Ottawa prévoit 15 milliards de surplus en 2006. Pourquoi ces surplus n’iraient pas en santé ou en éducation? Les consommateurs canadiens ne devaient-ils pas avoir le choix de déterminer où vont leurs dépenses. Il s’agit, jusqu’à preuve du contraire, de leurs sous!
Pris isolément, le problème des taxes à la consommation risque de faire unanimité autant chez les organismes de consommateurs que les partis politiques provinciaux et fédéraux.
Il est difficile, voire impossible, d’appuyer une taxe aussi régressive. Les taxes à la consommation sanctionnent les citoyens sans tenir compte de leur capacité de payer. Au contraire, l’impôt progressif sur le revenu tient compte de la capacité de payer et est préférable au chapitre de la justice sociale.
Baisser les taxes ou investir dans les programmes sociaux
Mais lorsque l’on regarde le problème de la taxation de façon plus large, d’autres points forts intéressants peuvent être envisagée. Au lieu d’une baisse de taxe, devrait-on prioriser un réinvestissement en éducation, dans nos hôpitaux, dans nos infrastructures, (dans la francisation des immigrants!)?
C’est un choix qui mérite d’être débattu sur l’espace public et qui doit l’être. Une réduction de taxe avant les fêtes n’assurera pas la prospérité de notre nation à long terme, ni notre capacité à offrir les infrastructures publiques nécessaires pour attirer l’investissement privé.
L’économie canadienne est « compétitive »
Stéphane Dion se pavane actuellement en Ontario affirmant que la compétitivité du Canada à l’international est en jeu. Selon lui, il serait préférable que le Canada envisage des baisses d’impôt. Celles-ci rendraient l’économie canadienne plus «compétitive».
Or, M. Dion semble oublier que le plus gros problème actuel des entreprises est sans aucun doute la hausse du dollar. C’est la force du dollar qui affecte durement le prix de nos produits vendus à l’étranger. Diminuer les taxes ne rendra pas l’économie canadienne plus compétitive l’an prochain.
Les investissements étrangers sont au rendez-vous
D’ailleurs, M. Dion semble oublier que l’économie canadienne attire déjà considérablement l’investissement étranger et qu’elle est déjà très «compétitive».
N’est-ce pas Alcan qui vient d’être achetée par les étrangers? La privatisation de Bell Canada ne vient-elle pas d’attirer des investissements astronomiques des Américains ?
Le pétrole de l’Alberta n’est-il pas en train de faire exploser les exportations canadiennes ?
Stéphane Dion doit actuellement vivre sur une autre planète pour croire que l’économie canadienne n’est pas compétitive. La force du dollar en est la plus grande manifestation.
Trop grande concentration des banques, des assureurs et des détaillants
Le problème de l’économie canadienne n’est pas de manquer de compétitivité à l’international, mais de manquer de compétition à l’interne. Le Canada a le record mondial de la concentration du système bancaire.
Les plus grands assureurs canadiens occupent des parts de marché démesurées. Les marges de profit des détaillants atteignent des sommets inégalés depuis la fin des années 80 pendant que leurs coûts, eux, diminuent.
Stéphane Dion n’est pas le seul à être dans le champ. Mr Flaherty, actuel ministre des Finances du gouvernement Harper, souhaite diminuer le prix des produits de nos tablettes en réduisant les taxes à la consommation.
Ainsi, pour combler le problème de compétitivité des détaillants et le prix injustifiable des produits en magasin, on réduit les taxes!
Ne serait-il pas plus sage de faire une enquête sur la concentration de l’industrie du détail ou encore d’encourager financièrement le développement de PME dans ce secteur ? Une meilleure compétition favoriserait mieux, il me semble, une baisse des prix à long terme
Mme Monique Jérôme-Forget va-t-elle récupérer la TPS?
De surcroît, la réduction de la TPS à Ottawa n’est pas un gage de réduction des taxes des Québécois. En 2006, lors de la première réduction de la TPS, le gouvernement Charest avait envisagé de récupérer la taxe fédérale en la transformant en une taxe provinciale. Michel Audet s’était érigé contre et avait obtenu gain de cause.
Cette fois, les coffres du gouvernement Charest risquent de prendre du poids. En effet, la ministre des Finance actuelle semble déterminée à récupérer les revenus de 1.1 milliard de cette taxe.
La ministre veut réinvestir ces nouveaux revenus dans la santé et les infrastructures. Tant mieux!
Mais nous pouvons nous interroger sur la façon de dépenser envisagée par le gouvernement Charest. Veut-il favoriser le développement de PPP avec des cliniques privées et les hôpitaux? Veut-il sous traiter la construction de nos infrastructures?
Un débat s’impose
Les Québécois doivent pouvoir choisir où leur argent sera dépensée et comment elle le sera. Un débat sur la place publique s’impose. Un débat qui doit intégrer différents acteurs de la sphère sociale.
Autrement dit, un débat qui regroupe d’autres intéressés que les économistes des partis politiques, les économistes des grandes banques et les représentants des partis politiques actuels.
À qui profiteront les baisses d’impôts ?
Finalement, je veux attirer l’attention du lecteur sur les promesses de baisses d’impôt faites par le gouvernement Harper. Celles-ci sont toujours douces aux oreilles des contribuables, mais répondent rarement aux attentes. Il faut se questionner sur le «comment» cette baisse sera effectuée? Va-t-on concentrer les baisses d’impôt à la classe moyenne? Va-t-on plutôt en profiter pour diminuer l’impôt payé par les personnes ayant d’importants revenus?
Au Canada, environ 3 personnes sur 10 ne paient pas d’impôt parce qu’elles sont trop pauvres. Évidemment, ces derniers ne bénéficieront pas des baisses d’impôt.
À l’autre bout de l’échelle sociale, l’évasion fiscale atteindrait, selon Statistique Canada, 88 milliards. Les entreprises canadiennes, quant à elles payeraient de moins en moins d’impôt.
Avant de baisser les taxes et d’oublier les besoins de la population canadienne en programmes sociaux, ne devrait-on pas s’assurer que les citoyens comme les entreprises cotisent leur juste part d’impôt?
L'auteur est sociologue de l’économie
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