Qualité de l’enseignement – La paille et la poutre

2023/09/29 | Par Josée Scalabrini

L’auteure est présidente de la FSE-CSQ  

Au Québec, il semble que ce soit devenu un passage obligé pour le ministre de l’Éducation de tenter de rassurer les parents à la rentrée scolaire en leur promettant un adulte devant chaque classe. Année après année, on rentre dans le mur avec une pénurie qui s’aggrave.
 
La plupart des acteurs du monde de l’éducation s’entendent sur les principales solutions : améliorer les conditions d’enseignement et valoriser la profession. Cependant, celles qui touchent la formation initiale et continue à l’enseignement ne font pas consensus.
 
Avec la pénurie qui s’amplifie, on se retrouve avec de plus en plus de personnes non légalement qualifiées dans nos classes. Le nombre de tolérances qui leur permet d’enseigner, en ayant droit à un contrat et donc d’être pleinement responsable de groupe d’élèves, a triplé en cinq ans. Si le ministre veut prioriser la formation du personnel enseignant, il devrait se concentrer d’abord et avant tout à celles et ceux qui viennent nous prêter mainforte, mais qui n’ont pas de formation.
 
Malgré ce constat, on a vu dans les derniers jours une association de directions du réseau scolaire affirmer publiquement que la priorité devrait être d’augmenter leur mainmise sur le contenu de la formation continue des enseignantes et enseignants déjà légalement qualifiés. Il faudrait dorénavant que leur plan de formation soit convenu avec l’employeur selon ses critères. Il ne faudrait surtout pas qu’ils aient l’autonomie de choisir leurs activités de formation.
 
Avec le projet de loi no 23, le ministre de l’Éducation partage cette vision. La loi serait modifiée pour donner des pouvoirs accrus aux directions, aux centres de services scolaires et au ministre lui-même pour choisir les activités de formation que devront suivre tous les enseignants et enseignantes. Ces derniers déplorent pourtant, depuis plusieurs années, devoir suivre tout un lot de formations qui ne correspondent ni à leur réalité ni à leur besoin. À l’époque, le ministre Roberge avait compris cette situation et avait légiféré en ce sens pour accorder plus d’autonomie au personnel enseignant dans le choix de leur formation continue.

La création d’un Institut national d’excellence en éducation (INEÉ) réduira elle aussi l’autonomie professionnelle des enseignantes et enseignants. L’INEÉ déstabilisera le riche écosystème de recherche et de transfert en éducation qui est déjà en place et accaparera les responsabilités actuellement assumées par des organismes indépendants du pouvoir politique que sont le Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement (CAPFE) et le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). À l’image du comité secret conseillant le ministre, nous craignons que ce nouvel institut fasse la promotion d’un seul courant de la recherche, celui des données dites probantes, au lieu de réaliser la synthèse de la recherche dans sa diversité.
 
Si l’on veut agir sur la formation à l’enseignement au Québec, c’est le personnel non légalement qualifié qui devrait être une priorité. La Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ) a d’ailleurs mené des consultations à ce sujet et des propositions viendront sous peu. Pour les enseignantes et enseignants pleinement formés, il faut les considérer comme des professionnels. Ceci implique de leur rendre disponibles des synthèses de la recherche et de les laisser choisir les activités de formation continue qui répondent le mieux à leurs besoins, en lien avec le développement de leurs compétences. L’histoire nous rappelle très bien que de brasser des structures, à part de faire diversion pour les politiciens sur les réels besoins, n’a jamais rien apporté à l’apprentissage et à la réussite des élèves, au contraire. Il faudrait plutôt donner de l’air et de l’autonomie aux personnes d’expérience pour les garder le plus longtemps possible.