Comme Bruxelles, Lila est en pleine transformation. Trois moments significatifs de sa vie en témoignent. Trois hommes sont au cœur de sa démarche.
À 23 ans, Lila se cherche. Elle a senti le besoin de quitter sa ville natale en quête de nouvelles expériences. Après une absence de trois mois, elle rentre au bercail. Au sortir de l’aéroport, elle rencontre Bilal, un Iranien qui, après 40 ans passés à Dubaï, revient visiter des amis qu’il a laissé sans nouvelles depuis son départ. Dans l’autobus qui les ramène au centre-ville, l’étranger ne reconnaît plus la capitale. De nombreux édifices en constructions parsèment le paysage urbain. Si bien qu’il n’arrive plus à retrouver ses amis. Ensemble, ils cherchent la maison où il habitait, mais, à son grand désarroi, elle a disparu.
Métamorphosé aussi, l’amour qu’éprouve Lila pour Benjamin, son chum, avec qui elle partage sa vie. Maintenant, elle sait mieux ce qu’elle attend d’une relation amoureuse. Si elle ne lui a pas donné de nouvelles durant son escapade, ça la regarde. L’interrogatoire serré de Benjamin ne l’intimide plus. Dorénavant, elle exige l’indépendance et pleine décision sur sa vie. « Je t’aime, mais je veux vivre seule », lance-t-elle à un Benjamin, médusé. Elle reprend sa liberté. Point barre!
Pourtant, très vite, Lila se frotte aux contingences de la vie quotidienne. Un soir, une voiture dans laquelle se trouve un groupe de jeunes fêtards, eurocrates en mal de vivre, frôle sa bicyclette. L’égratigne sur la portière cause une vive colère chez l’automobiliste qui, pour se venger, part à sa poursuite et la renverse. Projetée sur la chaussée, Lila est transportée à l’hôpital.
L’occasion de revoir Benjamin surviendra trop tard. La quête d’une nouvelle vie pour Lila se terminera de façon tragique.
FLANDRE, 73 min.
Notre note:
Les trois temps de Lila représentent l’évolution d’une jeune femme dans une ville européenne, elle aussi en changement. Dans un premier temps, l’étranger (Nader Farman) constate les transformations cette ville, qu’il a connue dans les années 1970. Son regard nostalgique en dit long sur sa tristesse de ne pas retrouver en l’état ce qu’il avait quitté il y a 40 ans. L’ancien fait place au moderne, de grands espaces ont été sacrifiés au profit des grues qui envahissent le centre-ville. Maintenant, se construisent des édifices qui touchent le ciel. On sent Lila fascinée par Bilal. Il lui fait voir sa ville autrement.
Le deuxième temps de Lila est celui de Benjamin (l’excellent Kurt Vandendriessche). Les trois mois de réflexion, pendant lesquels elle a bourlingué, lui ont donné la certitude qu’elle doit s’affranchir de sa relation amoureuse. La brutalité de la première scène où l’on entend d’abord la respiration saccadée d’une femme au moment de l’orgasme rappelle son nouveau besoin d’égalité et d’autonomie face aux hommes. Finie la soumission, désormais sa vie lui appartient.
Le troisième temps de Lila est celui du jeune homme terrifié (Felipe Mafasoli) après le geste posé par son ami qui a buté la cycliste. Même s’il lui reste une once de compassion, il retourne très vite à ses amis. Ces scènes très réalistes présentent les jeunes « eurocrates » d’aujourd’hui, ceux pour qui la réussite sociale est une valeur première, relayant en deuxième place le sens de l’honneur, de la responsabilité, vertus ensevelies sous la musique trop forte, la drogue ou autres calmants sociaux.
Ce qui fait l’intérêt de ce film, à part le contenu, c’est la performance remarquable de l’actrice Manah Depaw qui joue le rôle de Lila avec beaucoup de nuance et de conviction. Son regard perce l’écran.
Welcome Home est l’amalgame de trois courts métrages, « Cocktail », « Welcome Home » et « Voyage d’amour », réalisés en 2009. Même si les raccords ne sont pas toujours très heureux, Tom Heene, un Bruxellois passionné de sa ville, qui constitue sa principale source d’inspiration, réussit à composer un film touchant, cohérent et significatif.
Welcome Home est présenté les 2 et 3 septembre au cinéma Quartier Latin 16.