Si Serge Roy est une figure peu connue du grand public, il est toutefois une figure emblématique de la gauche à Québec. Candidat de Québec solidaire aux dernières élections dans la circonscription de Taschereau, château fort d’Agnès Maltais, il a été militant au Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) pendant plus de trente ans et président général de 1996 à 2001.
Son enracinement dans Québec s’est fait à la faveur des luttes populaires. Il est un des fondateurs du premier Comité populaire du quartier Saint-Jean-Baptiste, du journal de quartier Droit de parole et de la radio communautaire Radio-Basse-Ville.
Il vient de publier Fonction publique menacée! Le néolibéralisme à l’assaut des services publics, 1981-2011. Lorsque Serge Roy commence à militer dans son syndicat, au début des années soixante-dix, l’une des grandes centrales syndicales du Québec, la FTQ, proclame alors que l’État est un rouage de notre exploitation tandis qu’une autre, la CSN, soutient que nous devons compter que sur nos propres moyens. À l’époque, on est encore bien loin de revendiquer que l’État soit le protecteur du bien commun.
Aujourd’hui, Serge Roy est bien placé pour inviter la population à : « … refuser que l’État soit au service des financiers [et] à compter sur une fonction publique… capable d’offrir à toutes et à tous les moyens de vivre dans la dignité et le bonheur. »
C’est qu’au fil des luttes, le militant a été à même d’observer que si l’État protège bien « les intérêts des nantis, des financiers ou des puissants de ce monde », il a du mettre en place, avec « les mobilisations citoyennes et les luttes sociales, des politiques pour répondre aux revendications de la population ».
Bien sûr, rappelle-t-il, les travailleurs et travailleuses ont dû subir la répression féroce de l’État, mais sans la fonction publique et certaines lois, « nous aurions peu de moyens pour nous dégager minimalement des “griffes” du patronat. »
L’État amène donc une certaine protection aux travailleurs avec ses lois, démontre Serge Roy, mais apporte également une sécurité certaine aux citoyens avec les services fournis par les organismes qui ont pour mission de défendre les droits des femmes, de la personne, des consommateurs ou une assistance aux plus démunis.
Sans le formuler explicitement, Serge Roy considère l’État comme un lieu d’affrontement entre le capital et le travail où, avec le développement du discours néolibéral des trente dernières années, cette bataille a surtout été à l’avantage du capital et au détriment des travailleurs et citoyens.
Son livre trace l’historique de ce discours et décrit ses effets sur la fonction publique qui, loin d’être redondant, nous présente une vision en accélérée des transformations radicales qu’a subi l’État québécois au cours des dernières décennies nous laissant avec une amère impression d’avoir consenti, bien involontairement, à un gigantesque viol de la démocratie.
Viol qui d’ailleurs se poursuit toujours aujourd’hui, entre autres, avec le projet de loi no 60 qui prétend moderniser le régime de santé et de sécurité au travail. Son chapitre sur la nouvelle gestion publique explique clairement que la modernisation est une mystification pour faire passer la gestion publique à une gestion semblable à celle du secteur privé dont l’objectif est d’atteindre des résultats quantitatifs au détriment du besoin de rendre des services de qualité aux citoyens.
« Appliquer à la fonction publique la “qualité totale” et “l’approche client” écrit-il, permet un véritable détournement de sens. » Un détournement observable dans les organismes et ministères voués à la protection de l’environnement, des droits et de la justice sociale, de l’entretien du réseau routier, de la supervision des activités agricoles ou encore de la sécurité de la population.
Bref, un détournement de sens qui se résume à une habile manoeuvre où les décisions politiques sont soumises aux impératifs des investisseurs et des financiers.
Pour remédier à cette dérive qui dure depuis trop longtemps, Serge Roy propose littéralement de mettre les fonctionnaires au service de la population. « Il faut aussi que les fonctionnaires soient disponibles dans les régions et les localités pour que leur rôle et leur mandat soient déterminés conjointement avec la population. »
Il ajoute : « Vu ainsi, le travail des fonctionnaires devient celui d’équipes au service de la communauté. » La fonction publique au service du bien commun pourrait-on ajouter.
« D’autre part, écrit-il, la responsabilité de l’ensemble des citoyenNEs est d’exiger que la fonction publique, comme les autres services publics, soit à leur service, tout en répondant à des critères de fonctionnement démocratique. »
Comme mot de la fin, il convie l’ensemble des mouvements sociaux à s’entendre sur une plate-forme globale commune en vue d’une transformation en profondeur de la société et qui se préciserait dans le cadre de la tenue d’États généraux des mouvements sociaux québécois.
Bien sûr, le lecteur comprendra le sous-entendu que l’engagement à transformer la société, c’est bien de la société québécoise dont il est question.
Du même auteur
2012/06/04 | Qu’est-ce qui commence? |
2012/02/28 | Le privé incapable d’accoter les services publics |
2011/10/19 | De Wall Street au Square Victoria |
2011/09/07 | L’as de pique de la gauche : le temps libre |
2010/05/10 | Le Parti Québécois et la santé |