Mères au front, pour la suite du monde

Mobilisation contre le projet de loi fédéral C-12 sur la carboneutralité

2021/02/26

À peine quelques heures après que le regroupement Mères au front, initié par Anaïs Barbeau-Lavalette et Laure Waridel, ait lancé sa campagne de mobilisation contre le projet de loi C-12 du gouvernement Trudeau portant sur la lutte aux changements climatiques, mon bureau de circonscription était inondé de milliers de courriels d’appuis auxquels nous avons pris le temps de répondre. La dernière fois où j’ai assisté à un tel tsunami, c’est lorsque le Québec a fait face à la menace de la construction du pipeline Énergie Est. 

Tout comme moi, les 5 000 membres de Mères au front au Québec reconnaissent que le projet de loi C-12 sur la carboneutralité est un pas dans la bonne direction, mais qu’il n’est pas assez audacieux. En tant que mère de trois enfants, j’ai toujours été sensible au monde que j’allais leur léguer. Après tout, nous n’avons qu’une seule planète et si on la bousille où vivrons-nous ?  Depuis des décennies, les humains pillent et polluent la terre, et nos émissions de gaz à effet de serre (GES) sont maintenant plus importantes que la capacité d’absorption de nos océans et de nos forêts. L’humanité doit arrêter de vivre à crédit, car notre dette environnementale aura de lourdes conséquences pour nos enfants et nos petits-enfants.

Face à l’urgence climatique, ce n’est pas d’un pas dans la bonne direction dont nous avons besoin, mais d’un grand bond en avant.  D’ailleurs, à titre de porte-parole du Bloc Québécois en matière d’environnement, je me suis rapidement aperçue des nombreuses faiblesses du projet de loi C-12. L’objectif général d’une loi sur le climat devrait être de rendre les gouvernements actuels et futurs responsables de leur action en matière climatique et d’éviter la répétition d’échecs en matière de réduction de GES. Le projet de loi du gouvernement Trudeau ne permet aucunement d’atteindre ces objectifs.  

C’est d’ailleurs pour cette raison que, l’an dernier, le Bloc québécois a déposé son propre projet de loi sur le climat, le projet de loi C-215, porté par ma collègue Kristina Michaud, députée d’Avignon―La Mitis―Matane―
Matapédia. Notre projet de loi était beaucoup plus contraignant que celui du gouvernement Trudeau et, sans le savoir, il répondait en grande partie aux demandes qui se trouvent aujourd’hui dans la missive de Mères au front.  Malheureusement, les libéraux et les conservateurs l’ont balayé du revers de la main, le 3 février dernier. Encore une fois, ils ont manqué de courage. Pourquoi ? Parce que le Canada est un pays pétrolier. 

Le Canada, pays pétrolier

J’en profite ici pour rappeler qu’entre 1990 et 2017, les émissions de GES provenant de l’exploitation des sables bitumineux ont augmenté de 423 %. C’est devenu le secteur le plus polluant au Canada. Pour sa part, le secteur des transports a été la deuxième plus importante source d’émissions de GES avec 24 % du total. Nous devons agir sur ces deux fronts si nous voulons obtenir des résultats.

On a tendance à l’oublier, mais une étude publiée dans la revue Nature en 2015 affirmait que, pour respecter les engagements pris à Paris, le Canada devait laisser dans son sol plus de 85 % de ses ressources pétrolières. Qu’a fait le gouvernement Trudeau par la suite ? Il a multiplié les décisions favorables à l’expansion de l’exploitation des sables bitumineux et il est même allé jusqu’à faire l’acquisition du pipeline Trans Mountain, qui émettra 620 mégatonnes de GES d’ici 2030. 

Depuis le début de cette terrible crise sanitaire, les élus du Bloc québécois ont proclamé que la pandémie ne devait pas avoir pour effet de camoufler une autre crise, climatique celle-là. Les enjeux de la santé et de l’environnement sont, nous en sommes de plus en plus conscients, intrinsèquement liés. La propagation de maladies infectieuses n’est pas sans lien avec la dégradation de l’environnement et la perte de biodiversité. L’action publique doit, impérativement et systématiquement, être pensée en termes de viabilité écologique et de résilience. Avant la pandémie, nous dénoncions déjà toutes les formes de subventions aux énergies fossiles; nous n’accepterons pas que le gouvernement canadien profite de la crise sanitaire pour les soutenir davantage.

En matière de changements climatiques, le Québec a ses propres défis et responsabilités. Mais nous sommes convaincus que notre nation a tout ce qu’il faut pour atteindre sa propre cible de réduction de 37,5 % des émissions de GES en 2030 par rapport au niveau de 1990. Surtout, nous croyons que les Québécois sont résolus dans leur volonté d’agir pour contrer la crise climatique. Et je sais qu’ils s’attendent, avec raison, à ce que les gouvernements agissent en conséquence. Nous avons déjà réduit nos émissions de 8,7 % depuis 1990, pendant que celles du Canada (en incluant le Québec) augmentaient de 18,9 %.

Porter leur lutte au Parlement

Je l’ai toujours dit, l’apport des mouvements citoyens est primordial pour faire avancer les choses et je suis fière de ces mères de famille qui voient très bien que le Canada n’est pas en voie d’atteindre les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Je compte sur elles afin d’exiger que le gouvernement canadien se détourne de sa dépendance aux hydrocarbures et se libère du poids des lobbys pétroliers et gaziers. 

Pour notre part, les élus du Bloc québécois, nous porterons leur lutte au Parlement afin d’enchâsser dans le projet de loi C-12 des éléments cruciaux de notre projet de loi C-215, afin que nous puissions réellement évaluer l’action gouvernementale quand vient le temps de lutter contre les changements climatiques et de rencontrer nos engagements internationaux. Il est impératif que le gouvernement révise sa proposition de loi afin d’assurer un avenir viable à nos enfants.

L’auteure est députée du Bloc Québécois