Jean-Claude Germain en parlait, justement, dans l’édition de septembre dernier de l’aut’journal. Il évoquait le souvenir de Pauline Julien, chanteuse, comédienne et militante.
Pendant ce temps, le théâtre Denise-Pelletier présentait la pièce Je cherche une maison qui vous ressemble, qui raconte la relation entre elle et Gérald Godin, le député et poète. Et, au même moment, l’ONF produisait le documentaire Pauline Julien, intime et politique. C’est sans oublier que, cet été, le spectacle La Renarde (sur les traces de Pauline Julien) a inauguré la 30e édition des Francofolies de Montréal.
Tous ces hommages commémorent le triste anniversaire de la mort de la chanteuse engagée, partie le 1er octobre 1998. S’ajoute à cela la pièce Je ne te savais pas poète produite par la compagnie Tableau noir dans une mise en scène d’André-Luc Tessier et présentée au studio de l’Espace libre.
On se souviendra peut-être de la correspondance entre Godin et Julien, La renarde et le mal peigné, parue en 2009 chez Leméac. Celle-ci servit de matériau à l’objet théâtral.
La scène est toute simple: une table, deux chaises, quelques feuilles et un grand tableau noir. Sur ce dernier, Godin (Laury Huard) et Julien (Rose-Anne Déry) gribouillent des fragments de leur amour. Ils le font à l’arrivée des spectateurs et poursuivent leur travail par moments en cours de route.
Leur dialogue n’en est pas vraiment un, il consiste plutôt en cet échange épistolaire. On devine que ça commence dans les années 60 et que ça se termine un peu avant la mort du poète, disparu en 1994.
Quelques années sont griffonnées sur le tableau pour marquer le temps, un exercice dont on pourrait se passer puisque le rapport au temps devient plutôt abstrait quand on se trouve dans un tel rapport à l’intimité.
Il y a aussi le fait qu’ensemble, les amoureux ne parlent de rien d’autre que d’eux-mêmes. Rien sur l’engagement politique. Et c’est bien suffisant. Je dirais même que ça fait changement.
On les voit se tourner autour parfois sensuellement, parfois de manière désinvolte. Fidèles à la formule épistolaire, jamais ils ne se touchent.
Deux esprits épris de liberté, tantôt attirés l’un vers l’autre, tantôt exprimant leur indépendance, leur désir de solitude. Se déroulent sous nos yeux les défis d’un amour appelé à durer, et ce, malgré la fracture causée par les défis professionnels de chacun.
On frissonne aussi d’entendre Pauline Julien exprimer ses réflexions sur les raisons qui la motivent à vivre et on rigole d’entendre Godin traiter affectueusement son âme soeur de tous les noms.
La présence des musiciens Yves Morin, au piano, et Étienne Thibeault, à la guitare, accompagnent les acteurs et comblent discrètement le silence. Aussi, quelques extraits audio entremêlés accompagnent parfois les transitions. Tous ces éléments habillent adéquatement la pièce.
Le duo d’acteurs, Laury Huard et Rose-Anne Déry, sont tous deux investis et convainquent de la complicité du populaire couple. Leurs adieux à la fin, bien que prévisibles, sont déchirants.
Ils sont également paradoxaux. S’écrire adieu? Quel amour des mots!
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