Le projet de loi libéral d’une Charte de la laïcité

Un gigantesque pas en arrière pour la cause laïque

2017/02/07

Nous avons pour objectif l’adoption d’une Charte de la laïcité. Nous avons d’ailleurs été les premiers à proposer, en 2010, lors de notre participation à la Commission parlementaire sur le projet de loi 94, un projet de Charte de la laïcité. 

1- Le projet de loi 62 exige que les membres du personnel de l’État fassent preuve de neutralité religieuse dans l’exercice de leurs fonctions, mais l’État lui-même manque à son devoir de neutralité en favorisant les religions.

Le gouvernement subventionne les écoles privées confessionnelles.

Des subventions sont accordées à des écoles juives qui ne respectent pas le régime pédagogique. Le réseau de garderies familiales hassidiques a bénéficié de 20 millions $ de 2007 à 2013.

Les organismes religieux sont exemptés d’impôts sur le revenu, de taxes foncières, municipales et scolaires. Aucun citoyen au Québec n’a droit à de tels privilèges.

Avec ce projet de loi, dans les services de garde à l’enfance, on va permettre un régime alimentaire fondé sur des préceptes religieux.

Des employés de l’État portent des signes religieux dans l’exercice de leur fonction. 

Et que dire du crucifix à l’Assemblée nationale ?

Ces quelques exemples illustrent à quel point l’État n’est pas neutre. Et il n’y a rien dans ce projet de loi pour corriger ce favoritisme. Nous sommes ici en présence d’un gouvernement qui exige de ses employés ce qu’il est incapable de faire lui-même.

2- L’État choisit plutôt de se décharger de ses responsabilités sur les membres de son personnel. Quel intérêt a-t-il à faire cela ?

L’employé n’étant ni un militant laïque, non plus qu’un juriste, va fort probablement choisir d’accepter la demande d’accommodement religieux plutôt que d’avoir à justifier son refus par écrit, comme cela se fait dans certains cégeps. 

Conscient aussi que, sur un sujet aussi sensible, il sera isolé. Il n’aura pas l’appui de ses collègues qui préfèreront ne pas prendre position. Il ne peut non plus être certain de l’appui de son syndicat et encore moins de la direction qui ne tient pas à faire les grands titres dans les médias. Conscient également que, s’il y a contestation en cas de refus d’accommoder, c’est lui, l’employé et non son employeur, qui se retrouvera à faire les frais d’une éventuelle poursuite. Sans compter qu’il risque d’être montré du doigt dans son milieu de travail et subir les insultes dont font habituellement les frais les militants laïques, c’est-à-dire se faire traiter d’intolérant, de xénophobe, d’islamophobe et de raciste.

Vous aurez compris qu’ici, il est drôlement plus tentant de dire oui que de dire non à une demande d’accommodement.

Tout ceci aura pour effet de mettre tellement de pression sur les employés que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, on ne se retrouvera pas avec des accommodements au cas par cas, à géométrie variable, mais bien plutôt avec une normalisation des pratiques d’accommodements religieux qui iront tous dans la même direction, c’est-à-dire l’acceptation. 

3- Concernant l’article 9. Tout le monde s’indigne, avec raison, du fait que ce projet de loi va permettre le tchador, qui est un symbole de soumission des femmes, mais le visage découvert, c’est aussi le hijab, présent dans nos garderies et nos écoles, ce voile qui participe de la même idéologie que le tchador, le niqab ou la burqa.

Depuis l’abandon du projet de loi 60, le hijab serait-il devenu soudainement acceptable ? Il y a un éléphant dans la pièce, mais on dirait qu’il n’y a plus personne pour le voir. 

D’entendre la ministre de la Justice déclarer que « le voile, c’est du linge » a quelque chose de profondément choquant. D’abord, nous savons très bien qu’au Parti libéral, ils savent très bien que ce n’est pas le cas. Et, en plus, cela donne l’impression que l’on prend les Québécois pour des idiots, alors que la grande majorité des gens savent très bien que le hijab n’est pas qu’une simple tenue vestimentaire. 

Le Québec n’est pas une bourgade isolée du reste du monde. Nous avons l’Internet, la radio, la télé, les journaux, les revues et même des livres. Il suffit d’ailleurs de parcourir toute l’abondante littérature sur le voile, les livres et les revues qui y sont régulièrement consacrées, pour comprendre que nous ne sommes pas en présence d’une vulgaire pièce de linge. 

Le hijab est un étendard politique. Il est l’emblème d’un islam politique qui veut imposer une théocratie et remplacer les droits humains par la charia. En l’imposant aux femmes, les islamistes souhaitent donner un maximum de visibilité à l’islam et nous habituer ainsi à sa présence. C’est pourquoi il est essentiel pour eux de pouvoir introduire ce voile dans nos institutions publiques.

Ce projet de loi va justement interdire de l’interdire parce que ce serait à la lumière de l’article 4, « défavoriser une personne en raison de son appartenance à une religion ». 

Même le niqab et la burqa pourront être permis.  À l’article 9, il est écrit : « un accommodement qui implique un aménagement à l’une ou l’autre de ces règles est possible mais doit être refusé si, compte tenu du contexte, des motifs portant sur la sécurité, l’identification ou le niveau de communication requis le justifient ». 

En clair cela veut dire que si l’un de ces trois critères n’entre pas en ligne de compte et même si ces critères étaient en jeu, celui de l’identification, par exemple, il suffirait de faire contrôler l’identité de la femme par une autre femme pour que le port du niqab devienne acceptable. 

Quant au niveau de communication requis, tout repose ici sur le mot « niveau ». Qu’en sera-t-il du « niveau » de communication requis dans le cas d’une étudiante ou encore d’une employée qui travaille dans le laboratoire d’un hôpital ? 

En conclusion, ce projet de loi, loin de garantir la neutralité de l’État, va plutôt favoriser l’ingérence du religieux dans nos institutions publiques. 

Il fait la promotion d’une laïcité ouverte aux religions dans laquelle la neutralité de l’État est conçue non pas comme une neutralité d’indifférence, mais plutôt comme une neutralité de bienveillance face à celles-ci. Au lieu de n’accueillir aucune religion dans les institutions de l’État, ce projet de loi met en place les conditions optimales visant à les accueillir toutes. Ce qui est contraire à la laïcité.

En mettant le fardeau sur les épaules des employés, ce projet de loi vise à implanter une culture des accommodements dans nos institutions publiques.

Ce projet de loi permet le tchador et le hijab. Ainsi, des enfants continueront d’être exposés au hijab dans nos écoles et nos garderies. 

Il va même permettre un accommodement pour le niqab et la burqa. 

Avec ce projet de loi, plus rien ne pourra faire barrière à l’intrusion du religieux dans nos institutions publiques. 

Dans le contexte mondial actuel, où nous sommes témoins de la montée de l’islamisme et où bien des pays occidentaux sont confrontés à de nouveaux défis sur la laïcité, ce projet de loi témoigne d’un aveuglement inouï, d’une légèreté déconcertante et d’une grave inconséquence de la part du gouvernement.

On va créer en quelque sorte les conditions idéales pour satisfaire les revendications des lobbys politico-religieux, ces intégristes qui sont la frange la plus intolérante et la plus intransigeante des groupes religieux, et contribuer du même coup à augmenter la pression, notamment sur les musulmans. 

Nous savons qu’il existe ici même au Québec des associations qui se revendiquent de la pensée des Frères musulmans, alors que d’autres sont pro-khomeynistes. Ces gens sont actifs dans leur communauté et auprès des politiciens. Ils ont en commun de vouloir imposer ultimement la charia et utilisent différentes stratégies pour parvenir à leurs fins.

L’entrisme par différentes deman-des d’accommodement est l’une de leurs stratégies et le hijab qu’ils imposent aux femmes et aux fillettes en est le cheval de Troie. Ce projet de loi va tout simplement leur ouvrir grandes les portes de nos institutions publiques.

Ce projet de loi est une offensive anti-laïque sans précédent qui va permettre à la religion de structurer de plus en plus la vie de nos institutions publiques. 

De l’aveu même de la ministre Vallée, ce projet de loi est une réponse libérale au projet péquiste de Charte des valeurs. Et si cette dernière a été taxée par plusieurs « d’islamophobe », on serait tenté de qualifier ce projet de loi « d’islamophile ». 

C’est peut-être un pas en avant dans la consolidation de la base électorale du Parti libéral, mais assurément un gigantesque pas en arrière dans la défense de la laïcité. 

Ce projet de loi est dangereux. Il ne doit pas être bonifié, mais abandonné. 

C’est pourquoi notre Collectif demande au gouvernement le retrait du projet de loi 62.

* Au nom du Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité (Cciel).