Je cherche encore comment qualifier la COP26…

L’industrie des énergies fossiles dans la délégation canadienne

2021/12/03

Je cherche encore comment qualifier la COP26… Un manque de courage ? L’élé-phant qui accouche d’une souris ? Une petite victoire… mais la guerre est perdue ? Des promesses recyclées ? Un petit pas pour l’homme… « rien » pour l’humanité ? 

La planète s’est déjà réchauffée d’un degré par rapport au niveau préindustriel. Toutes les alertes ont été sonnées pour nous dire qu’il reste à peine une décennie pour changer de cap. Il faut agir dès maintenant si l’on veut se donner une chance d’éviter une catastrophe de laquelle l’humanité n’arrivera pas à se relever. Nous ne sommes plus à l’heure des « pas dans la bonne direction ». L’heure est venue de faire des bonds de géant. 

Deux objectifs prioritaires

Malheureusement, ce n’est pas ce qui s’est passé à Glasgow à l’occasion de cette 26e COP. Cette COP avait deux objectifs prioritaires : prendre des engagements qui pourraient potentiellement limiter le réchauffement à 1,5o C d’ici la fin du siècle et concrétiser une contribution globale de 100 milliards $ par année, nécessaire pour les pays moins développés.

Sur ce dernier objectif, rappelons que cette somme devait être fournie par les pays riches pour aider les pays victimes de notre industrialisation et qui sont déjà aux prises avec des bouleversements climatiques. Depuis 2009 qu’on en parle, sans résultats. On se donnait jusqu’en 2020 pour atteindre cet objectif ; aujourd’hui on parle de 2023. Les sommes devaient ensuite être augmentées... À mon avis, c’est un échec.  

L’autre objectif crucial de cette COP c’était celui de limiter le réchauffement climatique. Le nouveau ministre de l’Environnement du Canada, Steven Guilbeault, se dit enthousiaste. Il salue les résultats de la COP de Glasgow, mais admet que les engagements pris sont insuffisants.  Fier de ceux de son gouvernement, il va même jusqu’à dire que cette entente démontre que plusieurs pays, dont le Canada, ont résisté aux demandes des lobbys pétroliers qui voulaient amoindrir la portée de leurs engagements. De toute évidence, nous n’avons pas la même définition du mot « résistance »… 

L’autrice est députée du Bloc Québécois

Permettez-moi d’être beaucoup plus critique envers le travail du gouvernement canadien et des résultats de cette COP, à commencer par le fait que le Canada est arrivé avec la même cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) que celle envoyée à l’ONU en juillet, c’est-à-dire 40 à 45 % par rapport à 2005 d’ici 2030, alors qu’il est le 4e plus important producteur de pétrole au monde…
 
Une ambition de réduction de GES qui n’était même pas accompagnée d’un nouvel engagement financier. 

Monsieur Guilbeault fait des déclarations, toutes plus positives les unes que les autres, mais en laissant planer un air d’inquiétudes, de soucis… Pour la parade, je crains. Il a répété à Glasgow les intentions de son gouvernement d’éliminer les subventions aux combustibles fossiles en 2023 (plutôt qu’en 2025), sans oublier une promesse électorale majeure : plafonner les émissions de GES du secteur pétrogazier. La question de l’élimination des subventions n’a rien de récent et pour ce qui est du plafonnement des émissions, plusieurs questions restent en suspens. 

Maintenant, si on regarde de plus près les grandes lignes du Pacte de Glasgow, on y retrouve : 

1. Entente pour réduire les émissions de méthane 

À Glasgow, plus de 80 pays, dont le Canada et les États-Unis, se sont entendus pour réduire de 30 % leurs émissions de méthane par rapport à leur niveau de 2020. De prime abord, on peut y voir une excellente nouvelle, mais dans les faits, cette entente ne fait que reporter de cinq ans un engagement équivalent pris en 2016. 

Il s’agit tout de même d’un point positif, car le méthane (CH4) est le deuxième gaz à effet de serre (GES) en importance après le dioxyde de carbone (CO2). Mais il est de 80 à 86 fois plus puissant que ce dernier sur une période de 20 ans. 

2. Engagement pour enrayer la déforestation 
 
Encore une fois, on ne peut pas être contre la vertu et on ne peut que se réjouir de voir les dirigeants de plus de 100 pays — abritant 85 % des forêts mondiales — adopter une déclaration sur les forêts. 

Mais cette alliance ne fait que reprendre les promesses de la Déclaration de New York signée en 2014 par 38 pays. À l’époque, l’objectif commun était de réduire les pertes forestières de moitié d’ici 2020, en s’efforçant d’y mettre fin d’ici 2030. S’engager à protéger les forêts d’ici 2030 ne fait que laisser la porte ouverte à une décennie de déforestation supplémentaire. 

3. Le ralliement autour de l’élimination du charbon, la plus polluante des énergies fossiles
 
L’initiative diplomatique lancée en 2016 par l’ex-ministre McKenna, l’Alliance : Énergiser au-delà du charbon laisse perplexe. Cette approche de type « engagement » a permis de rallier 77 pays signataires (165 membres au total, incluant gouvernements nationaux, régionaux et autres organisations). Mais cet accord est non contraignant et 4 des 5 pays les plus actifs dans l’industrie charbonnière (la Chine, l’Inde, les États-Unis et l’Australie) n’y participent pas ! Si les pays qui assurent 79 % de la production mondiale ne sont pas de la partie, quels réels espoirs pouvons-nous avoir ? 

Autre mention notable : la Beyond Oil & Gas Alliance, qui vise l’élimination progressive de l’exploitation des énergies fossiles, compte désormais le Québec parmi ses membres. Ottawa, bien qu’engagé à mettre fin aux nouveaux financements publics internationaux pour les énergies fossiles, a choisi de ne pas joindre l’Alliance… 

4. Les paroles s’envolent, mais les écrits restent… Enfin !

C’est la première fois que, dans un texte de diplomatie climatique, on nomme les choses. Il est écrit qu’on doit accélérer les efforts pour diminuer progressivement le recours à l’exploitation traditionnelle du charbon et éliminer les subventions « inefficaces » aux énergies fossiles. Les États sont, en large partie, sclérosés : pris entre l’arbre et l’écorce pour légiférer adéquatement, ils s’exposent à des défis climatiques et juridiques coûteux, qui auront des impacts politiques à court et moyen termes.
 
D’un point de vue « angélique », je serais portée à dire : « C’est mieux que le statu quo. » Plusieurs déclarations ont été faites voulant que cette COP se déroulait difficilement, que les défis d’accès étaient omniprésents et que, de ce fait, seuls 25 % des accréditations d’accès n’aient pu être honorées. Ce que j’en retiens ? Les restrictions sanitaires, prévisibles, ont transformé les enjeux « d’accès » en enjeux « d’égalité ».  

Principal responsable des émissions de GES causant le réchauffement climatique, le secteur pétrolier et gazier était massivement représenté à Glasgow. Je tiens à souligner (à grands traits!) que seuls le Canada et la Russie ont accueilli dans leurs délégations, des membres de l’industrie des énergies fossiles. 

Cet accueil réservé aux représentants de l’industrie au sein de la délégation canadienne met en lumière le double discours d’Ottawa : vouloir plafonner les émissions de GES, sans s’engager à mettre fin à l’exploitation des hydrocarbures ! Il aurait été de bon augure que le Canada fasse participer davantage ses experts scientifiques et permette à des représentants de pays directement touchés par les bouleversements climatiques d’être au cœur des discussions. 

Développer le courage politique

Le Pacte de Glasgow prévoit la révision et le renforcement des objectifs de réduction des émissions d’ici la fin de 2022. Dans l’Accord de Paris, la révision se faisait aux cinq ans. Peut-être qu’un « rappel » annuel portera ses fruits ? 

Nous avons besoin de changements plus profonds. La technologie ne va pas tout régler. Nous ne devons pas dissocier les questions sociales des questions environnementales.  Quand on parle d’environnement, cela interroge aussi nos actions individuelles et collectives. Nous devons remettre notre mode de vie en question et diminuer notre empreinte carbone en réduisant notre consommation d’énergie, en évaluant l’état de notre surconsommation. Individuellement, nous avons certainement un rôle à jouer. Or, ce sont les actions et la gouvernance structurantes que seul un gouvernement peut initier qui feront la différence.