Maria Chapdelaine et Embrasse

Le mythe avéré du Lac-Saint-Jean créatif

2021/11/05

L’immense œuvre de cinéma Maria Chapdelaine par Sébastien Pilote représente un film comparable dans son ambition aux grands westerns américains ou aux chefs-d’œuvre récompensés par un Prix Nobel de littérature de John Steinbeck. Trop longtemps englués dans les histoires de curés d’Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon exploitées à plus soif à la télé dans diverses moutures des Belles Histoires des Pays d’en Haut, les spectateurs découvrent émerveillés un nouveau Louis Hémon.

Magnifié par la direction du Chicoutimien qui nous a donné Le Vendeur et La Disparition des lucioles, le jeu sobre d’Hélène Florent, de Sébastien Ricard et de Sara Montpetit nous offre une véritable épopée de deux heures et demie tournée sur quatre saisons au Lac-Saint-Jean, en hommage à nos pionniers et en éloge de leur humble travail et de leurs amours ascétiques. 

Une œuvre majeure artistique se reconnaît par sa capacité de hanter l’imaginaire d’un consommateur culturel pendant des semaines, voire pendant des mois pour les spectateurs occasionnels.

Les Oiseaux ivres : un navet

Ce film chichement critiqué possède hélas deux dénominateurs communs avec Les oiseaux ivres : Hélène Florent et Philippe Brault, musicien. Cela ne suffit pas pour donner quelque éclat à ce navet confus, choix multiculturally canadian pour représenter le Canada aux Oscars. Si on avait deux ans plus tôt applaudi Nahéma Ricci jouant Antigone, héroïne expulsée du Canada par la police et les bureaucrates de l’immigration mais révérée par la jeunesse du Québec, quelle amère déception face aux rôles unidimensionnels de Claude Legault comme père et mari frustré sexuel et du mexicain J. A. Guerrero comme amoureux transi d’une starlette mafiosa, puis martyre de propriétaires agricoles québécois racistes, en un maladroit scénario attaché avec de la broche à foin qui ne sait pas conclure. Vivement l’autonomie culturelle du Québec pour des choix éclairés : j’aurais cent fois voté pour Bootlegger de la géniale métisse bretonne-anichinabée Caroline Monnet.

Michel Marc Bouchard

Famille, religion, violence, rédemption... Embrasse, une pièce de théâtre issue de la pandémie, a fait l’objet en septembre de la grande première longtemps espérée du Théâtre du Nouveau-Monde à laquelle assistait le gratin artistique montréalais totalement séduit. Ses acteurs vedettes Théodore Pellerin, Anne-Marie Cadieux et Yves Jacques vivent des moments dramatiques, alternant avec des instants de drôlerie qui font baisser la tension : saluons aussi l’acteur Anglesh Major personnifiant un policier venant maladroitement au secours d’Alice Pascual. On courra aux représentations du mois de novembre à Terrebonne, Saint-Jérôme, Gatineau, Sherbrooke, Rimouski et Drummondville. 

L’auteur de Tom à la ferme, porté au cinéma – sans doute son chef-d’œuvre le plus troublant – par Xavier Dolan, estime avoir fait la paix avec le climat lourd de son passé au Lac-Saint-Jean. « Oui, la violence a fait partie de ma vie, elle a fait partie d’une partie de mon enfance, et l’écriture a été un long, long cheminement, je dirais, de réconciliation. »  Comme la pièce L’Orangeraie de Larry Tremblay, un des grands thèmes d’Embrasse rend hommage à la mère, source d’amour, de conflit, de douleur et d’admiration éperdue. Autre pa-renté étonnante, la première œuvre de Michel Marc Bouchard Les Feluettes a aussi été portée à l’opéra, sur la grande scène de l’Opéra de Montréal avec le chanteur Étienne Dupuis interprétant la musique de Kevin March, dans une mise en scène signée Serge Denoncourt.

L’auteur est Artiste pour la paix