L’auteur est député du Bloc Québécois.
Le budget du gouvernement libéral boude le Québec. Le gouvernement de Justin Trudeau conclut un mandat entier à dépenser n’importe comment, sans plan ni vision, sans tenir compte d’une seule des demandes du gouvernement du Québec.
Ottawa rit carrément de nos agriculteurs sous gestion de l’offre. Les libéraux annoncent des sommes d’argent, mais ils n’ont rien budgété parce qu’ils n’ont ni entente ni échéancier. Contrairement à ce qu’on attendait avec ce budget, nos agriculteurs ne verront pas un sou avant les élections alors qu’ils ont été trahis trois fois dans des ententes de libre-échange depuis 2015.
Rien non plus pour soutenir les entreprises qui en arrachent à cause des tarifs états-uniens sur l’aluminium. Pas d’annonce concernant la ligne bleue du métro de Montréal, le tramway de Québec, l’entretien du pont de Québec ou de quelques infrastructures majeures que ce soit. Aucune compensation pour les migrants. Et qu’on ne retienne pas son souffle en région concernant l’accès à l’Internet haute vitesse : Ottawa vise à y parvenir seulement dans 10 ans. Internet haute vitesse, c’est comme le monstre du Loch Ness : tout le monde en parle, mais personne ne le voit se manifester.
C’est simple : toutes les demandes du Québec frappent un mur à Ottawa. Les sommes nécessaires pour les infrastructures restent bloquées parce qu’Ottawa refuse de transférer en bloc au Québec ce qui lui est dû. En plus, le gouvernement libéral a rajouté des critères pour le fonds de la taxe sur l’essence, le seul programme qui fonctionnait bien pour nos municipalités.
Rien n’est prévu dans la restructuration de la stratégie navale afin que le Québec obtienne sa juste part pour le chantier de la Davie. Pas un seul mot concernant l’aéronautique, l’industrie manufacturière la plus importante du Québec. Et nos créatifs en arts et culture demeurent à la merci de la bonne volonté des géants du Web. Les libéraux n’exigeront pas que ces derniers perçoivent la taxe de vente ni aujourd’hui ni demain s’ils sont réélus. Ce budget ne sert pas le Québec.
Tandis que les Québécois, les jeunes au premier chef, sont préoccupés par l’environnement, Ottawa continue de subventionner les énergies fossiles comme si les changements climatiques n’existaient pas. Les libéraux instaurent une taxe sur le carbone dans le reste du Canada mais, plutôt que d’investir les sommes recueillies dans les énergies vertes, ils s’engagent à reverser l’argent perçu aux pétrolières qui expriment le souhait de moins polluer.
Certes, le Bloc québécois est en faveur d’une subvention à l’achat de véhicules électriques, aussi minime soit-elle, mais tant qu’Ottawa investira des milliards dans les sables bitumineux, c’est une mesure à impact nul dans la lutte au réchauffement de la planète.
Les mesures des libéraux en matière de formation de main-d’œuvre ne répondent pas aux besoins des régions. Ce n’est pas de formation dont on a besoin au Québec, c’est de main-d’œuvre. Mais il n’y a rien dans le budget pour attirer des travailleurs hors des grands centres.
En ce qui concerne l’assurance-emploi, le suspense demeure entier pour les travailleurs saisonniers, car aucune mesure permanente n’est annoncée pour combler le trou noir dans les prestations. Les régions sont encore une fois perdantes dans ce budget.
Les Québécoises et les Québécois veulent que leur argent serve leurs priorités. Mais Ottawa refuse d’augmenter les transferts en santé et en éducation, qui sont pourtant les priorités bien connues du Québec. Pour ce qui est de l’assurance-médicaments, l’une des mesures phares de ce budget, les citoyens ne peuvent espérer recevoir le moindre service du fédéral avant 2023. C’est de la poudre aux yeux à saveur électorale, qui n’est d’ailleurs pas destinée à la population québécoise, car elle profite déjà d’un régime d’assurance-médicaments, aussi imparfait soit-il. Nos besoins sont complètement ignorés.
Le thème central du budget, c’est le mépris des demandes du gouvernement du Québec. Cela illustre parfaitement la nécessité d’une voix forte pour le Québec à Ottawa, en attendant d’être maître chez nous.
Avant chaque budget, le Bloc Québécois se met en écoute active. Nous avons ratissé large dans nos consultations : gouvernement du Québec et municipalités, communautés autochtones, étudiants et aînés, syndicats et gens d’affaires, groupes environnementaux et associations de consommateurs, regroupements de chômeurs et organismes de développement régional, chercheurs et agriculteurs, en ville et en région.
Tout cela pour bien saisir ce dont le Québec a besoin, ce que le Québec veut, et le présenter au gouvernement. Les défis du Québec sont différents de ceux du Canada. En économie comme en environnement, l’approche fédérale mur à mur revient à chercher la température idéale pour celui qui a les pieds dans le fourneau et la tête dans le frigo.
L’échec est assuré et l’argent dépensé en pure perte. Au Bloc Québécois, nous ne demandons pas tant « plus de programmes » que « de meilleurs programmes ». Moins de mur àmur pancanadiens où le Québec ne trouve pas son compte, plus de souplesse dans les transferts, une forme d’asymétrie permettant aux interventions fédérales de s’adapter aux besoins du Québec. Bref, exactement le contraire de ce qu’Ottawa, tous partis confondus, offre aux Québécoises et aux Québécois depuis trop longtemps.
Contrairement à l’économie canadienne qui s’appuie largement sur les filiales d’entreprises américaines — surtout dans l’automobile et le pétrole — gravitant autour de Bay Street, la place financière torontoise, les Québécois ont leurs propres champions, de la multinationale à la PME. Le maintien des sièges sociaux et de la place financière montréalaise qui rend possible leur développement est vital pour notre économie.
Dans son budget, Ottawa devait en prendre acte. Il ne l’a pas fait, laissant en pan les demandes des Québécois.
On n’a pas idée à quel point le Québec est dynamique et tourné vers l’avenir. Alors que le Canada semble enfermé dans le 20e siècle, les forces du Québec sont précisément les secteurs qui gagnent en importance au 21e siècle. La différence québécoise est notre principal atout. Puisqu’Ottawa n’en tient pas compte, il confirme encore ce que l’on savait déjà : Ottawa est un frein au développement du Québec.
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