Alors que le sujet de l’heure aurait dû être le bilan catastrophique du Dr Arruda et l’analyse de la gestion bancale de la cinquième vague de la pandémie par le gouvernement caquiste, les chroniqueurs se sont plutôt précipités sur l’os que leur lançait Legault : une taxe pour les non-vaccinés.
« Le débat démocratique sur cette question va être passionnant », a tweeté, sourire en coin, Martin Koskinen, le chef de cabinet de Legault, tout heureux de voir journalistes, éditorialistes et commentateurs s’engager allègrement sur cette fausse piste.
On peut donc passer à la trappe les questions dérangeantes sur le Dr Arruda :
Pourquoi a-t-il condamné le 20 décembre dernier les masques N95 – « Je crois que les masques ordinaires sont aussi efficaces sinon meilleurs » – comme il avait prôné l’inutilité des masques de procédure au début de la pandémie. Sa déclaration du mois de décembre avait été aussitôt contestée par des experts et aujourd’hui, nous apprend le journaliste André Noël, par le Journal of American Medical Association. Il est prouvé que les N95 sont plus performants contre la transmission par aérosols. Arruda a toujours nié la transmission aérienne, ne considérant que la transmission par gouttelettes.
Pourquoi le Québec est-il si outrageusement en retard, au plan mondial, dans la course pour la 3e dose, comme le révélait le Journal de Montréal du 13 janvier, avec un taux de 25,6 %. Le Québec est avant-dernier au Canada dont la moyenne est de 27,9 % et loin derrière le Chili (60,5 %), le Royaume-Uni (52,5 %), l’Allemagne (43,9 %), la France (39,3 %) pour ne citer que quelques-uns des 12 pays nommés par le Journal. Seuls les États-Unis (25,6 %) et le Japon (0,8 %) ont un pire score.
Pourquoi… ? Pourquoi…? On pourrait multiplier les questions sur tous les autres aspects du traitement de la pandémie par Arruda (le couvre-feu, les porteurs asymptomatiques, les tests rapides, les purificateurs d’air etc., etc. Des pratiques que seule une commission d’enquête publique pourrait tirer au clair.
Mais la première question devrait être celle-ci : Pourquoi le responsable de la santé publique n’est-il revenu de ses vacances au Maroc que le 8 mars 2020, alors que déjà le virus frappait fort et qu’un gouvernement comme celui de la Colombie-Britannique prenait des mesures exceptionnelles pour protéger les résidents des CHSLD dès le 7 mars? Les parents et proches des milliers de personnes décédées dans l’hécatombe des CHSLD et l’ensemble de la population du Québec – qui lui verse une rémunération de 305 000 $ par année avec une allocation-logement annuelle de 17 000 $ – ont le droit de savoir.
Des suggestions d’un gérant d’estrade
La seule bonne chose qui émane du débat sur la taxe antivax est qu’elle a permis de commencer à ventiler la population de non-vaccinés : les sans-abri, les pauvres, les personnes âgées démunies, les immigrés qui ne maitrisent pas l’anglais ou le français, les « Objecteurs de conscience », les complotistes, etc.
Pour rejoindre les non-vaccinés susceptibles d’être convaincus de se faire vacciner, le Globe & Mail suggérait, dans son édition du 13 janvier, de s’inspirer des pratiques en vigueur lors du dernier recensement. Le gouvernement fédéral a envoyé un formulaire du recensement dans tous les foyers. Par la suite, il a rejoint ceux qui n’y avaient pas répondu avec l’envoi d’une lettre, suivi d’un coup de téléphone et même d’une visite à domicile. À la fin, le taux de réponse a été de 98 %.
Bien entendu, la situation n’est pas identique. Il serait sans doute difficile de rejoindre l’ensemble des 10 % de non-vaccinés, mais il serait possible de cibler certains groupes. Le Devoir nous apprend que 60 000 élèves du primaire à Montréal sont non-vaccinés. Les taux de vaccination les plus bas sont dans les écoles des quartiers Saint-Léonard, Montréal-Nord et Saint-Michel. Des quartiers où se trouvent les populations identifiées précédemment (pauvres, immigrés).
Quant aux « Objecteurs de conscience » et aux complotistes, l’élargissement des interdictions d’accès à certains lieux sans passeport vaccinal est une bonne voie à suivre.
Espérons aussi que les partis d’opposition ne se laisseront pas entrainer dans « le passionnant débat démocratique » souhaité par Martin Koskinen sur la taxe antivax, au détriment des autres volets de la gestion de la pandémie.
On peut même parier que le gouvernement Legault, devant les difficultés d’appliquer, la taxe antivax va l’abandonner. Comme il a abandonné l’obligation de vaccination pour les employés des établissements de santé. Mais le temps consacré au débat lui aura permis de freiner sa descente de popularité dans les sondages.
Publicité : Livres d'André Binette et de Jean-Claude Germain https://lautjournal.info/
Du même auteur
2024/12/06 | La bombe cyclonique Trump |
2024/11/22 | Libre-échange : Le Canada panique |
2024/11/13 | Quand La Presse+ trouve du « positif » dans la victoire de Trump |
2024/11/08 | Trump : D’où viendra l’opposition? |
2024/11/06 | Pour comprendre la victoire de Donald Trump |
Pages
Dans la même catégorie
2024/12/04 | Bloquons le PL 69! |
2024/11/20 | Bien gérée, la migration peut être une force positive |
2024/11/13 | Quand La Presse+ trouve du « positif » dans la victoire de Trump |
2024/11/06 | The Economist pourfend le gouvernement Trudeau |
2024/11/06 | Les syndicats et l’action politique |