Forages en mer et évaluation environnementale

2023/11/01 | Par Monique Pauzé

L’autrice est députée du Bloc Québécois

Actuellement, aux Communes, nous nous penchons sur le projet de loi suivant : Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l'Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l'Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois.

Il vient modifier une entente qui date de 1987 concernant le régime administratif et la gestion de l’industrie énergétique en milieu marin dans l’est du Canada. Cela vise principalement l’exploitation des hydrocarbures, un secteur d’activité que le Bloc Québécois dénonce régulièrement, mais aussi de futures activités liées au secteur des énergies renouvelables, soit l’énergie éolienne extracôtière au large de la côte est du Canada.

Les eaux extraterritoriales sont de compétence fédérale. Mais il y a eu un partage des responsabilités entre le fédéral et certaines provinces, dont les provinces maritimes.  En 1987, on ne parlait pas encore de crise climatique et l’industrie éolienne comme on la connait maintenant n’existait pas. Ce projet de loi peut donc paver la voie à une réelle action en matière d’énergie renouvelable pour la côte est.

Il y a du positif dans ce projet de loi. On parle de gérer conjointement des ressources énergétiques renouvelables en haute mer et de la possibilité d’annuler certains claims pétroliers dans le fond des mers.

Urgence climatique et transparence

Aujourd’hui, nous sommes conscients de faire face à une crise climatique sans précédent. Aussi, s’il y a une chose que nous savons, mais que nous ignorions en 1987, ce sont les liens qui existent entre les changements climatiques et l’activité des pétrolières. Soulignons au passage que les compagnies pétrolières étaient au fait des conséquences de leurs activités sur l’environnement depuis 1986 dans le cas de Shell et depuis 1977 dans le cas d’Exxon, mais ces géants pétroliers ont fait fi des recommandations des scientifiques, qui les avaient mis en garde contre les dangers du réchauffement climatique. Aujourd’hui, nous payons pour leur insouciance.

Le projet de loi C-49 maintient encore les mécanismes qui permettent l’exploration et l’exploitation qui mènent à des forages pétroliers. Le Bloc Québécois estime que, dans la perspective de la transition énergétique, l’industrie de l’exploitation des énergies fossiles en mer devrait décroître rapidement. En conséquence, nous croyons qu’aucun des nouveaux projets d’exploration ou d’exploitation d’hydrocarbures en milieu marin ne devrait être autorisé, quelles qu’en soient les conditions particulières. C’est le chemin qu’emprunte actuellement le Québec et dont les provinces maritimes pourraient s’inspirer.

Un peu d’histoire

En avril 2019, le gouvernement Trudeau annonçait en grande pompe une interdiction totale de nouveaux travaux pétroliers et gaziers, d’exploitation minière, de déversement de déchets et/ou de faire du chalutage de fond dans toutes les aires marines protégées au Canada.

Lors d’un Sommet international tenu à Montréal, il incitait également d’autres pays à en faire davantage pour protéger l’environnement. Ironiquement et parce que les libéraux sont maîtres quand vient le temps de jouer avec les mots, les refuges marins ne faisaient pas partie de cet engagement.

Après s’être placé en grand défenseur de l’environnement, il était temps pour le gouvernement de donner suite à cet engagement. Pourtant, en 2020, le Canada a décidé de mettre en place un nouveau règlement qui allait exempter de futurs forages en mer d’une évaluation environnementale. La volonté du gouvernement est claire: accélérer les forages pétroliers en milieu marin. Soustraire cette activité à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n’avait aucun sens d’autant plus que, de l’aveu même des individus concernés, ces évaluations étaient déficientes.

En novembre de la même année, l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador a accepté d’offrir à la pétrolière BP Canada un accès à 264 500 hectares d’océan en échange de son engagement à effectuer des travaux d’exploration d’une valeur de 27 millions de dollars. Dans un pays pétrolier, le pétrole et l’argent font bon ménage. Au diable le reste! Le gouvernement libéral favorisait et favorise toujours le développement de l’industrie pétrolière dans des refuges marins qu’il a lui-même créés.

Au même moment, sur toutes les tribunes, le premier ministre Trudeau s’engageait avec grande émotion à « réaffirmer l’engagement du Canada à protéger 25% des terres et des eaux d’ici 2025 et à atteindre 30% d’ici 2030 ».

Le ministre de l’Environnement et des changements climatiques, Steven Guilbeault avait déjà commencé à ramollir son discours en expliquant devant le Comité et je le cite : « …tous les projets de forage doivent respecter des normes environnementales élevées » et que les règlements en place « établissent des processus clairs pour les projets de forage en mer ».

Misère! Les activités de forage en mer représentent une menace pour la vie marine. Les canons acoustiques utilisés pour explorer les fonds marins (les levés sismiques) interfèrent avec les activités de communication, d’orientation et de recherche de nourriture des rorquals bleus et des baleines noires, deux espèces classées « en voie de disparition » au Canada.

Les éclairages dont sont munies les plateformes et installations pétrolifères sont néfastes pour les volatiles, causant des confusions sur les lieux de repos, des problèmes de repérage pour l’alimentation… et j’en passe. S’engager en faveur de la conservation des milieux marins et prétendre que c’est compatible avec le développement de l’industrie pétrolière extracôtière, c’est de la pure folie.

Le journal britannique The Guardian ne s’est pas gêné pour accuser le Canada d’hypocrisie climatique. Rappelons-le, s’il y a de l’exploration, c’est avec le but de faire de l’extraction et de l’exploitation, sinon à quoi bon.

L’exemple de Bay du Nord

Donnons un exemple récent :  le gouvernement Trudeau a annoncé la mise en branle du projet Bay du Nord. Cette annonce a tétanisé plusieurs pays, ce qui a valu au Canada des propos peu élogieux sur la scène internationale.

La société suédoise instigatrice du projet de Bay du Nord l’a laissé tomber. Une chance, car ce premier projet en eaux profondes comportait de nombreux risques. À l’époque, nous avions appris qu’il faudrait entre 18 et 36 jours pour amener sur place le matériel nécessaire pour colmater une fuite éventuelle. On parle ici de milliers de litres de pétrole qui se serait répandu dans l’océan Atlantique.

Difficile de ne pas être cynique quand on sait que le ministre qui a consenti au projet de Bay du Nord est un ancien militant écologiste. Tout ce qu’on peut retenir de cette saga, ce sont les volte-face du gouvernement, les doubles discours, la terminologie employée afin de mettre les citoyens en confiance.

Quel est le lien avec le projet de loi C-49?

Le Canada, visage à deux faces, joue encore la carte du « bon participant », alors qu’il faut bien admettre que la forte probabilité que les modifications prévues avec C-49 maintiennent l’octroi de permis et promeuvent les activités pétrolières en mer. D’ailleurs, quelques jours à peine après avoir déposé C-49, le gouvernement annonçait de nouveaux permis de forages afin de doubler la production pétrolière au large des côtes.

Encore une fois, le gouvernement avait une occasion de montrer qu’il voulait sortir des énergies fossiles et il l’a raté.

Nous tenterons d’apporter des amendements à ce projet de loi, amendements en lien avec nos convictions. Toutefois, s’ils ne sont pas intégrés dans le projet de loi, nous finirons par voter contre. La stratégie du gouvernement Trudeau est d’enrober le poison dans une sympathique gâterie que tout le monde aime. Le Bloc québécois ne se laissera pas aveugler.