Au Parti Québécois, quel chef pour la langue ?

2020/09/11

Sylvain Gaudreault

Une proposition majeure de M. Gaudreault est celle de « dépolitiser » les seuils d’immigration en confiant à un « observatoire indépendant » la tâche de conseiller le gouvernement sur le seuil à favoriser. Ce qui manque ici, c’est le plus important, c’est-à-dire la reconnaissance qu’il existe un lien direct entre le volume d’immigration et l’affaiblissement du rapport de forces entre le français et l’anglais à Montréal, ce qui relève pourtant de l’évidence mathématique. Pour tenter de maintenir la vitalité du français, l’immigration doit impérativement être réduite. 

Sylvain Gaudreault n’avait pas, à l’heure de mettre sous presse, de section traitant de la question linguistique sur son site web. Joint par courriel, M. Gaudreault a expliqué qu’il allait dévoiler le détail de ses propositions linguistiques sous peu et que cette question ne le laissait pas indifférent. Il se dit « extrêmement préoccupé » par l’anglicisation de la région de Montréal. Il dit vouloir une « réécriture de la loi 101 » pour l’adapter à l’évolution du monde depuis son adoption en 1977. Il dit également vouloir « réduire le financement des cégeps anglophones au poids de la minorité historique anglophone du Québec », ce qui est une proposition « costaude ».

Paul Saint-Pierre Plamondon (PSPP)

Sur son site de campagne, PSPP établit un diagnostic accablant (et exact) de l’état du français au Québec. Il propose des mesures en conséquence, par exemple, celle d’octroyer au postsecondaire anglophone (cégeps et universités) un financement proportionnel au poids démographique de la « minorité historique anglophone ». C’est une mesure « extra costaude ». 
PSPP s’inquiète aussi du bilinguisme des services de l’État québécois, bilinguisme qui nuit à l’intégration des allophones. Il souhaite conserver des services en anglais pour la « minorité historique anglophone » tout en imposant l’unilinguisme français dans les interactions entre les allophones et l’État. Mais signe que le désir d’imposer l’unilinguisme français à certaines catégories de citoyens tout en maintenant des services bilingues pour les autres relève de la quadrature du cercle, il n’a pas de solution claire à mettre de l’avant et propose simplement de « lancer une réflexion ». 

PSPP a aussi annoncé qu’il souhaitait une réduction des seuils d’immigration (à 30 000 par année environ) donnant par là un signal salutaire qu’il souhaite rompre avec la politique migratoire du PLQ.

Frédéric Bastien

À l’heure de mettre sous presse, le site de campagne de M. Bastien ne contenait aucune proposition concernant la langue et ma demande pour les détails de sa plateforme sur cette question est restée sans réponse. M. Bastien se concentre sur la réduction des seuils d’immigration (à 30 000 par année) et la défense de la laïcité, sujets sur lesquels il mène une campagne vigoureuse et remarquée. 

Pourquoi alors ce silence sur le français ? Mentionnons que M. Bastien est professeur à Dawson College, le plus gros cégep au Québec et un cégep anglais. Par le passé, il s’est opposé à deux reprises, via des lettres ouvertes, à l’extension des clauses scolaires de la Charte au niveau collégial.

Une première fois en 2012 dans une lettre publiée par La Presse. Dans celle-ci, M. Bastien accuse les « purs et durs » de propager une « vision alarmiste » en affirmant que les cégeps anglais sont des machines à assimiler (ce qui est vrai), que les étudiants qui fréquentent le collégial anglais s’inscriront ensuite à l’université en anglais (ce qui est vrai pour 90 % d’entre eux) et que le cégep anglais contribue à l’anglicisation du marché du travail à Montréal (ce qui est vrai). M. Bastien semble avoir évolué depuis. Ainsi, dans une vidéo mise en ligne sur sa page Facebook, il propose que ceux qui n’ont pas fait onze années de scolarité en français au Québec n’aient pas accès aux cégeps anglais. Car ceux qui ont fait 11 années de scolarité en français maîtrisent déjà cette langue et on ne « gagnera rien à leur imposer le cégep français », affirme-t-il. 

M. Bastien verse ici dans la confusion, fréquente, entre la « connaissance » d’une langue et son usage. C’est l’usage d’une langue qui détermine sa vitalité et non pas sa connaissance. Imposer les clauses scolaires de la Charte au collégial est une politique qui vise à soutenir et imposer l’usage du français au postsecondaire. La proposition de M. Bastien sur les cégeps vise donc l’accessoire et non l’essentiel. Elle est inadéquate.

Guy Nantel

Guy Nantel propose dans sa plateforme de donner à la langue anglaise, dans un futur Québec indépendant, un statut de « langue nationale minoritaire ». Ceci pour signaler, affirme-t-il, que les anglophones ne perdront pas leurs acquis dans un Québec indépendant « unilingue français ». Si l’intention de M. Nantel est louable, le diable est dans les détails. Si l’anglais est déclaré comme « langue natio-nale », même « minoritaire », je ne vois pas comment le Québec pourrait être « unilingue français » s’il est doté, de façon effective, de ce qui revient à deux langues officielles (quelle est la différence entre une « langue officielle » et une « langue nationale » ?). 

M. Nantel, il faut le saluer, est le seul candidat à proposer clairement l’extension des clauses scolaires de la Charte au cégep, soit la fameuse « loi 101 » au cégep. Concernant les seuils d’immigration, M. Nantel n’a pas de proposition claire. 

Rupture avec l’immobilisme

Saluons d’abord le fait que les candidats à la chefferie du PQ, pour la plupart, rompent clairement avec l’immobilisme qui a caractérisé ce parti depuis 1996 sur la question linguistique. La raclée historique de 2018 semble conduire à certaines remises en question salutaires. PSPP me semble nettement sortir du lot pour le sérieux de son analyse et de sa plateforme sur la langue. 

Simon Jolin-Barrette et la CAQ s’apprêtent à déposer un projet de loi sur la langue. Tout indique que ce projet sera « costaud ». La question de la langue n’appartient plus au PQ. Il existe, pour ce dernier, un réel risque que la CAQ le déclasse sur cette question. Si cela était le cas, le PQ se verrait brutalement dépouillé d’un de ses axes majeurs de mobilisation et d’un des principaux moteurs de l’idée d’indépendance. M. Legault a sans nul doute un double objectif en déposant un projet de loi « costaud » sur la langue : tenter de sauver les meubles pour le Québec français et liquider ce qui reste du PQ. 

Le Québec français peut-il survivre en restant membre du Canada ? C’est le pari de la CAQ. S’il veut survivre, le PQ doit démontrer que c’est faux.