Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) a organisé un rassemblement à Montréal, le 3 mai dernier, devant le magasin de vêtements H&M pour sensibiliser les consommateurs montréalais sur les conditions de travail des personnes qui confectionnent leurs vêtements au Bangladesh.
Trois années après l’écroulement de Rana Plaza, H&M ne respecte pas l’Accord sur la sécurité incendie et la sécurité des bâtiments que l’entreprise a signée suite au tragique événement. Accord, chapeauté par l’Organisation internationale du travail (OIT), qui oblige l’entreprise à se doter d’un programme de sécurité et de gestion des incendies.
Avec entre 55% et 70% des entreprises sous-contractantes de la société-mère encore en défaut, une catastrophe pourrait bien survenir à nouveau. L’aut’journal a rencontré la coordonnatrice de l’événement afin qu’elle nous explique l’objectif de cette mobilisation mondiale.
Q : Quel était le but de la mobilisation du 3 mai dernier, Mme Nguyen?
R. : Suite au passage de Kalpona Akter du Bangladesh Center for Worker Solidarity, la question d’une mobilisation mondiale de solidarité en appui aux travailleuses et travailleurs du Bangladesh a été ravivée. Montréal fait partie des nombreuses villes où un rassemblement a eu lieu.
Tristement, cette solidarité s’est créée suite à la catastrophe de Rana Plaza. C’est le déclencheur de l’intérêt médiatique et le début d’une mobilisation qui se poursuit encore. C’est grâce à cette pression internationale que de nombreuses entreprises, desquelles H&M fait partie, ont signé l’Accord.
Le but de la mobilisation du 3 mai était de maintenir la pression sur les entreprises en donnant en exemple l’une d’entre elles qui ne respecte pas les objectifs fixés. Pour ce faire, nous avons voulu informer le public de la situation en leur expliquant ce que sont les ateliers de misère. L’éducation populaire est l’objectif premier de notre organisation. Nous voulions expliquer aux acheteurs de la boutique, rue Sainte-Catherine, le lien entre acheter ici, chez H&M Montréal, et les conditions de travail des employées au Bangladesh.
Q. : Et, quelles étaient leurs réactions?
R. : Les gens étaient plutôt surpris. Mais la réception était cordiale. D’attentif, certains finissaient par se sentir mal à l’aise lorsqu’il saisissait les enjeux. En ce sens, notre objectif de sensibiliser les acheteurs a réussi. En plus, nous avons remis une lettre à la gérante du magasin.
Q. : Quelle a été la réception de l’entreprise, qui organisait l’assemblée générale des actionnaires cette même journée?
R. : Pour Montréal, on nous a promis de remettre la lettre à qui de droit. Mais, disons que nous n’avons eu aucune nouvelle, pas de prise de position de la part d’H&M. Pas directement à nous, du moins.
L’entreprise a bien contesté les conclusions de notre rapport auprès du Congrès du travail du Canada (CTC). L‘entreprise dit s’être améliorée. Mais aucune sortie publique. Nous savons que l’entreprise réfute notre critique de l’atteinte des objectifs fixés suite à la signature de l’Accord.
Dans le rapport Three Years After Rana Plaza, H&M Factories Still Not Safe, nous avons établi qu’encore au moins 55% des fournisseurs d’H&M n’ont pas de sorties de secours adéquates. Mais le problème demeure la transparence.
Nous savons qu’H&M a près de 200 sous-contractants qui confectionnent les vêtements de la marque, mais qui sait si l’entreprise n’en a pas davantage (1). Comment savoir s’il n’y a pas d’autres de ses filiales qui œuvrent, sans qu’on le sache, à l’extérieur du cadre de l’Accord. La chaîne de sous-traitance est difficilement identifiable. Les noms se démultiplient afin que les fournisseurs deviennent inidentifiables. Il est ardu de dire alors qui est imputable.
Q. : Comment expliquez-vous qu’une entreprise se comporte ainsi envers ses travailleurs et qu’elle ne veuille pas informer le public? Pourquoi adopter une telle stratégie de gestion?
R. : Au CISO, nous y voyons un problème structurel qui origine du fait que l’employé est placé au même niveau que la marchandise. La production est à flux tendu. Il s’exerce une pression internationale sur le travail poussé par la compétitivité.
Nous savons qu’il est important de lutter pour l’amélioration des conditions de travail des travailleuses du textile du Bangladesh (82% sont des femmes), mais les entreprises délocalisent encore. Présentement, la mode est d’aller en Afrique, en Éthiopie. Pourtant, nous savons qu’H&M a la capacité de payer. L’entreprise a enregistré 2,6 milliards $ de profit l’année dernière. Au Bangladesh, les travailleuses et travailleurs de l’industrie du textile ne gagnent que 3$ par jour.
Q. : Pour vous, la solution passe par la réduction des inégalités sociales partout à travers le monde, car si l’on ne veut pas boycotter les marques, comme l’a suggéré Mme Akter, il faut augmenter les salaires des travailleuses et travailleurs pour qu’elles/ils puissent améliorer leur sort?
R. : Il est important de saisir le coût réel des produits. Pour qu’un chandail à Montréal ne coûte que 15$ ou 20$, cela implique que les droits des travailleurs et travailleurs ont dû être impactés. C’est souvent un choix que l’entreprise fera afin de demeurer compétitive. Et, pour ne pas couper dans les salaires des cadres et les dividendes des actionnaires, l’entreprise pourra être tentée de délocaliser encore. Cela exerce une pression vers le bas. Une course vers les moins bonnes conditions de travail possibles.
C’est pourquoi nous proposons une solidarité internationale des travailleurs en plus d’une alliance entre les nations afin d’améliorer les conditions de travail de tous, travailleuses et travailleurs. Pour se faire, il faut faire pression sur les gouvernements pour qu’ils adoptent ou maintiennent des lois respectueuses de leurs droits contre le pouvoir démesuré des grandes compagnies, comme H&M. La mobilisation et l’éducation populaire servent à créer et maintenir cette pression.
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Sur le site officiel d’H&M, il est écrit : « H&M ne possède pas d’usine. Nous achetons tous nos vêtements auprès d’environ 700 fournisseurs indépendants, principalement en Europe et en Asie. Dans nos bureaux de production, répartis à travers le monde, nous gérons tous les aspects techniques de la production, et nous entretenons des liens étroits avec les fournisseurs. Grâce à des contrôles et des audits minutieux, nous nous assurons que nos produits sont conformes à nos normes de sécurité et de qualité, et qu’ils sont fabriqués dans des conditions de travail sûres, légales, équitables et humainement décentes. »
Des rassemblements ont eu lieu dans 45 villes et 11 pays en solidarité avec ces travailleuses extrêmement précaires, qui risquent leur vie jour après jour pour assurer les profits faramineux de grandes compagnies multinationales de la mode. Faisons pression sur H&M pour qu’ils respectent le travail décent!
Signez la pétition! www.hmbrokenpromises.com