Action collective contre la Fonderie Horne

2023/12/06 | Par Marc Nantel

En septembre 2022, à la suite de la publication de l’annexe 6 du rapport de la deuxième étude de biosurveillance de 2019 (que l’ex-directeur de l’INSPQ, Dr Horacio Arruda, se défendait d’avoir voulu conserver secrète pendant deux ans et demi), une prise de conscience des effets de l’exploitation de la Fonderie Horne sur la santé de la ville a ébranlé la population de Rouyn-Noranda. 

On y apprenait que l’espérance de vie, entre 2014 et 2018 dans le quartier Notre-Dame, était inférieure de cinq ans à la moyenne québécoise. Dans d’autres quartiers, comme le centre-ville, l’université, Rouyn-Sud et au sud du lac Osisko, les citoyens avaient une espérance de vie inférieure de 6,6 ans à la moyenne québécoise.

Les maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC), Rouyn-Noranda en compte 140 par 100 000 personnes, alors que la moyenne pour le Québec est de 108. De plus on compte, entre 2017 et 2019, 8,1% de bébés à faible poids pour Rouyn-Noranda tandis que le taux est de 6.1% pour le reste du Québec.

La santé publique précisait que ces effets n’étaient pas nécessairement rattachés aux contaminants émis par la Fonderie Horne. Il faut comprendre qu’ils n’ont pas fait d’études pour prouver le lien avec l’entreprise.
 

Anxiété et préjudices moraux

En octobre 2023, à la suite du travail de Marie-Ève Maillé étudiante au Barreau, la firme Siskinds Desmeules dépose une demande d’action collective contre le gouvernement du Québec et Glencore Canada. La recevabilité d’une telle demande doit pouvoir identifier un évènement à l’intérieur des trois années précédant la demande qui a permis à la population de prendre conscience de l’état des lieux qu’elle ne connaissait pas. L’annexe 6 est cet évènement.

Malgré toutes les données concernant les effets sur la santé de la population, les avocats de l’action collective ont décidé d’exclure toute demande de dédommagement et de pénalité pour des questions concernant les maladies qui peuvent découler d’une exposition à des émissions toxiques atmosphériques provenant de la Fonderie Horne étant donné que la jurisprudence montre la difficulté d’établir le principe de cause à effet.

L’action collective portera donc sur l’anxiété et les préjudices moraux causés à la population, à la suite de la publication des données par la santé publique, et l’atteinte aux biens et à la sécurité.

Cette action collective inclut également une demande d’injonction qui forcerait la fonderie à atteindre les normes québécoises dans les six mois.
 

Une action citoyenne

Deux citoyens de Rouyn-Noranda, identifiés comme les demandeurs, représenteront la population du quartier Notre-Dame et du secteur urbain de Rouyn-Noranda correspondant au code postal J9X. Un groupe de plus de 25 000 personnes sera représenté.

D’une part, l’action collective indique que les « demandeurs reprochent à la Fonderie Horne d’avoir émis dans l’environnement un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes qui dépassaient et dépassent toujours largement les normes de qualité de l’air en vigueur au Québec, portant ainsi atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur intégrité et ceux des membres du groupe qu’ils désirent représenter et causant des dommages ».

D’autre part, l’action collective cherche à démontrer que le gouvernement du Québec a  « porté atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur intégrité».  Les décisions prises par le ministère de l’Environnement et les recommandations du ministère de la Santé depuis 1991 n’auraient pas assuré un environnement sain pour toute la population même s’ils connaissaient les effets des émissions toxiques.

Même si le comité interministériel de 2004 exigeait que la fonderie atteigne une moyenne annuelle de 10 ng/m³ d’arsenic dans l’air en 18 mois et qu’elle se dote d’un plan pour atteindre la norme de 3 ng/m³ , le gouvernement autorisait plutôt des émissions annuelles de 200 ng/m³ lors des attestations d’assainissement à partir de 2007 jusqu’en 2021.
 

Atteinte aux droits fondamentaux

De plus, l’action collective indique que « Les demandeurs reprochent également au gouvernement du Québec d’avoir porté atteinte à leurs droits fondamentaux et à leur intégrité et celle des membres du groupe en omettant d’imposer les mesures adéquates et de suivre les directives et recommandations émises à son endroit, nécessaires à la protection des membres du groupe face aux effets néfastes d’une exposition à un cocktail de contaminants toxiques et cancérigènes, le tout afin d’éviter qu’il ne soit porté atteinte à leur vie, leur santé, leur sécurité et à leur bien-être, et de surcroît, en omettant d’en aviser adéquatement et en temps opportun, les membres du groupe afin qu’ils puissent réagir à la menace ».

Le calcul des compensations et des pénalités pourra commencer en 1991, car les données probantes partent de cette année-là. La hauteur des montants est basée sur la jurisprudence. En conséquence, un résident du quartier Notre-Dame pourrait recevoir jusqu’à 528 000 $ et un résident du reste de la ville  322 500 $.Il faut comprendre que les avocats doivent établir le plus largement possible la demande afin de ne rien oublier. Je juge statuera sur les sommes et les enjeux.

La recevabilité ou le refus de la demande pourra prendre de un à trois ans et par la suite on peut s’attendre à plusieurs années avant une décision finale.
 

Un outil supplémentaire

On peut se demander si la voie légale est bien la solution pour en arriver à faire respecter les normes et les règlements établis par le gouvernement. Force est de constater que la mobilisation citoyenne depuis les années 70 n’a pas réussi à rendre la région sécuritaire.

En 2022, le gouvernement caquiste a signé une autorisation ministérielle obligeant l’atteinte de 15 ng/m³ d’arsenic dans cinq ans malgré l’engagement du premier ministre Legault de respecter le choix de la population, qui voulait majoritairement que l’on impose le respect de la norme de 3 ng/m³ dans les 18 mois. La mobilisation citoyenne des cinq dernières années n’a pas été suffisante pour faire plier le gouvernement.

L’action collective est un outil supplémentaire indispensable pour forcer les intervenants à respecter les normes. Si on se fie à la jurisprudence, les chances de gagner sont possibles. Les dédommagements et les pénalités ne sont pas une fin en soi, mais elles permettront de mettre de la pression.

L’action collective ne mettra pas fin à la mobilisation citoyenne, mais c’est une couche de plus pour forcer le gouvernement à se responsabiliser.