L’auteur est écologiste, membre du MCN21
Dernièrement, le président du conseil du patronat du Québec écrivait que les Québécois avaient tort d'avoir une attitude négative envers les Albertains et leur pétrole car il contribuait à la prospérité des Québécois aussi.
Si LA SEULE valeur qui compte est la richesse de certains, car tous sont loin de profiter de cette manne, le pétrole albertain peut effectivement être vu comme positif. Mais cela justifie-t-il tout? La réponse est NON.
Ce type d'argument a déjà été évoqué dans le passé pour d'autres dossiers.
Voici deux exemples:
À l'époque de l'esclavagisme aux États-Unis, face aux pressions montantes de la part de citoyens américains, d'autres pays et de certains églises, les gens d'affaires sudistes qui défendaient becs et ongles la maintien de cette main-d'oeuvre dans les conditions totalement inacceptables que l'on sait évoquaient que l'esclavagisme contribuaient à la prospérité de TOUS les états de l'union et que gens du nord étaient mal placés pour donner des leçons de morale vu qu'ils profitaient aussi de ce système.
De plus, ils disaient que la fin de l'esclavagisme signifierait rien de moins que la fin de la compétitivité économique américaine face aux autres pays du monde.
On justifiait donc le maintien d'un système barbare par l'argument économique. Qu'importe que « ces gens là », ces bêtes de somme, ces sous-hommes souffrent et meurent, de toute manière que valent-ils, quand on y pense bien?
Voilà en quoi consistait le sous-texte de l'argument économique officiel.
Dans les années 90, les compagnies de tabac ont engagé des firmes de relations publiques dans le but de nier le lien entre le tabac et le cancer auprès du public et ont même engagé des « scientifiques » qui sont allés sur la place publique nier l'évidence afin de semer le doute dans la tête des gens.
Cela a fonctionné jusqu'à ce que Jeff Wigand, un biologiste qui travaillait alors chez Brown et Wiliamson, dévoile la vérité: Les compagnies de tabac savaient qu'il y a un lien entre le tabac et le cancer et mentaient afin de continuer à engranger des profits coûte que coûte.
Cela aura coûté des millions de vies.
Ne pouvant plus nier l'évidence, les défenseurs de compagnies de tabac évoqueront alors l'argument économique. Des millions de gens vivent de l'industrie du tabac. Les taxes sur le tabac contribuent à payer pour les services aux citoyens. Mais l'argument le plus extraordinaire aura certainement été le suivant: Les gens qui fument vivent en moyenne 10 ans de moins. C'est autant d'argent sauvé en pensions que le gouvernement aurait eu à payer si les gens avaient vécu plus vieux! Il fallait y penser!
Dans le dossier du pétrole canadien, si effectivement les sables bitumineux ne sont évidemment pas les seuls sources d'émissions de gaz à effet de serre du pays, elles sont les plus polluantes et les compagnies qui exploitent ces sables sont encadrées par un gouvernement qui passera certainement à l'histoire mondiale comme un des plus irresponsables de l'histoire de la planète.
Comme dans le dossier du tabac, de nombreuses compagnies pétrolières ont engagé des firmes de relations publiques afin de nier la réalité du réchauffement climatique. Stephen Harper et Ralph Klein ont aussi nié cette réalité, M. Harper allant jusqu'à qualifier le réchauffementclimatique de « complot socialiste ».
Maintenant que les gouvernements de Stephen Harper et de Ed Stelmach ne peuvent plus nier, voilà que surgit une campagne de relations publiques appuyée par des gens tels que M. Kelly-Gagnon pour nous ressortir l'argument économique défendant l'indéfendable.
L'avenir de la planète est en jeu. Tous doivent contribuer à la hauteur de ses moyens. Pourtant, les compagnies pétrolières installées dans les sables bitumineux voient leurs taux d'imposition diminuer d'année en année grâce au gouvernement de Stephen Harper, subventionnant même des recherches bidons pour ces ces dernières et de plus n'exigent très peu d'elles du point de vue environnemental, à tel point que le Canada a été qualifié « d'État pétrolier corrompu » par le réputé journaliste britannique Georges Monbiot dans un article du journal The Guardian en décembre dernier.
Lorsque l'argument de la péréquation est évoqué par ces messieurs, il oublient commodément de mentionner que les revenus que les gouvernements provinciaux engrangent grâce à l'énergie fossile NE FONT PAS PARTIE DU CALCUL DE LA PÉRÉQUATION. Pendant ce temps, les revenus des provinces obtenus grâce aux énergies renouvelables le sont. pénalisant spécialement le Québec et le Manitoba. Par ailleurs, cela a comme effet pervers d'encourager les provinces à exploiter les énergies fossiles plutôt que les énergies vertes lorsqu'elles découvrent des gisements fossiles sur leur territoire, comme nous sommes en train de le constater ici même au Québec avec le gaz de schiste et le pétrole.
De plus, lorsque le prix du pétrole augmente, toutes les provinces qui n'en exploitent pas se retrouvent à souffrir doublement et sont loin de profiter de cette manne car cela a comme impact d'affecter leurs économies très durement en emplois perdus dans de nombreux secteurs d'activités.
Mais encore ici, il y a un sous-texte à l'argument économique qui est le suivant: Qu'importe que des millions de gens meurent des conséquences du réchauffement climatique, notre business prime et enrichit des gens d'ici. Par ailleurs, qui se préoccupe des gens de ces pays lointains qui seront ceux qui en souffriront le plus?
En résumé, qu'il s'agisse du pétrole des sables bitumineux ou de toute autre source d'énergie qui contribue à la pollution de la planète en général et au réchauffement climatique en particulier, le temps n'est plus aux discussions et aux campagnes de relations publiques afin de repousser aux calendes grecques notre incontournable responsabilité, le temps est à l'action concrète.
Sur ce sujet, le premier ministre Harper a affirmé à Davos que nous ne pouvions ralentir l'économie pour sauver la planéte et que nous devions attendre les percées technologiques. Cette logique ne tient pas debout.
La planète n'arrêtera pas de se réchauffer en attendant ces percées
Les compagnies qui polluent le plus ne feront rien tant qu'elles n'y seront forcées. Nous n'avons qu'à regarder le cas des compagnies automobiles américaines. L'irresponsabilité environnementale de ces entreprises a pu durer 30 ans, grâce au laxisme de tous les gouvernements américains depuis Ronald Reagan. Ainsi, je vois difficilement Stephen Harper forcer la responsabilisation de ces compagnies puisqu'il est un ardent défenseur de l'irresponsabilité environnementale.
Finalement, la démonstration a été faite noir sur blanc des impacts économiques de l'inaction en matière de réchauffement climatique par Sir Nicholas Stern, il y a de cela plus de deux ans.
C'est pourtant une question d'éthique et de survie.
Mais je réalise que la notion d'éthique en affaires ne semble pas trop à la mode ces temps-ci, comme nous avons pu le constater dernièrement...
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