À qui profitera le budget du Québec?

2023/05/03 | Par Collectif

Des citoyennes et citoyens de la ville de Québec pour une fiscalité juste

Laurier Caron, Michel Bussières, Thérèse Gagnon, Marie-Josée Boutet, Estelle Caron, Nathalie Émond, Jocelyn Bluteau et Marlène Bureau
 

Dans les semaines qui ont précédé la sortie du budget du gouvernement caquiste, de très nombreuses voix se sont élevées pour lui demander de répondre aux besoins de la société québécoise et ne pas baisser les impôts comme annoncé. Le gouvernement a fait la sourde oreille et a déposé un budget introduisant une baisse d’impôt de 9,2 milliards sur six ans soit 1,7 milliard$ par année en moyenne. Puis le budget a été éclipsé au profit du plan santé, des investissements dans la Davie ou de ces fameuses études sur le troisième lien. Et pourtant…

En baissant d’un point de pourcentage le premier palier d’imposition (de 15 à 14%) et d’un autre point de pourcentage le deuxième palier (de 20 à 19%), le ministre Girard a produit une grave distorsion qui profitera surtout aux personnes bien nanties. Ainsi, une personne vivant seule ayant un revenu de 20 000$ aura une baisse d’impôt de 8$, de 40 000$ une baisse de 210$, de    60 000$ une baisse de 428$, de 80 000$ une baisse de 614$, de 100 000$ une baisse de 814$ et ainsi de suite. Les couples auront droit à des baisses d’impôt suivant la même courbe, par exemple une baisse de 1627$ pour un couple ayant un revenu de 200 000$!

Donc, plus on est riche, plus on aura droit à une baisse d’impôt importante. Ce n’est certainement pas de cette façon qu’on réduira les inégalités de revenus entre les riches et les pauvres qui n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Après avoir baissé les impôts comme il l’a fait, aura-t-on le courage politique de les rétablir au niveau antérieur dans le futur? Nous pouvons en douter. De plus, il finance ces baisses d’impôt en puisant dans le fonds des générations, un fonds qui a été mis en place pour réduire le fardeau de la dette des générations futures. Quel avenir voulons-nous donc laisser à ces générations?

Ce faisant, le gouvernement se prive de ressources importantes pour répondre aux besoins de la population et affaiblit son pouvoir de négociation avec le gouvernement fédéral qui a récemment conclu une entente sur les transferts en santé bien en deçà des attentes. Il se garde de réinvestir dans les services de santé, les services sociaux, les services d’éducation et les services à la petite enfance en leur accordant de modestes augmentations qui ne couvrent même pas l’inflation.

Qui profitera de ce budget? Certainement pas les centaines de milliers de personnes qui peinent à arriver, certainement pas les jeunes aux études ou qui ont des emplois faiblement rémunérés, certainement pas tous ces parents en attente d’une place en milieu de garde pour leurs enfants, certainement pas les personnes aînées qui souhaiteraient obtenir des soins à domicile ou une place en CHSLD, sûrement pas les personnes qui ont besoin d’aide en santé mentale, sûrement pas les personnes à la recherche d’un logement abordable, sûrement pas les femmes victimes de violence, sûrement pas les personnes immigrantes désireuses de bien s’intégrer dans la société québécoise, sûrement pas les personnes en attente d’un réel investissement dans le transport collectif, sûrement pas les travailleuses et travailleurs des services publics, en fait on peut sincèrement se demander à qui profitera ce budget tout orienté vers la consommation! 

Au Québec, nous avons fait le choix d’un système fiscal qui sans être parfait est beaucoup plus progressif que dans bien des provinces et des États. C’est une expression de notre solidarité. Cela a favorisé le développement de services publics de qualité qui ont malheureusement été mis à mal ces dernières décennies. Alors qu’il était impératif de mieux soutenir ces services pour répondre adéquatement aux besoins de la population, le gouvernement a opté pour des changements à la pièce sans vision d’ensemble et des baisses d’impôt qui n’auront d’autres effets que de faire consommer davantage les personnes qui en profiteront. Face à l’immense enjeu de la survie de la planète et de l’humanité d’autres choix étaient certainement possibles.

Ce gouvernement fait le choix de l’individualisme et du chacun pour soi au détriment de la collectivité et du sens collectif. Il va remettre dans la poche des individus les mieux nantis des sommes d’argent pour se payer plus de biens de consommation et des services de santé, d’éducation ou de garde privés alors qu’il pourrait garantir à l’ensemble de la population un accès universel et gratuit à ces services essentiels. Il renonce aux idéaux de justice sociale, d’égalité, d’équité, de redistribution de la richesse et de bien commun de la révolution tranquille.  Plutôt que de chercher à imiter l’Ontario qui n’est pas un modèle fiscal en donnant suite à une promesse électorale insensée, il aurait mieux fait de respecter la promesse brisée de la révision du mode de scrutin plus démocratique qui nous fait tant défaut présentement.