Moins de biodiversité, plus de pandémies

2024/03/22 | Par Monique Pauzé

L’autrice est députée du Bloc Québécois

Il y a quatre ans, la pandémie nous frappait de plein fouet. Jamais, nous n’aurions pensé vivre une telle situation. Cette année, avec un peu de recul, nous constatons l’ampleur de ce qui s’est vraiment produit. Non seulement ce virus a emporté bien des âmes, mais il a mis en lumière les lacunes de notre système de santé.

Nous avons énormément appris et tous celles et ceux qui ont vécu cette période sombre ont un devoir de mémoire. C’est d’ailleurs pour cette raison que le projet de loi S-209 désignant le 11 mars comme Jour commémoratif de la pandémie a été adopté à la Chambre des communes.

Le 4e anniversaire de la pandémie est donc pour moi l’occasion d’écrire ce texte et de faire ma part pour ce devoir de mémoire qui nous incombe.

La cause des pandémies

Les élus du Bloc Québécois sont solidaires de tous les Québécois et tous les Canadiens qui ont été touchés directement ou indirectement par la pandémie de la Covid-19. Nous en profitons pour offrir nos condoléances aux familles touchées par la crise et remercier le personnel de santé et toutes les travailleuses et tous les travailleurs qui ne pouvaient être en télétravail et devaient aller au front. Ils sont nombreux et souvent oubliés.

Je vais souligner leur travail, mais avant toute chose, dans une perspective tout environnementale, je vais vous parler de la fabrication des pandémies.

Ce n’est pas de l’origine de la Covid-19 dont je veux faire état, mais mettre en lumière le fait qu’un nombre important parmi les maladies émergentes des quarante dernières années sont des zoonoses, des maladies infectieuses qui passent de l'animal à l'homme : SRAS, Ebola, grippe aviaire, rage, etc.

Serge Morand, écologiste et biologiste français, l’explique bien : « L’effet de dilution provoqué par l’homme, qui se rapproche de plus en plus des habitats naturels sauvages et, créant ainsi de plus en plus d’interactions, accélère de plus en plus la circulation de nouveaux virus en perturbant l’écosystème des animaux qui, de fait, se déplacent eux aussi. » En cause : la déforestation, l’élevage intensif, la globalisation.

Fait intéressant, en pleine pandémie, Marie Monique Robin – journaliste d’investigation, réalisatrice et écrivaine – a coproduit avec l’institut de Recherche et de développement français (IRD) un documentaire intitulé La Fabrique des pandémies. Pour son documentaire, Mme Robin a parcouru huit pays afin de comprendre les facteurs d’émergence des maladies infectieuses.

Pour les scientifiques questionnés, le diagnostic est sans appel : ce sont les bouleversements environnementaux qui constituent les causes majeures des épidémies et pandémies. Une vingtaine de chercheurs sont filmés dans le cadre de leur recherche, mais aussi dans leurs interactions avec les communautés locales.

Sur le terrain, en Asie, Afrique ou Amérique, des scientifiques et des Autochtones cherchent à comprendre comment et à quel point la santé et la biodiversité sont liées. On apprend dans ce documentaire que les espèces les plus susceptibles de nous transmettre de nouveaux pathogènes sont les mêmes qui prospèrent lorsque la diversité diminue.

Plus décroît la biodiversité, plus il y aura d’épidémies. Déjà, la science a démontré que les épidémies sont de plus en plus fréquentes.

Le documentaire nous met en garde : si nous continuons à détruire notre planète, nous connaîtrons une épidémie de pandémies, car la biodiversité a un rôle protecteur pour les humains. Il nous faut donc revoir notre façon de vivre pour que les dommages à l’environnement soient minimes. Nous sommes le problème, pas les animaux.

Un film touchant

Parlons maintenant des conséquences de la pandémie de COVID-19, parlons des plus vulnérables dans la société. Je vais vous parler d’un film extrêmement touchant de Robin Aubert et Julie Roy, intitulé Tu ne sauras jamais, qui a pris l’affiche récemment au Québec.

Ce film est efficace. Son rythme lent nous fait bien réaliser ce que les aînés ont vécu : isolement, repas froids, détresse, manque de personnel.

Martin Naud, 88 ans, incarne cet aîné isolé dans la chambre de son CHSLD durant la pandémie de Covid-19, un vieil homme qui mettra tout en œuvre pour revoir la femme qu'il aime une dernière fois.

Martin Naud n’est pas un comédien. C’est un citoyen de la circonscription de Repentigny. Il a passé une audition et sa candeur, sa compréhension du rôle a convaincu la production de lui donner sa chance. Même s’il n’a jamais eu de formation théâtrale, cet octogénaire nous transporte et sa sincérité nous touche droit au cœur.

Des drames, particulièrement chez les aînés, il y en a eu tellement! Et que dire des aînés qui sont demeurés dans leur maison ou logement et qui ont connu ennui, solitude, maladie, peur.

Il y a donc celles et ceux qui sont morts, celles et ceux qui ont vécu l’isolement, celles et ceux qui ont survécu en ayant peur.

Et les travailleuses et les travailleurs maintenant, celles et ceux de la santé et les autres, non protégés par le télétravail, trop souvent oubliés, parce qu’invisibles à nos yeux, dans une société où tout doit aller très vite, trop vite.  

Il y a d’abord la première ligne : le personnel de la santé, le personnel soignant de tous genres, infirmières, médecins, préposées, qui ont mis leur vie en danger pour prendre soin des malades de la Covid-19.  Nous leur serons éternellement reconnaissants. Cela ne leur a pas été facile.  Tout le monde a ressenti de la peur, imaginez les personnes soignantes.

Il y a ensuite les jeunes. Si ce groupe a été moins affecté par le virus en termes de décès, le sacrifice collectif que demandaient les restrictions sanitaires en a privé plusieurs d’occasions de rencontres à un moment charnière de leur existence. Nous nous devons d’avoir une pensée pour ces jeunes et les remercier d’avoir fait preuve de courage et de résilience.

Puis, il y a la communauté scientifique. Bien que toujours imparfaites par définition, les explications de nos scientifiques ont permis d’éclairer nos débats et de répondre à nos questionnements et inquiétudes tout au long de cette pandémie. Nous sommes chanceux d’avoir pu pouvoir compter sur eux.

Enfin, les travailleurs invisibles, très souvent des femmes, des jeunes. Je pense aux caissières des épiceries, des pharmacies, qui placent les produits sur les étagères, je pense aux livreurs, à celles et ceux qui nettoient, aux ouvriers de chantier, aux conducteurs, conductrices du métro et des autobus. Des gens essentiels au bon fonctionnement de notre société et trop souvent invisibles, oubliés. La pandémie a été le moment de les mettre en lumière.

Avoir le courage nécessaire

Voulons-nous vraiment revivre ça? Voulons-nous pleurer encore de nombreux morts, revivre la peur, l’isolement?

Sans biodiversité, il n’y a pas de vie possible. Nos destins sont intimement liés. Si on préserve la biodiversité, on réduit les risques et les impacts sur le réchauffement climatique et donc les conséquences sur notre santé.

Mais nous devons changer maintenant! Sinon, nous sommes sur la même voie de disparition que les espèces animales aujourd’hui menacées.

La biodiversité c’est notre maison, on peut encore la sauver à condition d’agir au plus vite. Cela exige du courage de la part des politiciens.  Aurons-nous ce courage?