Occulter une réalité ne la fait pas disparaître

Quand nos gouvernements font fi de l’urgence climatique

2020/12/04

Au mois de novembre, nous avons eu droit à deux annonces navrantes de nos gouvernements dans le dossier de la crise climatique. Pour fin de mémoire, sachons que nos deux gouvernements ont présenté six plans d’action depuis 1998, trois par Québec et trois par Ottawa. Tous ont été de lamentables échecs.

Le 16 novembre, le gouvernement du Québec lançait son plan pour une économie verte, plan censé être la réponse à nos engagements climatiques maintes fois reniés. Le Québec, qui devait avoir réduit ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20 % en 2020, n’aura pas fait mieux qu’un très maigre et questionnable moins 8,7 % par rapport à l’année de référence, 1990.

Le gouvernement Legault blâme, avec raison, les gouvernements précédents pour avoir failli à leurs obligations, mais il ne propose rien de mieux que de viser une réduction bien inférieure à la moitié de l’objectif de moins 37,5 % prévu pour 2030, objectif déjà trop faible selon les experts du climat. Objectif, rappelons-le, que le Québec s’était engagé à atteindre en 2015 lors du 21e Sommet mondial sur le climat à Paris. 

Depuis lors, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) António Guterres a exhorté tous les gouvernements du monde, et en particulier ceux des pays développés, d’en faire plus, soit de réduire de 50 % les émissions de GES pour 2030. Déjà, en septembre 2018, il avait alerté le monde en déclarant dramatiquement qu’il ne restait que deux ans à la communauté mondiale pour mettre en place les mesures nécessaires pour contenir le réchauffement planétaire à moins de deux degrés. Nous sommes en 2020, soit à l’échéance critique indiquée par l’ONU…

Soyons bons joueurs. Le plan de Québec propose au moins quelques mesures souhaitables, comme l’électrification des transports avec pour cibles particulières les transports collectifs et de marchandises, ce qui est revendiqué depuis longtemps. De plus, Québec veut doubler la production de biogaz biométhane, seuls gaz naturels renouvelables (GNR) en les faisant passer de 5 à 10 % d’ici 2030 de notre consommation totale. Le potentiel de production de GNR est de 60 % de nos approvisionnements gaziers. Le GNR remplacerait avantageusement le recours aux combustibles fossiles importés, tels le pétrole bitumineux et le gaz de schiste, ce dernier composant 85 % de notre approvisionnement. 

Bien que favorisant l’économie et la création d’emplois ici, ce plan demeure très insuffisant en fonction de nos responsabilités climatiques, de nos occasions de développer une économie sobre en carbone, prospère et résiliente. Pourtant, on pourrait rapidement faire beaucoup mieux.

Mais là où ça dérape, c’est dans la part restante d’émissions de GES à éliminer, qui représente plus de la moitié de l’objectif. Le gouvernement du Québec entend recourir à l’achat en Californie de crédits carbone via la Bourse du carbone. Québec investirait massivement dans la réduction de la pollution de l’air et de l’atmosphère là-bas. Comme on entend investir directement 6 milliards de dollars ici pour atteindre moins de la moitié de notre objectif de réduction de nos GES, on peut craindre qu’on investisse encore plus à l’étranger pour acheter des crédits carbone afin de combler la différence.

Est-ce l’accumulation de contradictions dans la lutte au réchauffement planétaire qui déboussole le gouvernement du Québec ? Surtout lorsqu’on sait que les projets comme GNL Québec, le troisième lien à Québec et l’étalement urbain annihileraient nos efforts domestiques de réduction de nos émissions de GES. L’audace et la détermination du Québec des années 60 et 70 semblent complètement disparues…

Pendant ce temps, Ottawa se distingue par la médiocrité

Le 19 novembre, Ottawa déposait le projet de loi C-12, projet de loi concernant la transparence et la responsabilité du Canada dans le cadre de ses efforts pour atteindre la carboneutralité en 2050, en présence Steven Guilbeault, ministre de Patrimoine Canada – oui vous avez bien lu ! – de Jonathan Wilkinson, ministre de l’Environnement et du Changement climatique, ainsi que de Justin Trudeau, premier ministre. 

Depuis décembre 2015, moment où, à la tribune du Sommet mondial sur le climat à Paris, Justin Trudeau, aux côtés de Steven Guilbeault, lançait à la face du monde Canada is back, rien n’a été fait ! Triste manière d’apaiser les inquiétudes du monde entier devant l’irresponsabilité et le déni face à la crise climatique du gouvernement négationniste de Stephen Harper. Ce Canada conservateur préférait encourager la production de gaz et de pétrole, malgré une augmentation désastreuse des émissions de GES, de la pollution de l’air, de l’eau et des sols, ce qui valut au Canada le titre peu enviable de cancre climatique. Depuis ce temps, nous avons changé de gouvernement, mais ça continue… business as usual !

Nous ne pouvons que nous offusquer du fait qu’Ottawa ne nous annonce qu’un projet de loi pour encadrer un éventuel plan de lutte aux changements climatiques qui sera présenté d’ici six mois, sans préciser d’échéancier ni indiquer quelque cible que ce soit. Sachant qu’il y aura probablement des élections avant le prochain budget en mars 2021, on doit envisager le pire. Car, comme disait Félix Leclerc, « La veille des élections. Il t’appelait son fiston. Le lend’main, comme de raison. Y avait oublié ton nom ». 

On en reste encore au cinéma vert et aux relations publiques préélectorales. Il est absolument inacceptable que, durant le mandat majoritaire des libéraux, les émissions canadiennes de GES n’aient jamais cessé d’augmenter. Cinq ans après la mise en scène à Paris, le spectacle désolant continue. Alors, que vaut cette nouvelle annonce ?

L’auteur est président de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)