GNR, biogaz, biométhane, des précisions s’imposent…

Le gaz naturel renouvelable (GNR) favorise notre indépendance énergétique

2020/02/26

Dans un communiqué émis le 20 février dernier, le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEÉ) exprime son désaccord avec la position selon laquelle le coût du gaz naturel renouvelable (GNR) doit être comparé avec les alternatives énergétiques renouvelables et qu’il constitue une option concurrentielle pour les consommateurs désirant réduire leur empreinte carbone. Selon le ROEÉ, le coût du GNR devrait plutôt être comparé avec celui d’un mètre cube de gaz économisé. Les auteurs y vont d’affirmations surprenantes et mal fondées sur la production et la valeur du gaz naturel renouvelable.

Les propriétés du gaz naturel renouvelable

La forme la plus courante du gaz naturel renouvelable (GNR) est le biogaz produit par la fermentation méthanogène. Il peut être utilisé comme carburant pour les transports en commun ou injecté dans le réseau de distribution du gaz naturel.

Le ROEÉ nous invite à comparer le prix du GNR payé par Énergir au prix du gaz qu’on évite de consommer par des mesures d’efficacité énergétique. Mais comparer le prix d’un mètre cube de GNR au prix du gaz non consommé est inadéquat. D’abord, parce que ces deux mesures sont complémentaires.
De plus, cette affirmation fait abstraction d’un fait fondamental. La production et la consommation de GNR jouent un rôle positif. Elles éliminent les émissions de méthane en air libre, ces émissions gazeuses nauséabondes issues des amas de fumier, de purin, de la décomposition de matières organiques résiduelles et des boues d’épuration enfouies dans les sites d’enfouissement.

La production de GNR utilise ces matières en milieux clos pour fabriquer du biométhane éliminant ainsi des combustibles fossiles importés comme le charbon, le diésel, le gaz de schiste, le mazout, le propane. Elle apporte deux niveaux de réductions d’émissions de gaz à effet de serre (GES). Le simple fait de brûler ce méthane sous contrôle réduit par un facteur de 84 ces émissions de GES. À cela, on doit ajouter les émissions évitées par le GNR remplaçant les combustibles fossiles cités précédemment.

D’autres faits contredisent les affirmations des auteurs. La production de biométhane remplace des engrais chimiques, autre source de GES, en retournant à la terre son sous-produit, le digestat, un fertilisant organique souhaitable en agriculture, en serriculture, en aménagements urbains, routiers, comme matière de recouvrement de sites d’enfouissement et miniers.

Du bon usage du GNR

Curieusement, dans le même communiqué, Bruno Detuncq, du Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ) et membre du ROEÉ, souligne que «  la quasi-totalité du GNR en Amérique du Nord sert en ce moment à remplacer le diésel dans le transport routier. Ceci est économiquement plus sensé que de l’injecter dans le réseau, permet de réduire le développement d’infrastructures supplémentaires (conduites) et permet également de réduire davantage l’empreinte écologique qu’en déplaçant un usage déjà affecté au gaz naturel  ».

Cette affirmation démontre que le ROEÉ reconnaît que le GNR peut remplacer efficacement des combustibles fossiles. Mais ce qui est valable aux États-Unis ou au Canada ne l’est pas nécessairement au Québec. Ici, l’électrification des transports est infiniment plus utile et rentable. Mais, sur une base technico-économique, on ne peut pas électrifier tous les secteurs utilisant des combustibles fossiles, comme le démontre clairement une récente étude des HEC.

La proportion de GNR dans le réseau de distribution pourrait atteindre entre 10 % et 20 % d’ici 2030. C’est une trajectoire réaliste qui permet une élimination directe d’énergie fossile. Mais le potentiel global d’ici 2030 est bien plus important. Il pourrait dépasser les 60 %.  Cependant, une limite écologique impose des restrictions dans l’usage de la matière forestière, déjà trop utilisée pour l’exportation sous forme de granules qu’on brûle dans les centrales thermiques européennes et américaines. D’ailleurs, où est la logique d’exporter nos forêts pour les brûler ?

Produire et utiliser du GNR au Québec favorise notre indépendance énergétique (pensons à la crise du propane en agriculture), notre environnement, notre économie et crée de l’emploi. Le GNR est un élément important d’une stratégie efficace et profitable de lutte à la crise climatique.

Le rôle de l’AQLPA

Rappelons que l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) participe à l’évaluation des coûts et des résultats de projets énergétiques à la Régie de l’énergie depuis 20 ans. L’AQLPA est à l’origine de la bataille victorieuse contre les gaz de schiste au Québec. Elle est fermement opposée à l’importation et à la production de gaz de schiste et de gaz de procédés de raffinage de pétrole au Québec. Signalons, au passage, que l’on ne peut plus parler de gaz naturel conventionnel, la majeure partie du gaz importé au Québec est composée de gaz de schiste.

L’AQLPA encourage fortement la mise en œuvre de mesures d’efficacité énergétique. À la Régie de l’énergie, nous suivons de près l’avancement et l’amélioration des Plans globaux d’efficacité énergétique (PGEÉ) d’Énergir et d’Hydro-Québec. Il est reconnu par les intervenants à la Régie, dont le ROEÉ, que ces deux entreprises rencontrent leurs engagements en efficacité énergétique. Par ailleurs, nous y soutenons la production de GNR que le ROEÉ soutient aussi… surprise !

L’auteur est président de l’AQLPA