C’est un conflit qui dure depuis plus de deux ans. L’entreprise a été prise en flagrant délit pour avoir recruter des scabs et a été condamnée par la Commission des relations de travail pour « défaut de négocier avec diligence et bonne foi » et pour « entrave aux activités du syndicat et menaces et intimidation ».
Mais cela n’a aucunement affecté la combativité d’Alexandre Maranger et Jean-Guy Junior Landry, respectivement président et secrétaire du Syndicat Unifor (section locale 1209) de la compagnie Délastek Inc. de Shawinigan, rencontrés au siège social du Conseil régional de la FTQ à Trois-Rivières.
« Nous fabriquons, entre autres, des pièces pour le poste de pilotage de la CSeries de Bombardier, des pièces de précision que nous signons de notre nom », de nous expliquer Alexandre Maranger en soulignant le risque de non-conformité si elles sont fabriquées par des scabs.
L’entreprise Délastek de Claude Lessard emploie une centaine d’employés, répartis en deux groupes équivalents. La cinquantaine de travailleurs affectés à la production sont syndiqués, alors que l’autre groupe, formé d’ingénieurs et de techniciens rattachés à la Recherche et Développement (R&D), est non-syndiqué.
Pour réduire la portée de l’accréditation syndicale, le patron cherche à faire accomplir des tâches de production en série par les employés de la R&D, dont la mission doit se limiter, selon la convention collective, à la production de prototypes . « On déguise aussi des scabs assignés à la production en ingénieurs ou techniciens de la R&D », souligne Junior Landry.
Les leaders syndicaux nous renvoient au rapport de la Commission des relations du travail qui relate qu’un inspecteur du ministère du Travail a reconnu que « Delastek utilisait illégalement les services de onze de ses salariés et d’un entrepreneur pour remplir les fonctions des salariés en grève ».
Trois mois plus tard, les enquêteurs du ministère du Travail constataient l’utilisation illégale de deux autres employés », après s’être vu retarder l’entrée dans l’établissement.
Aux dires des leaders syndicaux, cela n’a pas freiné les ardeurs antisyndicales du patron. « Nous avons noté l’embauche de sept travailleurs mexicains et d’un traducteur », déclarent-ils en rappelant les menaces proférées par Claude Lessard, dans les journaux locaux, de déménager ses installations dans d’autres pays parce que « Shawinigan n’est pas la meilleure place pour investir », que le syndicat est « un peu trop syndicalisé et pas assez civilisé » et ses membres « une gang de sauvages »!
Lessard est aussi passé aux actes contre deux salariés, au point où la Direction des poursuites criminelles et pénales a jugé qu’il y avait une preuve suffisante pour intenter contre Claude Lessard des poursuites pour voies de fait.
Condamné par le juge administratif de la Commission des relations du travail, Claude Lessard a porté sa cause en appel devant le Tribunal administratif du travail, mais les trois juges ont rejeté sa requête.
Il doit donc se soumettre à l’ordonnance de la CRT qui lui ordonne de « négocier avec diligence et bonne foi », de « cesser d’entraver et de s’immiscer dans les activités » du syndicat, de ne pas « tenir des propos, notamment à des journalistes ou sur des réseaux sociaux » relatifs à la négociation collective et de préciser les éléments qui caractérisent la R&D et les tâches respectives des travailleurs de la production et de la R&D.
Cela ne semble pas l’avoir affecté, car il vient de faire parvenir des lettres de congédiement à 23 travailleurs, dont des dirigeants syndicaux, et, comme le soulignent Maranger et Landry, « il continue à passer à 100 km à l’heure dans sa BMW à deux pas des grévistes sur la ligne de piquetage ».
Le salaire moyen des travailleurs syndiqués de Délastek tourne autour de 12 $ de l’heure et plusieurs d’entre eux touchent le salaire minimum. Les syndiqués et la population de la région leur apportent un soutien sans faille.
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