Le gouvernement canadien a réagi aux attaques meurtrières contre la population de Gaza exactement de la même manière qu'il l'avait fait quand Israël avait bombardé sauvagement le Liban à l'été 2006 : en claironnant « qu'Israël a le droit de se défendre » et en affirmant mollement sa préoccupation pour la catastrophe humanitaire vécue par les Palestiniens.
Depuis l'arrivée au pouvoir de M. Harper, le gouvernement canadien n'a cessé de se discréditer au sein de la communauté internationale par son parti pris inconditionnel en faveur d'Israël, son alignement obsessif sur la politique du président Bush, son refus de tout mettre en œuvre pour faire respecter le droit international bafoué par Israël et son attitude constante de ne blâmer que les Palestiniens.
Peu importe en effet les dommages collatéraux — ces centaines de morts inutiles, celles de civils comme de combattants —, tout cela est la faute du Hamas, l'agresseur unique et le seul responsable de la situation. Cette position diplomatique du Canada est non seulement navrante de simplisme et irresponsable politiquement, mais elle ne tient pas la route face aux faits.
Outre les informations qui commencent à filtrer démontrant qu'Israël avait déjà préparé de longue date cette agression, bien avant les tirs de roquettes, on peut faire l'hypothèse qu'une des principales causes de la situation réside dans le refus d'Israël, solidement appuyé par le Canada, les États-Unis et par de nombreux pays occidentaux de reconnaître que le Hamas n'est pas une « organisation terroriste », mais un mouvement de résistance ayant un bras politique et un bras armé comme en ont eu, en ont et en auront encore de nombreux peuples en résistance.
Faut-il rappeler que le « bras armé » des mouvements de résistance se fait toujours sentir quand toutes les voies politiques sont bloquées, comme c'est le cas dans le conflit israélo-palestinien?
Faut-il rappeler aussi que très souvent les « terroristes d'hier » deviennent des gouvernants respectés par ceux-là mêmes qui les affublaient de ce qualificatif et tentaient de les exterminer?
Faut-il rappeler qu'Israël se comporte lui-même comme un État terroriste quand il commet des assassinats ciblés de dirigeants palestiniens, détruit systématiquement les infrastructures vitales de la société palestinienne et maintient toute sa population captive depuis plus de six décennies? Qui proteste?
Une des causes de la situation réside aussi dans le refus des mêmes pays de reconnaître la légitimité du gouvernement du Hamas, élu démocratiquement en 2006. Faut-il rappeler en effet que la population palestinienne avait voté très majoritairement pour cette formation politique à travers une élection réalisée sous haute surveillance par de nombreuses délégations d'observateurs internationaux, dont l'ex-président Carter, et qui avaient toutes conclu au bon déroulement du processus.
Or, l'ingérence étrangère s'est immédiatement manifestée en faisant « comprendre » au peuple palestinien qu'il n'avait pas «voté du bon bord» et en le punissant pour son choix démocratique. Israël en premier, suivi de l'autre « premier », le Canada, puis des É.-U. et d'autres, a déclaré que jamais il n'accepterait un gouvernement « terroriste » comme interlocuteur.
Et de joindre le geste à la parole en coupant toute aide à l'autorité palestinienne, rendant encore plus difficile le quotidien de la population palestinienne et surtout attisant les conflits entre le Hamas et le Fatah, ce dernier n'ayant pas accepté le verdict du peuple et pouvant bénéficier de l'appui des États-Unis pour tenter de déstabiliser le gouvernement élu. Qui a protesté?
Enfin, on peut aussi avancer qu'une des causes profondes de la situation actuelle réside dans le refus de reconnaître au peuple palestinien le droit de résister à la lente extermination dont il est l'objet depuis la nakba (la grande catastrophe de 1948), où près d'un million de Palestiniens ont été chassés de leurs terres et de leurs maisons pour devenir des réfugiés perpétuels; refus d'oublier que la naissance d'Israël s'est construite en partie sur ce que des historiens israéliens n'ont pas hésité à nommer un véritable «nettoyage ethnique»; refus d'accepter sans broncher les violations systématiques du droit international par Israël, violations maintes fois reconnues par l'ONU, mais toujours non sanctionnées.
On reproche à certaines organisations palestiniennes, dont le Hamas, de ne pas reconnaître Israël... mais on ne reproche jamais à Israël son refus effectif de reconnaître le peuple palestinien à travers un ensemble de politiques qui dans les faits nient le droit à l'autodétermination du peuple palestinien.
Dans ces conditions, la politique du deux poids, deux mesures tolérée par la communauté internationale contribue à aggraver le conflit. Israël a le droit de posséder la cinquième armée la plus puissante au monde, de disposer de la bombe atomique, de jouir de l'appui massif des États-Unis en armement, du soutien financier tout aussi massif de la communauté juive internationale, dont celle du Canada, à travers entres autres le Fonds national juif, qui bénéficie du statut d'organisme de charité... mais les Palestiniens n'ont pas le droit, eux, d'avoir des armes ni des appuis internationaux sous peine de sanctions meurtrières.
Bien plus, les Palestiniens sont censés accepter de bon coeur et sans broncher de voir leur territoire occupé par l'armée israélienne depuis des décennies; de vivre dans une prison à ciel ouvert et de souffrir un blocus implacable, qui tue à petit feu; de se voir littéralement emmurés sur 700 kilomètres de long par ce « mur de la honte » qui empiète sur leur territoire et transforme leur vie quotidienne en un véritable enfer; de subir l'implantation illégale de centaines de colonies de peuplement juif; de constater que le pays promis par l'ONU n'en finit plus de ne jamais naître et qu'il est maintenant réduit à un petit gruyère aux allures d'apartheid.
La population québécoise et canadienne doit contribuer à faire entendre une autre voix capable de modifier la donne en faveur d'un règlement politique négocié avec « tous » les acteurs en présence pour en finir avec ce conflit perpétuel.
Que cela plaise ou non, le Hamas fait partie de la solution : vouloir l'exterminer physiquement, comme le prétend Israël avec son opération de « plomb durci », ne fera que couler dans le plomb toute voie politique et prolonger l'agonie d'un peuple qui a déjà trop souffert.
Cette autre voix passe aussi et d'abord par le respect du droit international par Israël. Ne nous y trompons pas : le peuple palestinien a refusé de disparaître malgré toutes les tentatives externes et internes qui ont essayé d'en venir à bout. C'est à cette détermination héroïque d'exister que nous devons apporter notre appui solidaire indéfectible, en particulier dans ces moments sombres.
Lorraine Guay : Membre de la Coalition pour la justice et la paix en Palestine
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