de 26 cents, à 46,87 $ la journée même de la divulgation de ces « squelettiques » résultats, glissant même à un creux de 45,94 $. Les actionnaires et les analystes financiers furent très choqués de ces profits de famine. C’est comme si des travailleurs refusaient une hausse de 100 % de leur salaire pour le simple motif que ce n’est pas suffisant.

Dans un article du 31 octobre 2001 de La Presse intitulé « La CIBC supprime 2000 postes », on faisait mention ainsi des motifs justes et louables de la Banque CIBC pour justifier ce dégraissage : « Étant donné les perspectives économiques incertaines, il est prudent de prendre des mesures préventives qui réduisent nos coûts, renforcent notre bilan et contribuent à protéger nos bénéfices », avait alors dit John Hunkin, le président du conseil et chef de la direction de la dite banque.

Ce sont, en quelque sorte, des mises à pied humanitaires, comme le sont les guerres américaines. Perspectives économiques incertaines peut-être pour la Banque CIBC, mais comme elle est bonne pour nous tous, la CIBC a réalisé des profits records par la suite.

Attendez, c’est pas tout à fait fini. Que votre joie soit profonde puisqu’en 2003, malgré des profits nettement en hausse, la Banque CIBC a annoncé la suppression de 1500 postes supplémentaires, tel que rapporté dans un article du Journal de Montréal du 28 février 2003 titré : « Le bénéfice augmente mais la CIBC abolit 1500 postes ». Et dire que les banques canadiennes tiennent mordicus à se fusionner entre elles, même si actuellement nous sommes face à un cartel organisé des cinq grandes banques, afin de faire plaisir à leurs actionnaires avec de plus gros profits et d’exquises rationalisations dignes de ce nom.

On nous dit que, dans l’économie de marché, il y a des gagnants et des perdants et que les forces naturelles du marché évinceront les plus faibles entreprises. C’est ce qui rend le marché « efficient » et qu’on fait une utilisation optimale des ressources. Tout ça, c’est bien beau en théorie, mais quelqu’un pourrait-il m’expliquer s’il vous plaît, comment il se fait que, dans le secteur bancaire, il n’y a que des gagnants et de très gros en plus, et aucun perdant ?

Et c’est pas terminé les amis ! Voyons de plus près le titre de cet article de La Presse du 10 mars 2005 : « Le titre de Dorel chute après la publication de résultats… records ». Eh oui, le profit net annuel du fabricant de meubles a bondi de 35 % en 2004 et la valeur au marché de l’action de la compagnie a perdu 10 %, la journée même de la publication des résultats, passant de 44,66 $ à 40 $.

Et la veille, le 9 mars 2005, la journaliste Karine Fortin du Journal de Montréal intitulait ainsi son papier : « Couche-Tard : des profits cinq fois plus importants… qui déçoivent ». Le bénéfice par action est passé de 0,10 $ à 0,46 $ en 2005 mais les analystes financiers s’attendaient à 0,58 $ par action, ce qui fait que le titre a culbuté de 3,05 $ pour clôturer à 37,00 $. Enfin, dans un autre article du Journal de Montréal du 5 novembre 2004 intitulé : « Petro-Canada : des profits “ décevants ” de 410 millions $ », on y mentionne que la valeur au marché de l’action a perdu 1,59 $ à la Bourse de Toronto en raison du fait que cette ancienne société d’État, que nos élus ont privatisé et bradé à des affairistes sans aucun débat public, n’a pu augmenter son bénéfice net de seulement 42 % au troisième trimestre de l’année financière 2004.

Du côté des employés, prenez le titre de cet article de La Presse du mois d’avril 2005 : « Coupes stratégiques chez Loblaw ». Loblaw, la plus grande chaîne d’alimentation du Canada (à qui nos petits élus et minusques affairistes ont vendu notre joyau québécois Provigo !), a annoncé la fermeture de six centres de distribution, nouvelle qui a été bien accueillie par les marchés financiers. Dans son article, le journaliste Richard Dupaul mentionne que : « La perte de 1400 emplois est douloureuse pour le personnel mais la compagnie en sortira renforcée ».

Pour l’analyste Jim Durran de la Banque Nationale : « Ces changements représentent une occasion exceptionnelle ». En 2002, 2003 et 2004, Loblaw a réalisé des profits nets de 728, de 845 et de 968 millions $. Mais, que voulez-vous, les dirigeants, les actionnaires et les analystes trouvent que les profits n’augmentent pas assez vite. Suite à l’annonce de ces mises à pied « exaltantes », l’action de la compagnie a grimpé de 41 cents, elle qui avait déjà augmenté de 14 % depuis un an. C’est en plein ça, vivre sous le joug de la dictature de nos maîtres économiques.

Il n’y a plus de rapport de force entre les toutes puissantes compagnies et les autres constituantes dans la société. Au lieu de renforcer les lois du travail concernant les mises à pied et les fermetures d’usines, les élus les affaiblissent continuellement comme en fait foi le titre de cet article de La Presse du 29 novembre 2004 : « Il est facile de congédier au Canada ».

Du point de vue fiscal, que dites-vous du titre de cet article du Devoir paru le 9 mars 2005 pour démontrer la mainmise des compagnies sur la marché de la société : « L’impôt ou l’emploi : les gouvernements n’ont d’autre choix que d’alléger le fardeau fiscal des entreprises ou se résigner à les voir partir ». Et quand elles ne paieront plus d’impôts, les compagnies exigeront alors des milliards en subventions publiques sinon elles nous menaceront de « décrisser », comme en fait foi le titre de cet article de La Presse publié le 1er décembre 1999 et qui rapportait alors les propos du vérificateur général du Canada, monsieur Denis Desautels : « Les programmes de subventions sont des bars ouverts pour les entreprises ».

C’est pas vrai que cette domination, cet impérialisme et cette exploitation soient incontournables et qu’il faille s’y résigner, s’y soumettre et s’y adapter. Dans un premier temps, il faut s’informer afin de développer un esprit critique car les affairistes et leurs élus sont forts de notre ignorance collective. Deuxièmement, il faut s’impliquer et agir en commençant par élire des gouvernements vraiment socialistes qui desserviront les intérêts supérieurs de l’ensemble de la collectivité et non les intérêts supérieurs de la minorité possédante. Oui, des vrais gouvernements au service du peuple peuvent changer les choses. Vous n’avez qu’à observer ce qui s’est passé ces dernières années au Venezuela, en Espagne, en Argentine et en Uruguay, consécutivement à l’élection de partis politiques socialistes.