Le prof Lauzon en spectacle

2012/12/03 | Par Martin Cayouette



En scrutant la scène, on ne met plus en doute la parole de Léo-Paul Lauzon qui, lors de son passage à Tout le monde en parle, avouait utiliser un projecteur à acétate. Pas d'ordinateur, un simple projecteur.

Dans l’ambiance feutrée du Cabaret du Mile-End, il nous met en garde : Il est un socialiste. La salle s'esclaffe de rire; elle est déjà conquise. Au rythme effréné d'une grande quantité d'acétates en noir et blanc, les nouvelles défilent. Le spectateur doit demeurer à l'affût pour lire les titres qui constituent souvent la ligne finale de ses blagues.

Son fil conducteur sera Richard Desjardins qu'il ironisera par la phrase « qu'on laisse la forêt au forestier et la poésie aux poètes ». Il reviendra souvent à ce parallèle pour rappeler que plusieurs compagnies forestières ont discrédité l'artiste en prétendant qu'il n'était pas un spécialiste.

Au cours de son spectacle, il écorche Maxime Bernier, Stephen Harper, Luc Plamondon, Bernard Landry, Jean Charest, Michèle Richard, Pauline Marois, Nicolas Marceau et plusieurs entreprises, dont Apple et Domtar.

Durant ces deux heures, il traite de l'actualité à partir des titres des journaux plutôt que du contenu des articles. Lorsqu'il présente le titre « Les cols bleus constitueraient la principale menace pour les arbres », il fait un lien cynique avec la mauvaise exploitation des forêts. On voit qu'il veut tourner en ridicule un article du 8 juin 2004 écrit par François Cardinal et dont il faisait état dans un billet de l'aut’lJournal intitulé « Tonton coupe-coupe ».

Il décrit la crise économique en se référant à un texte dans lequel Henri-Paul Rousseau est cité : « La crise qu'on a eu, vous pensez que c'est à cause des banques et des institutions financières? Non, ça été un phénomène naturel, l'économie de marché, on vous le dit, c'est des lois naturelles, alors la nature s'est déchaînée, les gens d'affaires n'y sont absolument pour rien! »

C'est parfois de l'humour noir, parfois grinçant. Pour apprécier la prestation, il faut évidemment suivre l'actualité, ce qui était le cas des gens présents puisque les réactions étaient instantanées. Parfois, la foule réplique à Léo-Paul Lauzon qui saisit la balle au bond pour aller plus loin avec humour.

Il fait également des envolées lyriques au cours desquelles il argumente de façon passionné. Entre autres, lorsqu'il relate un texte récent de Gérard Bouchard dans Le Devoir. Il en a contre l'hypocrisie de M. Bouchard qui écrit « un afflux de richesse dont toute la société a profité grâce à notre système fiscal plus progressif qu’ailleurs » On cesse de rire, Léo-Paul s'emporte et se vexe. Le public est aux aguets et attend le moment où il sortira une blague pour évacuer la pression. Le public est ravi.

Hormis la revue de presse, M. Lauzon nous raconte des éléments de sa vie, certains qui semblent réels, d'autres qui semblent fabriqués, mais sous l'humour tout est possible. Il nous parle, entre autres, de ses thérapeutes : « Ça paraît dans mon comportement, ça va pas bien bien, ça paraît que j'ai pu de thérapeute, j'en avais deux, Pancho, je l'ai perdu, lui-même est en thérapie à cause de moi. L'autre Igor croit beaucoup aux problèmes existentiels, que nos problèmes proviennent de nos premières années de vie, là ça faisait 4 ans qui ‘‘zigonnait’’ sur les premières années de ma vie... j'ai osé lui d'mander Igor, penses-tu qu'avant ma mort on va pouvoir se rendre à mon adolescence? »

Il nous explique également son rapport avec ses acétates qu'il chérit beaucoup « dans vie, y'en a qui vivent pour les femmes, les hommes, l'argent le pouvoir étcétéra, moi j'vis pour les acétates. J'ai toujours rêvé de rencontrer un gars ou une fille avec qui je passerais mes soirées à r'garder les acétates pis que j'en échangerais avec le beau-père comme on échange des cartes de hockey. On les numéroterait et on aurait des collections, j'ai des pièces de collections pour vrai là-dedans » dit-il en pointant sa pile d'acétates.

À travers ses explications de l'actualité, il trouve des moyens humoristiques, calqués sur les grands titres des journaux pour désengorger les hôpitaux. À un certain moment, il arrête de parler et harangue la foule « Vous prenez pas des notes? On va encore engorger, on fait tout ça pour rien, c'est pour vous autres que j'fais ça ».

Au titre « L'explosion des profits n'annonce pas la fin de la crise », il ne se gêne pas pour dire « Crise ou pas, les banques ont été aidées, il a fallu les aider même si elles sont responsables de la crise, là ils ont fait 20 milliards $ de profit ».

Il poursuit avec la course au profit en montrant un titre selon lequel « La hausse des profits de 60% d'Apple déçoit ». Il compare tout de suite au salaire d'un employé qu'on augmenterait de 60% pour montrer l'absurdité de la course effrénée au rendement.

En parlant d'Apple, il s'emporte : « Rechercher toujours le profit maximum en peu de temps, avec tous les moyens possibles et impossibles, c'est ça qui amène l'exploitation, la pollution. L'exploitation de nos frères et sœurs dans les pays du tiers monde c'est criminel! Rechercher des augmentations de 60% alors que l'inflation est de 2% c'est criminel, vous faites mourir des millions et des millions de gens ».

Malgré un état de la situation plutôt négatif, mais traité de façon humoristique, il termine son spectacle avec justesse en citant la devise du défunt magazine Croc « C'est pas parce qu'on rit que c'est drôle ».