McGill et le statu quo raciste

2020/11/06

Après avoir passé 17 ans à enseigner l’histoire de l’art et de l’esclavage à l’Université McGill, Charmaine Nelson, l’une des seules professeures noires de l’établissement et titularisées, a remis sa démission le 30 septembre dernier pour entrer au Nova Scotia College of Art and Design. Dénonçant inlassablement le passé du fondateur de l’institution, James McGill, et le silence de l’université à ce sujet, seule professeure noire d’histoire de l’art au Canada en 2001 à l’université Western, elle affirme l’être encore en 2020. Il faut l’entendre dans sa vidéo (1) expliquer avec calme les nombreuses raisons de sa démission, où elle reprend d’ailleurs (ou les aurait-elle énoncées en premier ?) nos solutions par rapport aux statues de personnages racistes controversés. 
Une vidéo institutionnelle (2), censée célébrer les 50 ans de la promotion 70 à laquelle j’appartiens, inclut deux discours de collègues aussi éteints que leur profession de commerce en période covidienne. Les jeunes étudiants d’Effusion a cappella y chantent une belle sélection divertissante, mais hélas aussi désincarnée que le reste de l’hommage mcgillois, que j’ai regardé avec un amusement teinté de consternation. Au début, les remerciements de la chancelière Fortier à l’égard des « divers peuples autochtones Anishinabeg et Handessosaaunee ayant enrichi de leur présence ce territoire qui accueille aujourd’hui bla bla… » ne répondent que partiellement à la professeure Nelson à savoir que James McGill, dont la statue est très menacée, a exploité des esclaves autochtones et noirs, ces derniers « oubliés » par la vidéo.

Notons que le drame historique de François Girard, Hochelaga, terre des âmes, 2017, se déroule en partie sur le terrain de football des Redmen dont on reporte sans cesse le changement de nom, tandis que l’Orchestre de chambre McGill a opportunément changé son nom en Orchestre classique de Montréal en 2019. En cette année 2020, on ne compte plus les articles, y compris une douzaine de ma plume, en hommage à Black Lives Matter et aux Wet’suwet’en, aux Mohawks, aux Inuits et aux Innus persécutés respectivement par la Gendarmerie Royale du Canada, par la Sûreté du Québec et par le personnel soignant d’un hôpital de Joliette. 

On ne peut passer sous silence une troisième vidéo (3) d’une heure, animée par trois musulmans sympathiques, car pourquoi diable avoir permis cette scandaleuse intrusion religieuse dans un document généraliste d’une institution de haut savoir scientifique et humaniste ? Au moment où je l’ai visionnée, elle était encore attachée en importance égale à celle du Golden Jubilee 1970 ! 

Pour le 200e anniversaire l’an prochain, je n’hésiterai pas à proposer une idée originale, neuve et audacieuse à laquelle sûrement personne n’a jamais pensé : que l’Université McGill reconnaisse enfin au début de son discours de célébration qu’elle est située en territoire… québécois. Imaginez le scandale !

(1) https://www.ledevoir.com/videos/586850/identite-charmaine-nelson-et-la-m...  article de Daphnée Hacker-B. et Guillaume Levasseur, dans Le Devoir du 30 septembre.
(2) Golden Jubilee: A 50th Anniversary Celebration for the Class of 1970 on youtube with Suzanne Fortier, as well as Jack Altman & Richard Vineberg, both Bcom70.
(3) The McGill Muslim Alumni Society is honoured to host the very first Muslim-oriented Homecoming event.

L’auteur est Licentiate and Bachelor of Music 70 de McGill