Ottawa veut déployer de petits réacteurs modulaires nucléaires

Une crise bien réelle et dramatique

2020/12/04

Le 18 novembre dernier, le ministre des Ressources naturelles, Seamus  O’Regan, devait annoncer un plan d’action pour le déploiement des petits réacteurs modulaires nucléaires, les PRM.  Mais ce n’est que partie remise. Le gouvernement fédéral a bien l’intention d’ajouter les PRM au nombre des énergies qui permettront au Canada d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris. Déjà, le 15 octobre dernier, Ottawa annonçait une subvention de 20 millions $ à Terrestrial Energy pour le déploiement des PRM.

La crise sanitaire représente un moment charnière pour une relance économique qui tienne compte d’une crise environnementale, tout aussi réelle que dramatique. Les mesures mises de l’avant pendant la crise sanitaire afin d’aider la population et les entreprises font globalement consensus. Cependant, les mesures en rapport avec la crise environnementale et climatique ne font même pas l’objet de discussions. Des décisions non judicieuses sont prises à la suite de consultations passées rapidement sous le radar, alors que les citoyennes et les citoyens sont confinés et que leur état de santé et leur situation financière requièrent toute leur attention.

Pendant ce temps, des lobbyistes de l’industrie nucléaire, avides de profits,  ont aisément accès à différents ministres pour faire valoir leur point de vue, sans qu’on tienne compte du danger terrible que représentent les déchets radioactifs. Les groupes exprimant les inquiétudes et les intérêts des ci-toyennes et des citoyens n’ont malheureusement pas cet accès privilégié au gouvernement. Les documents sont difficiles d’accès, les échéances pour faire des représentations trop courtes. De plus, le ministre des Ressources naturelles du Canada refuse carrément de les rencontrer et d’entendre de vive voix leur bien légitime point de vue. Ces groupes ont pourtant des solutions concrètes à proposer.

Les nombreuses interventions des promoteurs de l’industrie nucléaire ont convaincu le ministère des Ressources naturelles du Canada d’annoncer un plan d’action canadien pour le déploiement de petits réacteurs modulaires nucléaires, une technologie nouvelle et non éprouvée.

Nous sommes très inquiets à la suite de la volonté clairement manifestée par le gouvernement de soutenir cette filière. Le principal objectif du gouvernement ne devrait-il pas être de lutter efficacement contre le réchauffement climatique sans créer un immense problème avec les déchets radioactifs, dont le plutonium ?

L’énergie nucléaire n’est ni verte, ni propre, ni rentable, ni sécuritaire, ni respectueuse des Premières Nations. Son implantation est développée sans débat public, avec le soutien inacceptable du gouvernement dont l’objectif devrait être de protéger la population canadienne.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne produisent pas de l’énergie verte. Une étude de l’Université du Sussex échelonnée sur 25 ans démontre que les pays qui ont tenté de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre avec le nucléaire ont systématiquement échoué. L’Union européenne n’a pas accordé à l’énergie nucléaire l’accréditation d’énergie verte. Donc, les petits réacteurs modulaires nucléaires n’ont pas leur place dans la lutte aux changements climatiques.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne produisent pas de l’énergie propre. Les déchets radioactifs actuels sont entreposés de façon temporaire dans des contenants blindés jusqu’à ce qu’on développe une façon de les entreposer de façon sécuritaire pour des centaines de milliers d’années. Avec ses mauvaises décisions, le gouvernement fédéral va encourager la prolifération des déchets radioactifs de forte intensité, comme le plutonium, alors qu’il n’existe pas encore de plan concret pour gérer ceux déjà produits. C’est sans parler du transport des déchets radioactifs qui est une source bien réelle de préoccupation au sein de la population.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas rentables. Le coût de leur développement est nettement supérieur à celui des énergies renouvelables. Une étude canadienne révélait récemment que le coût de l’énergie produite par ces petits réacteurs serait de presque dix fois supérieur à celui des énergies renouvelables que sont, par exemple, le solaire et l’éolien. Il est donc fiscalement irresponsable de favoriser le déploiement de ces petits réacteurs à même l’argent des contribuables. 

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne sont pas sécuritaires. Des risques d’accidents, de contamination des nappes phréatiques et de l’eau potable doivent être envisagés sérieusement. Les déchets générés constitueront des menaces pour la santé publique et pour tous les organismes vivants, et ce, pendant des centaines de milliers d’années. 

La protection de la santé publique doit avoir priorité sur la promotion, moralement inacceptable, de l’énergie nucléaire. D’ailleurs, même l’Agence internationale de l’énergie atomique évoque d’éventuels problèmes de sécurité associés à ces petits réacteurs.

Les petits réacteurs modulaires nucléaires ne respectent pas les Premières Nations. Ces réacteurs seraient déployés dans des collectivités nordiques, là où les écosystèmes sont les plus fragiles et les plus importants pour la planète. Plusieurs nations autochtones s’y opposent : les Algonquins, les Premières Nations de l’Ontario, l’Assemblée des Premières Nations par la voix de Perry Bellegarde. Le gouvernement canadien, qui prétend entreprendre un virage écologique et se montrer respectueux des Premières Nations, ne perd-il pas toute crédibilité avec des décisions aussi dangereuses ?

Le développement des petits réacteurs modulaires a lieu en l’absence de tout débat public. Leur étude est dorénavant exclue de la Loi d’évaluation des impacts (pour ceux qui génèrent moins de 200 MW, soit la plupart d’entre eux). Ceci signifie que ni le public ni les Autochtones ne peuvent participer à un débat nécessaire et transparent sur cette importante question.

Les élus du Bloc québécois s’opposent sans équivoque au fait de prendre l’argent des Québécois pour développer une filière nucléaire, alors que le fédéral pourrait soutenir le recours aux vraies énergies vertes du Québec, d’autant plus que le Québec a mis fin au recours au nucléaire en 2012.

Nous invitons les ministres du gouvernement fédéral à s’interroger sérieusement sur les besoins réels du pays, soit la consommation d’énergie, le développement des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique, de même que sur le riche potentiel d’emplois que cela constitue dans le cadre d’un développement économique plus régional et favorisant l’environnement.

* Monique Pauzé, députée de Repentigny Porte-parole du Bloc Québécois en matière d’environnement
Ainsi que les députés-es du Bloc Québécois
Mme Sylvie Bérubé, députée d’Abitibi—Baie-James—Nunavik—Eeyou
M. Luc Thériault, député de Montcalm
Mme Kristina Michaud, députée d’Avignon—La Mitis—Matane—Matapédia
M. Sébastien Lemire, député d’Abitibi – Témiscamingue
M. Mario Simard, député de Jonquière
M. Gabriel Ste-Marie, député de Joliette
M. Xavier Barsalou-Duval, Pierre-Boucher—Les Patriotes—Verchères