L'auteur est directeur adjoint du syndicat Unifor
La course à la chefferie du Parti Québécois suscite beaucoup d’intérêt et je ne crois pas, qu’au fur et à mesure que la course progressera, il s’estompera, bien au contraire. Pour être honnête, cet intérêt soudain vient en grande partie de la présence de Pierre Karl Péladeau.
Personne ne peut rester indifférent à sa présence dans la course à la chefferie et chacun a sa raison d’observer et d’analyser les conséquences qu’engendrerait son élection comme chef du PQ et, possiblement, premier ministre du Québec.
Au premier rang, il y a les membres du Parti Québécois. On pourrait les comparer à de la macédoine, quand on analyse leurs tendances de gauche ou de droite sur l’échiquier politique.
Même si on qualifie souvent le PQ de parti de gauche, à cause des politiques qu’il a mis en place lorsqu’il était au pouvoir – presque tous nos programmes sociaux ont été mis en place pendant les mandats péquistes – il n’en demeure pas moins qu’il y a une aile de centre droit au PQ. Dans les faits, ce qui réunit l’ensemble des membres est la souveraineté du Québec. Si on enlève la souveraineté de l’équation, plus rien ne justifie l’existence même du PQ.
Le monde du travail vu par PKP
Tenant compte de cette macédoine de tendances, la présence de Pierre Karl Péladeau et ses prises de position sont accueillies de façons différentes. Prenons, par exemple, son bilan en relations de travail avec quatorze lock-out à son actif.
Cela ne réjouit pas, et avec raison, les syndicalistes, mais l’aile centre droite du PQ voit cela comme ayant été un passage obligé pour restructurer ses entreprises afin de les sauver d’une mort certaine. En d’autres mots, « la fin justifiait les moyens ».
On se souviendra que, dans une lettre d’opinion, il nous avait fait part de sa vision du monde du travail en mentionnant, entre autres, que :
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La formule RAND devrait être abolie. Une règle, en vigueur depuis 1949, établie par le juge Rand, qui fait une sorte que tous les travailleurs assujettis par une convention collective doivent payer une cotisation syndicale au Syndicat qui les représente.
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La syndicalisation ne devrait plus se faire de façon confidentielle par la signature d’une carte d’adhésion et le paiement d’un droit d’adhésion mais, plutôt, par un vote des travailleurs. Une mesure qui rendrait la syndicalisation de salariés encore plus difficile. Tout le monde sait très bien qu’à partir du moment où l’employeur serait au courant de la tenue d’un vote, il déclencherait immédiatement une campagne de séduction ou de peur, pour éviter la syndicalisation des travailleurs de son entreprise.
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Les prestations de grève devraient être imposables. Une telle mesure aurait pour seul but d’appauvrir les syndicats parce que les prestations devraient être augmentées de la valeur des impôts à payer. Cela ne tient surtout pas compte du fait que les prestations de grève sont le fruit des cotisations syndicales payées par les membres du syndicat et non d’un salaire obtenu en échange d’un travail accompli.
Voilà trois prises de position qui nuiraient aux travailleurs, mais qui, encore une fois, seraient accueillies assez favorablement par l’aile centre droite du PQ.
Le poing en l’air, un point positif
Pour les souverainistes, voir Pierre Karl Péladeau, le poing en l’air, afficher son désir que le Québec soit souverain est, soyons honnêtes, une bonne nouvelle en soi. Lors des deux référendums précédents, le spectre du désastre économique a été un facteur déterminant dans le résultat du vote.
Personne ne peut mettre en doute le fait qu’un pourcentage de la population a voté Non par crainte d’un désastre économique et que, compte tenu des résultats serrés du dernier référendum, n’eut été de cette crainte, nous serions sûrement un pays.
Alors, qu’un homme d’affaires de l’envergure de PKP se prononce, sans crainte, en faveur d’un Québec souverain est, comme je le disais, une bonne nouvelle en soi.
Certains pensent que son ardeur à défendre la cause souverainiste pourrait être grandement refroidie à cause de la dépendance de ses entreprises envers le gouvernement fédéral. Une bonne partie de ses entreprises relève, en effet, de la juridiction fédérale.
Il est tout à fait légitime de se demander ce qui, pour Pierre Karl Péladeau, primera entre le sort de ses entreprises ou la souveraineté du Québec? Est-ce que « la fin justifiera les moyens », comme dans le cas de ses quatorze lock-out? La question doit se poser!
Les quatre pouvoirs
Comme travailleur, j’observe attentivement cette course et, pour les raisons que j’ai citées précédemment, l’idée d’avoir Pierre Karl Péladeau comme chef du Parti québécois ou premier ministre m’inquiète grandement.
Ce qui me fait le plus réfléchir, c’est la possible concentration du pouvoir et ses effets sur la démocratie. Dans notre société, il existe quatre grands pouvoirs, qui permettent d’orienter et changer notre société. Le pouvoir de voter, le pouvoir politique, le pouvoir de l’argent et le pouvoir des médias.
Heureusement, nous vivons dans une société démocratique où nous pouvons nous exprimer librement et choisir, en allant voter, le candidat qui va nous représenter pour gérer notre vie en société. C’est notre pouvoir de voter!
Les personnes qui sont élues se voient octroyer le privilège du pouvoir politique. En vertu de ce pouvoir, une personne peut élaborer des règles et des lois qui géreront notre vie personnelle et notre vie en société. Ce pouvoir est immense et, à mon avis, il devrait être considéré comme comportant une très grande responsabilité.
Quant aux deux autres pouvoirs, l’argent et les médias, ils ne sont pas, de prime abord, à la base de notre démocratie, mais ils le deviennent lorsqu’ils sont utilisés pour influencer les pouvoirs de voter et politiques.
Quand je réfléchis à la possibilité que Pierre Karl Péladeau devienne le chef du PQ et, potentiellement, premier ministre du Québec, et que je mets dans la balance le fait qu’il détient actuellement le pouvoir de voter comme tous les citoyens; que, depuis les dernières élections, il détient également le pouvoir politique et que ce pouvoir sera décuplé s’il était élu chef du PQ et, par la suite, premier ministre; que sa fortune personnelle et son empire médiatique peuvent être utilisés pour influencer les pouvoirs de voter et politiques, je me pose de sérieuses questions sur les conséquences de mettre autant de pouvoirs entre les mains d’une même personne.
Pour la plupart des gens, nous vivons dans une société démocratique justement parce qu’il y a une division des pouvoirs dans notre société. À mon avis, ce serait une erreur et une tache à la vie démocratique que de concentrer autant de pouvoirs entre les mains d’une même personne.
Mon vote
Est-ce que cela veut dire que Pierre Karl Péladeau ne peut pas faire de la politique? Je ne le pense pas. Qu’il soit député ou même ministre, il devra partager son pouvoir avec les membres du caucus des députés ou, le cas échéant, du Conseil des ministres, ce qui serait bénéfique pour notre démocratie.
Je vais suivre attentivement le reste de la campagne, et ce sans faire de profession de foi au PQ. Je suis membre du parti et je vais utiliser mon droit de vote pour faire en sorte que Pierre Karl Péladeau ne devienne pas le chef du PQ. Ce sera mon geste pour m’assurer du partage des pouvoirs dans notre société et par, le fait même, d’une meilleure démocratie.
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