L’assurance-emploi les jette dans un trou noir

Les travailleurs âgés se retrouvent devant rien

À Huntingdon, statistiquement, il y a moins de chômage. Ce n’est pas parce que les travailleurs et travailleuses de la Cleyn & Tinker, mis à pied il y a un an et demi, se sont trouvé un emploi. C’est tout simplement parce que leurs prestations d’assurance emploi sont terminées ». C’est par ces paroles que Yves Nadeau, président du Syndicat des travailleurs et travailleuses de la Cleyn & Tinker T.U.A.C.-F.T.Q. accueillait les 30 marcheurs « sans-chemise » partis plus tôt de Montréal pour se rendre à Ottawa le 18 octobre 2006.

Le mercredi 11 octobre, plus de 125 personnes participaient à une assemblée publique organisée par Action Solidarité Huntingdon, la marche des chômeurs et la C.S.N. Rappelons-nous que près de 70 % de la main d’œuvre active de Huntingdon perdait son emploi il y a près de deux ans avec la fermeture de la Huntingdon Mills (C.S.D.) et de la Cleyn & Tinker (F.T.Q.). Cette perte sèche de plus de 750 emplois directs a donné lieu à plusieurs promesses des gouvernements Charest et Harper qui, à ce jour, ne se sont pas matérialisées.

« L’assurance emploi nous a forcés à vivre de notre maigre 5 000 $ de prime de départ avant de pouvoir toucher nos prestations de chômage. C’est un véritable vol. Aujourd’hui, plusieurs membres ont dû demander de l’aide sociale. Ils ont droit à une pitance de 587 $ par mois. Comment voulez-vous vivre avec une somme pareille ? », s’est exclamé le président Yves Nadeau, la rage au cœur.

Pierre Ceré, porte-parole de la marche des chômeurs, a expliqué à l’assemblée qu’une trentaine de chômeurs étaient partis de Montréal en matinée en direction d’Ottawa où ils comptent arriver une semaine plus tard, afin de porter à la Chambre des communes les revendications des chômeurs sur l’accessibilité aux prestations et sur l’importance de remettre sur pied le programme d’aide aux travailleurs âgés (P.A.T.A.) pour que les travailleurs de 55 ans et plus obtiennent une prestation leur permettant d’avoir un revenu décent jusqu’à leur retraite. Ce programme fut aboli par le gouvernement libéral à la fin des années 1990.

« La réforme Axworthy est allée trop loin dans ses coupures. Aujourd’hui, même si tous les travailleurs paient de l’assurance emploi, moins de 50 % des chômeurs ont accès aux prestations. Avec l’augmentation du temps de travail nécessaire pour se qualifier, des régions entières dont l’économie est saisonnière ne peuvent toucher d’assurance emploi. Ils tombent dans ce qu’on appelle le “ trou noir ”. C’est pourquoi des marcheurs de Québec, de Charlevoix, d’Abitibi, de Sorel, de Montréal et de St-Jean-sur-Richelieu se sont regroupés dans le mouvement des sans-chemise et sont déterminés à faire entendre leur voix à Ottawa », affirme Pierre Ceré, porte-parole du groupe, devant l’assemblée.

« Depuis cette réforme, la caisse a généré 50 milliards de surplus que le gouvernement fédéral a utilisé pour essuyer son déficit. Ce sont des voleurs. Les Québécois ne veulent pas être passifs, ils veulent travailler. Si Ottawa veut couper dans les mesures passives, qu’il ferme le sénat », s’est exclamé le coloré Roger Valois, vice-président de la C.S.N.

Lors de l’assemblée, de nombreux témoignages de travailleurs et travailleuses désespérés ont été évoqués. Il y a eu entre autres Pierrette, 52 ans, qui a expliqué à l’assemblée qu’après être retournée sur les bancs d’école pour améliorer son « employabilité », elle se voit aujourd’hui réduite, pour survivre, à gruger dans ses REER accumulés pour sa retraite. « Les seuls emplois disponibles sont au salaire minimum au Wal-Mart ou chez Tim Horton ».

Usés par le travail dans l’industrie textile, plusieurs travailleurs et travailleuses de 55 ans et plus ont affirmé que les mesures actives de l’assurance emploi ne leur sont d’aucune utilité. « Nous avons besoin de mesures passives tels le P.A.T.A. », nous a rappelé Gaétan Viau, un chômeur de la Cleyn & Tinker qui a fait signer deux pétitions déposées par le Bloc Québécois à la Chambre des Communes réclamant la remise sur pied du programme d’aide aux travailleurs âgés.

La députée du Bloc Québécois de Beauharnois-Salaberry, Claude de Bellefeuille, présente à l’assemblée, a souligné que le Bloc avait déposé son 2e bill privé réclamant le retour de ce programme. Le Bloc apporte un soutien indéfectible aux marcheurs et aux chômeurs et chômeuses de Huntingdon.

Finalement, Daniel Mallette, porte-parole de la coalisation intersyndicale (F.T.Q., C.S.D. et C.S.N.) Action Solidarité Huntingdon a clôturé l’assemblée. « Le gouvernement va plier si on se tient debout comme les chômeurs des années 30 ». Les participants se sont donné rendez-vous à Ottawa le 18 octobre prochain.