Le gouvernement n’a pas l’ombre d’un plan

Accord de Paris : Le vérificateur général Michael Ferguson est catégorique

2017/06/15

Le 6 juin dernier, à la Chambre des communes, la ministre de l’Environnement Catherine McKenna livrait un discours qui a dû faire frémir bon nombre d’experts et d’environnementalistes. En cette fin de session parlementaire, le gouvernement prouve encore une fois à quel point il est déconnecté de la réalité environnementale mondiale et de l’opinion publique. 

La ministre a affirmé être fière du rôle que le Canada a joué dans la négociation de l’Accord de Paris, fière d’avoir abordé les effets des changements climatiques sur les femmes et l’importance de tenir compte des connaissances ancestrales des Autochtones dans ce dossier. 

Pour ma part, j’ai assisté à la Conférence des Parties à Paris (COP 21), j’étais à Marrakech pour la COP 22 et je peux vous assurer que ce discours, qui semble en tout point parfait, est loin de la réalité. 

À la COP 22, les Premières Nations ont livré un témoignage bouleversant sur les conséquences du réchauffement climatique, qui affecte leur mode de vie, les privant de plusieurs secteurs d’activités. Elles ont rappelé leur vision globale du monde comme un écosystème, où les humains ne sont qu’un élément parmi d’autres, et elles ont pressé le gouvernement Trudeau d’agir et de mettre un terme au développement des sables bitumineux. 

Si le gouvernement canadien les a réellement entendues, comment expliquer que, quelques mois plus tard, 122 Premières Nations au Canada et aux États-Unis, dont plusieurs du Québec, se soient engagées officiellement contre l’expansion des sables bitumineux en signant le Traité autochtone, qui a pour but d’arrêter les pipelines TransMountain de Kinder Morgan, la canalisation 3 d’Enbridge et Keystone XL ? Simplement parce que tous ces projets, à l’exception d’Énergie Est, qui est toujours à l’étude, ont tous reçu l’aval du gouvernement Trudeau.

On se rappellera que, lors des élections de 2008, 2011 et 2015, les libéraux ont promis de mettre fin aux subventions aux combustibles fossiles. Non seulement le Parti libéral du Canada n’a pas tenu parole, mais le vérificateur général Michael Ferguson, qui déposait le 16 mai son rapport printanier, nous apprenait que le gouvernement n’a même pas l’ombre d’un plan pour y arriver.

Chose inhabituelle, M. Ferguson a débuté son discours en lançant un cri du cœur, s’indignant de ne pas avoir obtenu tous les renseignements, dont lui et son équipe avaient besoin pour mener à bien leur travail, plusieurs pages ayant été caviardées ou encore inaccessibles pour sa vérification.

En septembre 2009, lors du Sommet du G20 à Pittsburgh, le Canada et les autres pays membres se sont engagés à « éliminer progressivement et à rationaliser à moyen terme les subventions inefficaces aux combustibles fossiles tout en apportant une aide ciblée aux plus démunis ». Ils ont réaffirmé cet engagement tous les ans depuis, y compris lors du Sommet du G20 en septembre 2016, à Hangzhou, en Chine.

À ce sujet, Michael Ferguson est catégorique. La stratégie adoptée par le ministère des Finances pour donner suite à l’engagement du G20 était axée sur le recensement des mesures fiscales relatives aux combustibles fossiles et, à ce jour, ces mesures n’ont pas toutes été examinées. De plus, il n’y a pas de plan pour les éliminer.

Pourtant, le Canada a officiellement reconnu que les subventions inefficaces aux combustibles fossiles nuisent à la lutte contre les changements climatiques, favorisent le gaspillage de la consommation d’énergie, réduisent la sécurité énergétique et freinent l’investissement dans les sources d’énergies propres.

Malgré le G20, les promesses de Justin Trudeau lors de la campagne électorale et l’entérinement de l’Accord de Paris sur le climat, les généreuses subventions aux pétrolières demeurent. 

Selon moi, le rapport de M. Ferguson est extrêmement alarmant. D’une part, il y a l’environnement et la lutte aux changements climatiques car, que ce soit au G20 ou à Paris, le gouvernement ne semble aucunement avoir l’intention de respecter les engagements qu’il prend devant la communauté internationale. 

À cet effet, pour maintenir le réchauffement climatique à deux degrés Celsius, tel qu’il s’y est engagé à Paris, le Canada doit laisser dans son sol plus de 85 % de ses ressources pétrolières. Nous en sommes très loin. La façon dont le ministère des Finances gère l’argent des contribuables est aussi inquiétante, avec des milliards d’investissements en subventions aux combustibles fossiles. 

Malgré des faits indiscutables, comme l’absence de plan pour atteindre ses objectifs, et l’évidence qu’on ne peut pas polluer moins en construisant quatre nouveaux pipelines, Catherine McKenna livre un discours optimiste, telle une autruche qui a la tête dans le sable. Elle cite, à la pièce, des exemples d’entreprises comme Walmart, Google, Nike ; elle mentionne aussi plusieurs municipalités canadiennes qui vont de l’avant avec des initiatives intéressantes pour limiter leur émission de GES.  Jamais elle ne semble réaliser que les décisions de son gouvernemnt sabotent littéralement les efforts de ces joueurs. 

Citons ici l’exemple du projet de Pacific Northwest, approuvé en septembre dernier qui, à lui seul, fera augmenter les GES de 8,5 % en Colombie-Britannique et de 1 % à l’échelle canadienne. Bref, les membres du cabinet Trudeau excellent dans l’art de nous servir une rhétorique mensongère.

Saviez-vous que le mouvement de désinvestissement des énergies fossiles a commencé en 2010 aux États-Unis, particulièrement dans les milieux étudiants ? Ils ont réussi à convaincre les gestionnaires de fonds universitaires de se retirer de toute entreprise qui œuvrait dans l’exploitation des énergies fossiles.

Dès 2014, les héritiers Rockefeller ont entrepris de réduire et mettre fin à tous leurs investissements dans le pétrole, le gaz ou le charbon. En 2015, ils investissaient 8 % de leurs parts dans les énergies fossiles ; en 2016, les investissements avaient baissé à 3,5 % et la fin était prévue pour 2017.

Ce mouvement de désinvestissement s’est accéléré depuis. Bien qu’on puisse contester les chiffres avancés par certains organismes, il appert que 595 institutions et plus de 50 000 individus auraient déjà emboîté le pas. On estime qu’entre 2015 et 2016, ce désinvestissement aurait même doublé. 

Selon un rapport conduit par l’Initiative en faveur des emplois verts de l’Organisation internationale du Travail (OIT), une institution spécialisée des Nations Unies, la conversion à une économie plus respectueuse de l’environnement pourrait générer de 15 à 60 millions d’emplois supplémentaires à l’échelle mondiale, au cours des vingt prochaines années, et sortir des dizaines de millions de travailleurs de la pauvreté. 

Quand Donald Trump a décidé de se retirer de l’Accord de Paris avec un discours qui traduit sa méconnaissance du dossier –  « J’ai été élu pour représenter les citoyens de Pittsburgh, pas ceux de Paris... » – Bill Peduto s’est empressé de lui répondre avec aplomb : « En tant que maire de Pittsburgh, je m’engage à respecter les grandes lignes de l’Accord de Paris, pour notre peuple, notre économie et l’avenir ». S’en est suivi un mouvement mondial de solidarité. Hawaï est même devenu le premier État américain à s’engager à respecter l’Accord de Paris.

Même si j’approuve cette mobilisation internationale contre la décision de Trump, j’aimerais bien voir les chefs d’État dénoncer aussi les politiques de Justin Trudeau car, bien que le Canada ne se soit pas retiré de l’Accord de Paris, il ne fait guère mieux que son voisin du Sud pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre.  Cette hypocrisie doit cesser.

* L’auteure est députée du Bloc Québécois.