Nézet-Séguin rend hommage à Jacques Hétu

Les grands disparus

2020/02/26

Voici que le purgatoire tire finalement à sa fin pour notre grand compositeur ! Le jeudi 6 février au Centre National des Arts à Ottawa et le vendredi 7 février à la Maison Symphonique de Montréal, Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre Métropolitain ont interprété la 5e Symphonie de Jacques Hétu, une œuvre qu’il n’a jamais entendue de ses oreilles autres qu’internes, puisqu’elle fut créée trois semaines après sa mort par l’Orchestre Symphonique de Toronto dont les chefs appréciaient sa musique. 

Jacques Hétu, le compositeur canadien de facture classique le plus joué par les orchestres du monde entier, fut donc choyé par ses grandes œuvres créées chez nous surtout par l’Orchestre symphonique de Québec, les orchestres d’Ottawa, de Toronto, de Vancouver et l’Orchestre Métropo-litain. Sa vaste symphonie opus 81 que Christophe Huss, grand critique du Devoir, qualifie de véritable chant du cygne de « notre Jean Sibelius national », d’une durée de trois quarts d’heure, emprunte des accents de Mahler, Berg et Chostakovitch, servis par une orchestration digne de Henri Dutilleux son professeur, et se termine comme la 9e Symphonie de Ludwig, par un chant choral entonnant le poème Liberté de Paul Éluard.

« Liberté comme celle qu’il a affichée contre les modes et dictats qui lui ont valu mépris et ostracisme ici », ajoute Huss, avec un sens du pathos justifié par le sort réservé par la frange snob montréalaise à Hétu et à son ami André Prévost. Des milliers d’exemplaires de ce poème furent largués par la Royal Air Force au-dessus de la France en 1942 pour encourager la résistance contre les Nazis.

Rappelons cette qualité résiliente de Jacques, qui trois semaines avant sa mort envoyait sa cotisation aux Artistes pour la Paix pour nous aider à lutter pour un art de résistance, aux côtés de ses maintenant défunts amis cinéastes Gilles Groulx et Jean-Claude Labrecque. Après tout, il a aussi composé un chef d’œuvre, Images de la Révolution opus 44, créée par Charles Dutoit et l’OSM, en hommage à la Révolution française, une suggestion de notre collègue historienne d’art à l’UQAM, Claudette Hould. 

Ne recherchant pas les glorioles, Hétu se sentait d’abord Québécois, comme la présence de son ami Yves Beauchemin (qui a écrit pour lui l’opéra Le Prix) en témoigna lors du récital-hommage qui lui fut consacré le 9 février en après-midi en la Salle Jacques-Hétu de l’UQAM, 10 ans jour pour jour après sa mort.

L’auteur est Artiste pour la paix