L’Université Laval, moderne ou médiévale ?

2011/11/02 | Par Jacques Légaré

C’est à tomber des nues que d’apprendre que l’Université Laval, fondée par un Monseigneur intégriste du 17e siècle, qui fit fusiller un libre-penseur (Daniel Urvil)..., a créé une «Chaire en enseignement de la théologie sacramentaire et en liturgie». Pour ma ville natale, c’est une pure honte. Certains décideurs publics ont encore une culture médiévale.

Cette université financée par des fonds publics se met au service de la propagande de sectes et de religions privées, dont les églises sont vides, les crimes pédophiles devant les tribunaux, les credo dénoncés et violant les droits de l’homme.

Où en sommes-nous pour être tombés intellectuellement aussi bas ? C’est même plus qu’une question d’opinion (métaphysique) ou de choix culturel (personnel) mais bel et bien une question d’intelligence. En effet, quand la religion catholique est au pilori sur toute la planète pour des crimes contre l’enfance, commis pendant des décennies, sinon des siècles, on en vient à douter de l’intelligence, du jugement certainement, des gestionnaires de fonds publics.

Sans compter, leur insondable ignorance de la scientificité du fait religieux: un produit primitif pour les crédules. Favoriser, voire cautionner, en ses murs une telle indigence intellectuelle contredit toute la mission éducative d’une université digne de ce nom. D’évidence ou de bon sens, favoriser ou diffuser la pensée magique dans un cours freine ou altère la formation scientifique dispensée dans un autre.

C’est aussi l’effet d’une lumière faible de laisser passer une telle couleuvre. Que le l’Archidiocèse de Québec avance 250 000 $ en vitrine ne nous dit rien des fonds et prêts de locaux, de services administratifs, de professeurs, de services étudiants, que l’Université donnera à cette entreprise de propagande religieuse.

La laïcité, souhaitée par près de 80% des Québécois, exige que les Églises et les sectes fassent leur «formation» et leur propagande dans les locaux de cultes (les églises, les mosquées et les synagogues).

On y parle sans rire de «l’univers théologique», de «sciences religieuses» en nous les présentant en égalité, en dialogue avec les sciences humaines et la philosophie politique (les Lumières) qui fondent notre culture commune et notre constitution politique. Racoleur plus mystificateur, tu meurs !

Une religion est une secte et une secte une religion qui aspire au même fabuleux destin historique pour obtenir richesse, pouvoir et gloire. Fruit d’une époque primitive (le néolithique) ou de la haute Antiquité, religions et sectes sont pré-rationalistes et irrationalistes, machistes et patriarcales, anti-démocratiques dans leurs structures, obscurantistes, sexophobes, homophobes, inégalitaires, misogynes, historiquement opposées aux droits de la personne et cherchant à limiter leur expansion, pédophiles par le conditionnement moral et métaphysique de la jeunesse dans les écoles et les familles, bref, outrageusement réactionnaires. Elles sont la source de la quasi totalité des conflits mondiaux dont elles ont façonné les identités chauvines et xénophobes, quelles soient nationales ou communautaristes.

Souvent, les religions se collent aux mots triomphants de progrès (Science, Humanisme, Univers etc.) pour y coller le mot «religieux» comme jamais une entreprise commerciale n’oserait un tel vol de marque commerciale ou un étudiant n’oserait un tel plagiat. C’est une honte intellectuelle de but en blanc.

Comme certains de ses adeptes sont malgré tout sincères, c’est en plus une aliénation, une déconnection du réel qu’on peut dire idéologiquement pathologique. Qu’une université se colle à une telle entreprise est d’une imbécillité abyssale. Vous devez réagir, vous ressaisir.

En bonne logique, Raël, Moon, la Scientologie, sorcellerie et astrologie et autres dérives de l’esprit devraient avoir aussi droit de Cité à l’Université puisqu’elles sont exactement de même nature que la théologie qui a même l’honneur pour elle et déshonorant pour nous tous d’être érigée en Faculté.

L’Histoire ne justifie rien, c’est la pensée critique et vivante qui justifie ou condamne. On n’a pas à célébrer, par cette «Chaire», nos hontes tout comme les Russes n’ont pas de Chaire du Communisme à l’Université de Moscou, ni les Allemands de Chaire du Fascisme à l’Université de Berlin.

Pourquoi les Québécois auraient-ils la folie de se payer une «Chaire en théologie sacramentaire et en liturgie» au service d’une religion qui a asservi sa culture et ses esprits les plus novateurs pendant des siècles, et qui a pédophilé ses enfants pendant des décennies ? Nous nous sommes mondialement ridiculisés aux yeux de toute l’intelligentsia mondiale.

Tout ce qui concerne le fait historique et actuel des religions relève des sciences humaines, des sciences littéraires. En effet, les textes dits sacrés sont des textes historiques, des fictions évidentes, dans le sous-genre fantastique, issues des cultures anciennes. Leur passionnante étude relève des Facultés de Sciences humaines. Les fonds doivent leur être transférés exclusivement et les champs d’études réservés.

Une université digne de ce nom a pour fondement le «savoir», non le «croire», car le plus ignorant des hommes croit, et croit n’importe quoi. J’en appelle donc à la conscience humaniste de mes compatriotes québécois, à la compétence scientifique des universitaires de Laval pour que cette Chaire ne soit pas établie, ou soit abolie. De même votre Faculté de théologie. Qu’elle le soit au profit des études scientifiques dignes de ce nom déjà bien servies par les autres Facultés actuelles.

J’en appelle à la révolte pacifique, --j’insiste sur le mot «pacifique»--, des étudiants pour que l’intelligence soit enfin une donnée vérifiée sur le Campus universitaire de l’Université Laval. J’en appelle de même à la conscience professionnelle des professeurs/es et à l’élévation humaniste où on attend les trouver.


Jacques Légaré,
né 1948, maître en Histoire; ph.d. en philosophie politique.
Professeur (retraité) d’Histoire, d’Économique et de Philosophie (1974-2006).
Président-fondateur du Syndicat des professeurs de son collège (1981).

Bookmark