Martin Duckworth, grand humaniste

Le documentaire, un mariage entre la vie et l’art

2021/12/03

Chère Audrey (ONF), un film extraordinaire (terme pesé et réfléchi) que le cinéaste Jeremiah Hayes vient de présenter le 19 novembre est consacré à Audrey Schirmer et Martin Duckworth, qui furent ses mentors au début de sa carrière.

Grand défenseur de la justice et de la paix, Martin Duckworth est l’un des plus importants documentaristes du Québec : fils de la renommée pacifiste Muriel Duckworth morte à cent ans (une partie du film est tourné dans sa vieille maison à Austin sur le bord 
du lac Memphrémagog), Martin Duckworth a reçu la plus importante récompense gouvernementale pour le cinéma, le Prix du Québec Albert Tessier 2015, après sa récompense « Artiste pour la paix de l’année 2003 » des mains du président d’alors, Paul Klopstock. 

Dans ce nouveau film, tourné sur quatre années par son camarade de trente ans de militantisme pour la paix, l’octogénaire, assisté de sa fille de 47 ans atteinte d’un trouble du spectre de l’autisme, accompagne sa femme, la photographe et militante Audrey Schirmer, alors qu’elle entre dans la dernière phase de la maladie d’Alzheimer. Les époux s’étaient rencontrés dans une manifestation contre la guerre au Vietnam à la fin des années soixante : il s’agissait du troisième mariage pour Martin qui avait des enfants de ses deux premiers.

Prouvant une résilience et une force saisissantes, cet émouvant portrait biographique permet à Martin Duckworth de revenir, sans filtre, sur des moments personnels et professionnels marquants de leur vie. Dépeignant un parcours marqué par d’incroyables rebondissements et par une cohérence à toute épreuve, Dear Audrey s’écrit davantage au présent qu’au passé, devenant par le fait même le témoignage de l’amour croissant d’un homme pour sa femme que rien ne semble pouvoir séparer. 

Voici comment Jeremiah Hayes l’a présenté : « Le cinéma documentaire est un mariage entre la vie et l’art. Cette citation de Martin exprime ce que j’aime dans son cinéma et dans son attitude envers la vie. Pour lui, faire des films, c’est autant forger des amitiés durables que créer de l’art. Mon tout premier emploi après mes études en cinéma était avec Martin Duckworth. C’était en 1991, à l’Office national du film du Canada, et j’étais assistant monteur sur le film de Martin sur la Première Guerre du Golfe, au titre [chargé d’ironie] Peacekeeper at War. 

« Dès le début, la farouche détermination de Martin à dire la vérité à travers ses films (ainsi que l’histoire fascinante de sa vie), m’avait inspiré. Même si Martin a frôlé la mort dans un accident de voiture au Mexique et a été témoin de carnages en filmant sur les lignes de front de pays déchirés par la guerre dans le monde entier, il est resté optimiste. À travers les épreuves et la mort, Martin a développé un sens aiguë de l’aspect précieux de chaque instant de la vie. L’ordinaire devient extraordinaire, dans la vie comme au cinéma. »