La commissaire au commerce de la Commission européenne Cecilia Maelström présente aujourd'hui devant le Comité du commerce international du Parlement européen (INTA) une proposition de réforme au mécanisme Investisseur-État.
Derrière l'écran de fumée d'un vague appel à la création d'une Cour internationale sur les investissements, la réforme proposée est surtout cosmétique et ne s'attaque pas au fond du problème. La seule vraie solution aux pouvoirs démesurés que les accords de libre-échange accordent aux investisseurs étrangers, c'est de retirer le mécanisme Investisseur-État des accords commerciaux, afin que plus jamais les États ne voient leurs politiques publiques légitimes être contestées, affirme Pierre-Yves Serinet, coordonnateur du Réseau québécois sur l'intégration continentale (RQIC).
Le Réseau Seattle to Brussels (S2B), partenaire du RQIC en Europe, a rendu public aujourd'hui son opinion sur la proposition de réforme en affirmant que celle-ci 1) fait fi des résultats de la large consultation que la Commission européenne a elle-même mis sur pied l'an dernier; 2) fait très peu pour corriger les problèmes de fond du système Investisseur-État; 3) favorise la propagation d'un système qui favorise des poursuites contre les États; 4) induit en erreur en suggérant que le mécanisme Investisseur-État avait déjà été réformé de façon significative avec l'AÉCG; 5) et ignore l'éléphant dans la chambre, à savoir qu'au tout premier chef, le mécanisme Investisseur-État n'est pas nécessaire.
Dans son analyse rendue publique aujourd'hui, l'expert en droit international Gus Van Harten affirme quant à lui qu'il s'agit d'une opération de relations publiques biaisée et que les mesures avancées sont sérieusement inadéquates. Il explique entre autres que le mécanisme Investisseur-État provoque des dommages importants aux institutions publiques et que la réforme proposée n'est pas à la hauteur.
La création d'une Cour internationale sur les investissements est une bonne idée, qui d'ailleurs circule déjà dans plusieurs milieux. Mais cette avenue se projette sur du long terme tandis que dans l'immédiat, la Commission européenne propose très peu pour faire face à l'insoutenable multiplication des poursuites au cours des dernières années, la poursuite de Lone Pine Resources contre le Québec pour 250 millions $ étant un cas probant, estime M. Serinet. L'opération Maelström est de la poudre aux yeux et vise à rendre plus acceptable en Europe les droits accordés aux grandes entreprises pour relancer la négociation transatlantique avec les États-Unis, sans réellement transformer le système, affirme le porte-parole du RQIC.
En excluant l'AÉCG du débat, les efforts de la Commission européenne s'apparentent à de la manipulation. L'étude Marchander la démocratie parrainée par le RQIC et plusieurs de ses alliés au Canada et en Europe démontre pourtant de long en large pourquoi le mécanisme Investisseur-État est une menace sur la capacité des États de gouverner pour l'intérêt public, en matière de services publics et d'environnement entre autres. L'analyse du Centre canadien de politiques alternatives (CCPA) sur les textes soi-disant finaux de l'AÉCG va dans le même sens.
Il est faux que l'AÉCG a corrigé le mécanisme Investisseur-État. La commissaire Maelström fait tout pour éviter de rouvrir les négociations avec le Canada, mais cela va être inévitable, quoiqu'en dise le négociateur en chef de l'AÉCG pour le Québec, soutient M. Serinet. Enentretien avec Le Devoir la semaine dernière, lors de la visite d'Alain Juppé au Québec qui a réitéré les réticences de la France quant au mécanisme Investisseur-État, Pierre-Marc Johnson a affirmé qu'il s'agit là d'opinions individuelles de parlementaires et de gens et que les critiques de l'entente feraient mieux de lire le texte plus attentivement. Une insulte à l'intelligence, selon M. Serinet, qui frise le mépris à l'endroit du travail des parlementaires dans toute démocratie qui se respecte, ajoute le porte-parole du RQIC, une large coalition d'organisations sociales qui mène le mouvement critique d'opposition à l'AÉCG au Québec.
Aux côtés du CDHAL et d'autres alliés, le RQIC organise justement lundi prochain, 11 mai 2015, uneSoirée publique sur le mécanisme Investisseur-État en prenant comme exemple l'outrageux cas de poursuite de la compagnie minière canado-australienne Oceana Gold / Pacific Rim contre le El Salvador pour 300 millions de dollars, dans le cadre d'une tournée d'une délégation salvadorienne au Canada.
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