À Ottawa, avoir le dernier mot prime le bien commun

Les tribulations d’un projet de loi à la Chambre des Communes

2019/01/25

Le projet de loi C-392 que j’ai déposé au printemps dernier à la Chambre des communes a connu son aboutissement le 5 décembre dernier, alors que libéraux et conservateurs ont voté contre. Le projet de loi avait pour objectif d’obliger le gouvernement fédéral à respecter les lois du Québec en matière d’environnement et d’aménagement du territoire lorsqu’il intervient sur le territoire québécois.

Après toutes les démarches que j’ai entreprises ainsi que les nombreuses rencontres tenues avec des municipalités, des groupes environnementaux, des représentants du monde agricole, du monde syndical, j’espérais qu’au moins les députés fédéraux accepteraient de voter pour qu’il puisse être étudié en comité, ce qui aurait permis aux différents groupes de faire entendre leur voix.  

Redonner le pouvoir aux citoyennes et citoyens et faire respecter les lois du Québec et les règlements municipaux étaient le fondement même de ce projet de loi que j’ai porté avec fierté. Malheureusement, autant les libéraux que les conservateurs ont peur du peuple. Ils préfèrent conserver leurs privilèges, défendre la suprématie fédérale plutôt que de défendre les populations locales qu’ils sont censés représenter aux Communes. Et pourtant, tous ont reconnu qu’il y avait un objectif louable à vouloir rapprocher les décisions des communautés. 

Au cours des heures de débat, les arguments des libéraux tournaient autour du fait que mon projet de loi perturberait la coopération entre tous les ordres de gouvernement sur des questions d’intérêt commun. Selon les libéraux, leur « approche coopérative » assure aux citoyens les meilleurs résultats possibles. De quelle coopération parlent-ils lorsqu’on connaît le nombre de litiges passés ou encore devant les tribunaux à propos des aérodromes ou encore des tours cellulaires ? 

Pour ce qui est des conservateurs, qui se targuent d’être décentralisateurs et de respecter les provinces, un des leurs a affirmé au cours du débat que certaines décisions doivent être mieux encadrées par d’autres ordres de gouvernement, comprendre le fédéral. Ils affirment également qu’il y a un rapport d’autorité dans les champs de compétence fédérale. Ah bon !  Il y a une hiérarchie et la position du fédéral prime ? Et non pas la volonté du Québec et des provinces, ni la volonté de la population ! Du même souffle, le député conservateur affirmait que son parti s’était toujours distingué comme étant un parti qui respectait l’autorité provinciale et les autorités locales.

Voici un extrait de mon dernier discours précédant le vote. Voici ce à quoi les parlementaires ont dit NON.
 
« Aucun projet situé en partie ou entièrement sur le territoire d’une province ne devrait échapper aux lois environnementales adoptées par le Parlement de cette province. L’aménagement d’un aérodrome, l’agrandissement d’une zone portuaire ou encore la réalisation d’un projet de pipeline sont des exemples de projets qui concernent tant le gouvernement provincial que le gouvernement fédéral : Ils doivent (…) obtenir leur approbation de façon à favoriser leur acceptabilité sociale. »
Ces quelques phrases sont tirées d’une lettre que le ministre libéral Jean-Marc Fournier a publiée dans La Presse en avril dernier. Elles représentent la position du gouvernement du Québec. En fait, elles représentent un consensus québécois très fort.

Elles décrivent précisément l’effet du projet de loi C-392. À l’heure actuelle, les projets sous juridiction fédérale sont au-dessus de nos lois ainsi que leurs promoteurs : De nos lois environnementales, de celles qui protègent le territoire agricole, des règlements municipaux qui assurent un aménagement harmonieux du territoire. Ces lois et ces règlements ne viennent pas de nulle part. Ils ont été adoptés par les élus du peuple, représentants de la population, et ils reflètent l’accessibilité sociale.

J’ai parlé à des centaines d’intervenants de tous les milieux. J’étais au congrès de l’Union des municipalités du Québec au printemps dernier pour parler avec des élus de différentes villes. J’ai fait le tour du Québec pour parler à plusieurs personnes aux prises avec des projets fédéraux qui allaient de l’avant sans égard pour ce qu’en pensaient les populations locales. J’ai parlé à des experts en droit de l’environnement ou en droit constitutionnel ou encore à des syndicats et des associations étudiantes.

Et vous savez quoi ? Je n’ai rencontré personne, absolument personne, qui était opposé au projet de loi C-392. Je vous le dis, tout le monde trouve normal que tous les promoteurs respectent les lois du Québec.

Et pourtant, lors des deux heures de débats sur le projet de loi C-392, j’ai pu constater que peu importe qu’il soit libéral ou conservateur, le gouvernement fédéral veut avoir le dernier mot, quitte à ce que ce dernier mot contredise la volonté de la population, des Premières Nations ou du Québec et des provinces.

Tant les libéraux que les conservateurs ont utilisé leur temps de parole pour s’opposer au projet de loi C-392, les deux dans le même camp. C’est triste. Car que propose le projet de loi C-392 ? Il propose qu’Ottawa respecte la volonté des provinces en matière d’aménagement du territoire et de protection de l’environnement. Mais comprenons bien que, si Ottawa impose des règles plus strictes que les provinces, évidemment, Ottawa aura le dernier mot.

À la fin, c’est la protection de l’environnement qui sort gagnante. Maintenant, qu’est-ce qui est le plus important pour ce gouvernement ? L’avenir de la planète ? Le développement durable ? La protection de l’environnement ? L’acceptabilité sociale ? Ou avoir le pouvoir de décider seul ? 

À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral permet la destruction de forêts et de terres agricoles protégées pour la construction d’aéroports. Il permet à des entreprises de polluer l’air de Québec avec de la poussière rouge. Il impose à des municipalités des tours cellulaires dont les gens ne veulent pas. Bref, il n’a aucun respect.

C’est l’essence de mon projet de loi et c’est pourquoi j’exhorte tous les députés en cette Chambre, peu importe le parti, à défendre les populations locales qu’ils sont censés représenter aux Communes.

L’auteure est députée du Bloc Québécois