La CSN a 100 ans !

Un mouvement dans le siècle

2021/10/08

À Hull, le 24 septembre 1921, s’ouvrait une page de l’histoire syndicale québécoise qui se poursuit depuis maintenant 100 ans. Mais la CTCC n’aura pas la vie facile. Née canadienne, elle se développera tout naturellement au Québec. Et lorsqu’elle deviendra en 1960 la CSN, il était clair que le mot « national » s’appliquait au Québec.

Dès le départ, la CTCC s’est élevée contre l’idée que des Québécois francophones devaient être membres de syndicats américains. « C’est un non-sens, une abdication nationale et un danger politique que d’avoir des syndicats relevant d’un centre étranger », affirmait la constitution. Habituées à traiter avec des syndicats américains, les entreprises étrangères ont fait la vie dure à cette organisation française et catholique.
 
Cette réalité est apparue clairement lors des grèves dites illégales dans les moulins à papier du Saguenay-Lac-Saint-Jean, en 1943. Le cri de ralliement des travailleurs était : « On veut des syndicats catholiques et français ! », clamaient les ouvriers. Ce cri du cœur traduit bien ce qu’on a appelé plus tard l’oppression nationale du peuple québécois. Même blocage à Windsor, à Clermont et à Montmorency. 

La grève de l’amiante en 1949 est considérée comme un moment charnière de l’histoire. Dans La grève de l’amiante, Trudeau a écrit: « Celle-ci fut significative parce qu’elle s’est produite alors que nous vivions la fin d’un monde, précisément au moment où nos cadres vermoulus (…) étaient prêts à éclater. »

Bombant le torse, Jean Lesage avait affirmé : « La reine ne négocie pas avec ses sujets ! » Il dut ravaler ses paroles… Les fonctionnaires et les professionnels se sont syndiqués à la CSN. Les ingénieurs d’Hydro-Québec, comme les ingénieurs de la Ville de Montréal. De même à la Régie des alcools. Les professeurs de l’État du Québec ont fait la grève, comme à la SAQ et au SPGQ. 

Les rapports moraux de Marcel Pepin, Une société bâtie pour l’homme, en 1966, et Le deuxième front, en 1968, ont engagé la CSN sur la voie de la radicalisation. Il fallait agir en dehors de la convention collective, là où les travailleurs se faisaient arracher les gains obtenus en négociation. Cette radicalisation connut son apogée à l’automne 1971 avec les deux documents-chocs produits par la CSN, Il n’y a plus d’avenir pour le Québec dans le système économique actuel et Ne comptons que sur nos propres moyens.

1970 : Une décennie qui commence sur les chapeaux de roues avec les Évènements d’octobre. La CSN s’est retrouvée avec d’autres au cœur de la défense des droits démocratiques, attaqués par un État fédéral qui, visiblement, utilisait le FLQ pour « faire peur au monde ». 

Fin stratège, Pepin voyait loin. Il avait mis près de deux ans pour mettre en place le Front commun et forcer le gouvernement à négocier à une table centrale. L’année 1972 fut certes l’une des plus agitées dans le siècle. Grève générale dans le secteur public, emprisonnement des trois présidents, condamnation de dizaines de militantes et de militants. Mais à l’automne, Pepin obtient la principale revendication du Front commun : le 100 $ par semaine. La CSN avait perdu environ 100  000 membres, mais à la fin de la présidence de Norbert Rodrigue, elle les aura récupérés.

Le référendum perdu est suivi d’une crise économique qui frappe de plein fouet. Les négociations avec le gouvernement Lévesque sont extrêmement difficiles. Elles vont se conclure par trois lois spéciales, dont l’une imposant le contenu des conventions collectives. 

Raymond Malenfant achète en 1985 le Manoir Richelieu. Il refuse de reconnaître le syndicat. La mobilisation s’organise. Durant une manifestation, le mari d’une militante meurt étouffé par un policier. Gérald Larose fait alors preuve de courage. « J’accuse la Sûreté du Québec d’avoir tué Gaston Harvey ! » À ceux qui reprochent à la CSN de faire beaucoup de bruit « pour seulement 300 personnes », Larose réplique que « ce n’est pas le genre de la maison de fermer la fenêtre pour ne pas entendre les cris de la femme qu’on viole dans la ruelle à côté. »
La CSN s’est engagée du côté du OUI en 1995, comme les syndicats, groupes communautaires, associations féministes, communautés religieuses et autres. Sans surprise, les partis politiques fédéralistes, les associations patronales, le grand capital et les anglophones ont été avec le NON. Un référendum perdu de peu, sinon volé.

En septembre 1997, le Sommet sur l’emploi réclamé par les syndicats a apporté des avancées qui contribuent encore aujourd’hui au développement du Québec : Réseau de garderies, Chantier de l’économie sociale, reconnaissance de l’action communautaire, réduction de la semaine de travail, lutte à la pauvreté, création de 150 centres locaux d’emploi. Avec l’adoption en 2006 de la Loi sur l’équité salariale, pas moins de 360 000 femmes travaillant dans le secteur public se sont partagé 1,7 milliard $. 

Les gouvernements du PLQ ont été marqués par des politiques d’austérité néolibérales : les syndicats ont réagi. En 2015 s’est tenue la grève la plus importante dans le secteur public depuis 1972. Le gouvernement Couillard, qui voulait geler les salaires des travailleuses et des travailleurs, dut reculer.

Aujourd’hui, la CSN et les autres organisations syndicales doivent relever le défi d’une organisation du travail bouleversée par la pandémie.