Portrait des dépenses militaires mondiales

Une croissance qui illustre le danger d’une guerre mondiale

2019/05/17

Aude Fleurant est une Québécoise1 qui travaille depuis des années comme directrice du programme « Armes et Dépenses militaires » à l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (en anglais, SIPRI).2 Interviewée en anglais à la télévision allemande par des reporters de l’Internationale Politik und Gesellschaft, elle est ignorée par nos médias (à l’exception de Sylvie Fournier de la SRC). Serait-ce pour éviter que le public obtienne de sa part, en français, des informations cruciales démentant la propagande antirusse de l’OTAN ? 

Cette propagande inspire notre ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, dans son opposition et celle de la Colombie au président Maduro du Venezuela et dans son soutien indéfectible au président corrompu Poroshenko, heureusement chassé du pouvoir par 75 % de l’électorat ukrainien. L’OTAN influence aussi notre ministre de la Défense, vétéran de l’absurde guerre en Afghanistan, dans ses dépenses récentes exorbitantes d’une soixantaine de milliards de dollars pour l’acquisition d’avions F-18 australiens usagés et pour la construction de navires de guerre par Irving-Lockheed Martin. 

1 822 milliards de dollars en 2018

Le 29 avril, le SIPRI a publié le communiqué suivant que j’ai à peine édité et qui illustre les dangers accrus d’une guerre mondiale. Le total des dépenses militaires mondiales3 s’élève à 1 822 milliards de dollars en 2018, soit une augmentation de 2,6 % par rapport à 2017, selon les nouvelles données du SIPRI. Les cinq plus grands dépensiers – États-Unis, Chine, Arabie saoudite, Inde et France – concentrent à eux seuls 60 % des dépenses militaires mondiales. En 2018, le total de celles-ci a augmenté pour la deuxième année consécutive, atteignant leur niveau le plus élevé depuis 1988 – première année pour laquelle des données mondiales cohérentes ont été disponibles. Les dépenses mondiales, désormais 76 % supérieures au niveau le plus bas de l’après-guerre froide, représentent 2,1 % du produit intérieur brut (PIB) mondial, soit l’équivalent de 239 $ par personne. 

États-Unis et Chine en tête 

Les dépenses militaires des États-Unis augmentent – pour la première fois depuis 2010 – de 4,6 % pour atteindre 649 milliards de dollars. Les États-Unis, de loin les plus grands dépensiers au monde, ont investi, en 2018, presque autant que l’ensemble des huit pays les plus dépensiers qui les talonnent dans le classement. « L’augmentation des dépenses des États-Unis est imputable à la mise en œuvre dès 2017 de nouveaux programmes d’achat d’arme-ment sous l’administration Trump », précise Aude Fleurant. 

La Chine, deuxième plus grand dépensier au monde, a augmenté ses dépenses militaires de 5,0 % pour atteindre 250 milliards de dollars en 2018. Il s’agit de la vingt-quatrième année consécutive de hausse des dépenses militaires chinoises. En 2018, ses dépenses sont presque dix fois supérieures à celles de 1994 et représentent 14 % des dépenses militaires mondiales. Depuis 2013, la Chine alloue chaque année 1,9 % de son PIB aux forces armées. 

Trois décennies de croissance en Asie et en Océanie 

Les dépenses militaires en Asie et en Océanie augmentent chaque année depuis 1988. Avec un montant de 507 milliards de dollars, les dépenses militaires dans la région représentent 28 % du total des dépenses mondiales en 2018, contre seulement 9,0 % en 1988. En 2018, l’Inde augmente ses dépenses militaires de 3,1 % pour atteindre 66,5 milliards de dollars. Les dépenses militaires du Pakistan augmentent de 11 % (le même niveau de croissance qu’en 2017) pour atteindre 11,4 milliards de dollars en 2018. 

Augmentation en Europe centrale et orientale diminution en Russie 

Plusieurs pays d’Europe centrale et orientale ont fortement augmenté leurs dépenses militaires en 2018. Les dépenses de la Pologne augmentent de 8,9 % en 2018, s’élevant à 11,6 milliards de dollars ; tandis que les dépenses de l’Ukraine (Poroshenko) augmentent de 21 % à 4,8 milliards de dollars. Les dépenses de la Bulgarie, de la Lettonie, de la Lituanie et de la Roumanie augmentent également (passant de 18 % à 24 %) en 2018. « Les augmentations en Europe centrale et orientale sont dues en grande partie aux sentiments grandissants d’une menace russe », précise Pieter Wezeman, chercheur principal au programme AMEX du SIPRI. « Cela en dépit du fait que les dépenses militaires russes ont diminué au cours des deux dernières années. » À 61,4 milliards de dollars, les dépenses militaires russes sont les sixièmes plus élevées au monde en 2018. Ces dépenses ont diminué de 3,5 % par rapport à 2017. 

 Autres évolutions notables 

• Le total des dépenses militaires des 29 membres (y compris le Canada) de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) s’élève à 963 milliards de dollars en 2018, soit 53 % des dépenses mondiales. 

• Les dépenses militaires en Amérique du Sud augmentent de 3,1 % en 2018. Cela est principalement dû à la hausse des dépenses du Brésil (+5,1 %), la deuxième augmentation annuelle consécutive pour le pays. 

• Les dépenses militaires de la Turquie augmentent de 24 % en 2018 pour atteindre 19 milliards de dollars, soit en pourcentage l’augmentation annuelle la plus élevée du Top 15 des plus grands dépensiers au monde. 

• Six des dix pays pour lesquels le fardeau des dépenses militaires sur la richesse nationale (en PIB) est le plus lourd se trouvent au Moyen-Orient : Arabie saoudite (8,8 % du PIB), Oman (8,2 %), Koweït (5,1 %), Liban (5 %), Jordanie (4,7 %) et Israël (4,3 %). 

• Les dépenses militaires en Afrique diminuent de 8,4 % en 2018, ce qui représente une quatrième baisse annuelle consécutive depuis un pic enregistré en 2014.

(1) Aude Fleurant a été formée à l’UQAM par le regretté professeur Yves Bélanger, hélas non remplacé. En juin 2014, nous signalions « notre immense peine aux Artistes pour la Paix devant la disparition de ce chercheur infatigable qui n’hésitait jamais à nous faire part des aberrations multiples et dérives financières des “grands” projets du ministère de la Défense ».

(2) Institut d’études stratégiques fondé le 6 mai 1966 dont la tâche est d’effectuer des études scientifiques au sujet de l’importance des conflits et de la coopération pour la paix mondiale, dans le but de contribuer à la compréhension des conditions nécessaires à la résolution pacifique des conflits internationaux et à une paix durable. Sipri expose le fruit de ses recherches dans des livres (les Sipri Yearbooks), des rapports de recherche ou par d’autres voies de publications comme le site internet de l’institution fabriqué en open source www.sipri.org.

(3) Les dépenses militaires se réfèrent à toutes les dépenses publiques actuelles pour les forces armées et les activités militaires, y compris salaires et avantages sociaux, frais de fonctionnement, achats de matériel militaire et d’armes, infrastructures militaires, recherche et développement, administration centrale, commandement et soutien. Le SIPRI déconseille donc l’utilisation de termes tels que « les dépenses d’armement » en référence aux dépenses militaires, les dépen-ses d’armement ne constituant qu’une part mineure du total. Tous les pourcentages sont exprimés en termes réels (prix constants 2017).