Les fausses promesses de la prostitution légalisée

Peut-on prétendre que c’est un métier comme un autre, épanouissant et bien payé ?

2018/11/02

Certaines décisions politiques ont le potentiel de mener un pays dans le mauvais sens. C’est ce qui s’est produit en Allemagne lorsque la prostitution a été légalisée et officiellement considérée comme un travail normal en 2002. Cependant, mettre une telle étiquette sur la prostitution n’a pas changé la donne : La prostitution reste un système d’objectivation des femmes et d’exploitation sexuelle systématique. Quand il y a exploitation d’un côté, il y a des profiteurs de l’autre côté. 

Avec un volume de ventes estimé à 14 milliards d’euros (25 milliards $) chaque année, la prostitution est devenue un grand marché en Allemagne et pour protéger et même répartir tous les bénéfices, un puissant lobby a émergé. 

Prostitution légalisée 
et traite des femmes

Vous pouvez entendre les lobbyistes pro-prostitution affirmer qu’il n’y a aucun lien entre la prostitution et la traite des êtres humains. Et quand ils ne peuvent pas nier que c’est le cas, ils prétendent vouloir lutter contre ce problème. 

En fait, il existe un lien important entre la prostitution et le trafic d’êtres humains : Offrir de l’argent pour votre corps est déshumanisant et aucune femme n’aime vraiment vendre son corps et sa dignité, parce que cela signifie passer d’un sujet autodéterminé en un objet pour les plaisirs sexuels des hommes.

Dans la majorité des cas, la raison de se prostituer est la pauvreté. C’est encore plus vrai pour les femmes migrantes des pays pauvres. C’est ce qu’on peut constater en Allemagne, en Autriche et en Espagne où la prostitution est complètement légale et où une grande majorité des prostituées vient de pays pauvres d’Europe de l’Est. Et pourquoi sont-elles dans d’autres pays européens ?

Des agents leur offrent l’opportunité de travailler pour beaucoup plus d’argent que dans leur pays d’origine. Une fois que leurs victimes sont à l’étranger, ces agents s’avèrent être des proxénètes, forçant leurs victimes à la prostitution. Sans compétences linguistiques suffisantes et sans documents puisqu’ils leur ont été confisqués par les proxénètes, ces femmes n’ont pratiquement aucune chance de sortir de ce système déshumanisant sans aide extérieure.

Ainsi, s’il n’y avait pas de pression, de contrainte et de violence, les propriétaires de maisons closes auraient des problèmes pour remplir leurs lieux de viols (« bordel » semble trop inoffensif) avec de la « viande fraîche » (dans leur langue, le mot « femme » est inconnu). Les clients qui vont dans ces endroits et paient pour violer légalement une femme ne réfléchissent pas au fait qu’ils abusent des victimes de la traite des êtres humains.  Cependant, dans le pire des cas, certains pourraient trouver ça excitant de baiser des femmes sans défense, dans la misère.

C’est une industrie qui s’appuie sur le fait qu’il existe une classe de femmes et de filles vulnérables plus faciles à exploiter sexuellement. Le racisme, le classisme, l’impérialisme, l’esclavage et le colonialisme sont tous intégrés ou liés à la prostitution. Elle s’attaque aux femmes et aux filles les plus marginalisées. La normalisation du sexe en tant que « travail » dégrade le statut des femmes.
La prostitution, pas un métier comme les autres

Quand elle prétend défendre « l’égalité pour toutes et entre toutes » et, d’un autre côté, demande à ses membres d’appuyer la décriminalisation de la prostitution, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) n’est pas très honnête parce que franchement, a-t-elle déjà vu des femmes de tous milieux sociaux prétendre vouloir exercer dans le domaine de la prostitution parce que ce serait un métier comme un autre, épanouissant et bien payé ? 

L’« égalité pour toutes », ce serait plutôt d’aider ces personnes à vivre dignement, à avoir un toit, un travail correctement rémunéré, à être libres et à ne subir aucune violence ! En d’autres termes, en demandant à ses membres de voter pour la décriminalisation de la prostitution – ce que défend la direction de la FFQ – c’est la perpétuation de la culture patriarcale qui donne aux hommes le droit d’exploiter les femmes précaires. Pour comprendre cette position de la FFQ, il n’est pas inutile de rappeler ici que la directrice générale de Stella, un organisme qui prône la décriminalisation des activités reliées à la prostitution, siège aussi au C.A. de la FFQ…  

Non, la prostitution n’est pas un métier comme les autres ! Même quand on ne parle pas de personnes mineures ou de personnes issues de la traite, le simple fait que l’« utilisateur de services » puisse réduire une femme à l’état d’objet sexuel en payant, la déshumaniser et la consommer comme un bien, est un geste très lourd de conséquences qui contribue à la culture du viol. 

Un taux de mortalité quarante fois supérieur à la moyenne et des violences de plus en plus démontrées ne sont pas des conditions normales d’emploi et la légalisation ne constitue pas une protection contre cette violence, au contraire. Qu’ils soient regroupés sous forme de syndicats ou associations de mouvement de défense pour les prostituées, ces groupes sont une arnaque servant à manipuler la population afin de légitimer l’industrie du sexe. Cela donne plus de pouvoir aux proxénètes et aux prostitueurs et ne donne en rien plus de pouvoir aux femmes prises dans cette pratique.

En théorie, la décriminalisation totale donnerait accès à des avantages syndicaux mais, dans les faits, bien peu d’intéressées y participeront afin de conserver un anonymat qui donne un semblant de sécurité. Cela est démontré clairement dans les pays où la prostitution est légalisée : Les femmes ne s’y déclarent que très peu et les conditions de vie des femmes prostituées ne se sont pas améliorées puisqu’elles doivent concurrencer l’industrie qui y trafique des femmes à moindre coût et qui y fait preuve d’une violence accrue pour soumettre les femmes aux désirs toujours plus violents des hommes. 

 La prostitution est une cause et une conséquence de l’inégalité entre les sexes. Elle promeut la violence contre les femmes et les « droits » sexuels des hommes.  La prostitution est intrinsèquement violente. Là où il y a eu décriminalisation ou légalisation complètes, les femmes prostituées sont encore et toujours assassinées, violées, agressées et volées par des proxénètes et des clients. 

Refus de perpétuer 
les mensonges

Le consentement ne peut pas être acheté. La majorité des femmes prostituées veulent en sortir. Les femmes pauvres et les filles de couleur sont surreprésentées de manière disproportionnée dans l’industrie du sexe.  Le « travail sexuel consensuel » et la traite des êtres humains sont inévitablement liés. La libération des femmes et une industrie dédiée à l’objectivation des femmes ne peuvent pas coexister.  

Les femmes qui ont échappé à la prostitution ont des taux élevés de syndrome post-traumatique et d’autres troubles anxieux. Mais nous sommes capables de voir derrière les tactiques la dissimulation de la réalité en faveur de l’établissement des intérêts des proxénètes et des prostitueurs. 

Nous affirmons haut et fort que le travail du sexe n’est pas un travail ! C’est de la prostitution et ce sera toujours de la prostitution, peu importe comment les lobbyistes l’appelleront.

Avec la collaboration de Diane Guilbault, présidente, Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)

* Survivante et militante du groupe Abolition de l’industrie du sexe Canada.