Le Brexit démontre la faisabilité d’un Quexit

Un précédent sur la marche à suivre pour un Québec indépendant

2021/01/29

La saga du Brexit aura apporté au moins un élément positif au débat sur l’indépendance du Québec.  Ses détracteurs viennent de perdre un de leurs principaux arguments.

Quand un pays accède à son indépendance, il doit renégocier tous ses accords commerciaux avec ses partenaires et cela prend du temps. Le Brexit nous apporte une réponse sur ce qui se passe entre l’indépendance et la fin des négociations.

En attendant que tout ait été renégocié, l’ensemble des partenaires du Royaume-Uni ont choisi de prolonger les accords qui les liaient avec celui-ci comme membres de l’Union européenne. Ainsi, le Royaume-Uni ne tombe pas dans le néant durant cet entre-deux. Il s’agit d’un précédent qui marque la voie à suivre pour un Québec indépendant et ses partenaires. Même le Canada a choisi cette option.

Le Canada détient en effet un accord avec l’Union européenne. Pour éviter que le départ du Royaume-Uni de l’UE ne laisse un vide dans les relations commerciales entre Londres et Ottawa, un accord transitoire a été conclu en un laps de temps assez court. Le procédé est simple : l’accord entre Bruxelles et Ottawa est reproduit dans un accord entre Londres et Ottawa, à quelques détails près, pour une période provisoire jusqu’à ce que les partenaires renégocient à court terme une entente permanente. La stabilité est ainsi assurée jusqu’à la conclusion de la nouvelle entente.

Voici le raisonnement qui sous-tend cette négociation. Dans l’hypothèse où le Royaume-Uni aurait quitté l’Union européenne sans accord temporaire, il y aurait eu un impact négatif sur son économie. Mais cet impact négatif se serait aussi fait sentir chez ses partenaires. Puisque tout le monde y aurait perdu, tous ont eu intérêt à prolonger la couverture de ces accords, comme cela a été fait. L’intérêt politique de l’Union européenne, qui aurait pu être de punir le Royaume-Uni pour sa décision, ne faisait pas le poids face à son intérêt économique de conclure une entente.

Le même raisonnement s’appliquerait lors de l’accession du Québec à l’indépendance. Les adversaires de cette option auront beau brandir le spectre d’une rupture des relations avec nos partenaires commerciaux et de la nécessité de tout renégocier à partir de zéro, on comprend que ceux-ci n’auraient aucun intérêt à favoriser cette option. On le savait déjà ; le Brexit le confirme, fournit un cas d’espèce.

Évidemment, dans la saga du Brexit, les aspirations du Québec se rapprochent davantage de celles de l’Écosse. Étant opposée au Brexit, la nation écossaise va vraisemblablement relancer les démarches visant à accéder à sa souveraineté. L’indépendance de la petite nation lui permettrait de faire partie d’un ensemble économique plus grand, selon sa propre volonté, et non pas selon celle du voisin qui décide à sa place.

Nos meilleures pensées accompagnent aussi la nation irlandaise. Le Brexit menace les Accords du Vendredi Saint, qui permettent un rapprochement entre l’Irlande et l’Irlande du Nord.

Le Québec a compris depuis longtemps qu’il a tout intérêt à être couvert par de bons accords commerciaux et à être ouvert sur le monde. C’est la position du Québec depuis des décennies. Le Parti Québécois de Jacques Parizeau et de Bernard Landry avait appuyé le premier accord signé entre les États-Unis et le Canada. 

Ceci ne nous empêche aucunement de critiquer les aspects négatifs de ces accords. On peut penser au Chapitre 11 de l’ALÉNA, qui donnait plus de pouvoir aux grandes entreprises qu’aux États. Heureusement, il n’a pas été reconduit dans le nouvel ALÉNA, l’ACÉUM.

On peut aussi critiquer le fait que le Canada ait choisi de sacrifier trois fois l’agriculture québécoise lors de la négociation de ses trois derniers accords commerciaux, à savoir l’Accord Canada-Europe, le Partenariat transpacifique et l’ACÉUM. En ouvrant systématiquement des brèches additionnelles dans la gestion de l’offre, le Canada nous rappelle qu’une nation a toujours avantage à négocier elle-même ses accords commerciaux. Et cela passe par son indépendance.

Le Brexit nous montre la voie à suivre lorsqu’une nation commerçante conquiert ou récupère sa souveraineté. Le Québec pourrait aisément imiter cette façon de faire et conclure rapidement des ententes provisoires en attendant des renégociations plus substantielles avec ses partenaires.

Le Royaume-Uni a par ailleurs conclu des traités commerciaux avec 60 des 70 pays avec lesquels l’UE avait signé des accords. Londres est même parvenu à une entente avec le Japon, alors que celui-ci n’avait pas d’accord avec l’Union européenne.

Les accords transitoires – parce qu’ils sont provisoires – n’exemptent pas les pays nouvellement indépendants de retourner à la table des négociations plus tôt que tard. 

Y a-t-il un problème à renégocier ce qu’un autre a négocié pour nous ? Il y a beaucoup plus d’avantages que d’inconvénients à se présenter à la table de négociations uniquement sur la base de ses propres intérêts. Cela nous éviterait, par exemple, de marchander les secteurs chers au Québec ― par exemple son agriculture, son aluminium ou son bois d’œuvre ― comme le Canada l’a fait lors des derniers accords de libre-échange qu’il a signés. Ou encore de tout miser sur le pétrole et le bœuf de l’Ouest dans les relations avec l’Europe, comme l’avait fait le gouvernement Harper, estampillant notre production du label d’un pays pollueur, malgré les efforts environnementaux du Québec, sans compter l’affaiblissement de notre secteur manufacturier, délaissé lors de la négociation.