La réforme Drainville, en a-t-on vraiment besoin?

2023/09/22 | Par Collectif

La récente rentrée scolaire est venue illustrer, une fois de plus, l’ampleur des défis de notre réseau de l’éducation. Les problèmes d’attraction et de rétention du personnel, que ce soit du personnel enseignant, professionnel ou de soutien, sont majeurs et ne sont pas sans conséquence pour les élèves. Cela devrait être une priorité absolue du ministre de l’Éducation, Bernard Drainville.

Au lieu de cela, nos élus s’apprêtent à entamer l’étude détaillée du projet de loi no 23 visant, entre autres, à augmenter à outrance les pouvoirs du ministre, à renforcer la gestion axée sur les résultats et à créer une nouvelle structure, un Institut national d’excellence en éducation, dont le modèle est loin de faire consensus, c’est le moins qu’on puisse dire. La récente sortie de 240 professeurs d’université, soit près de 50 % du corps professoral des facultés d’éducation, s’opposant d’une seule voix au projet de loi no 23 en est une illustration patente. D’aucuns y verront une déconnexion complète du gouvernement et du ministre de l’Éducation des réels enjeux et besoins sur le terrain.

Rappelons que le dépôt du projet de loi no 23, qui s’est fait sans aucune consultation préalable, a pris par surprise les acteurs du milieu. En agissant de la sorte, le ministre Drainville a raté une belle occasion de créer des liens, pourtant essentiels, avec son réseau. De fait, rassembler les divers partenaires concernés par la réussite des élèves pour enrichir la réflexion est l’une des bases du système d’éducation québécois. Or, nous apprenions la semaine dernière que le ministre a choisi de faire tout le contraire. Ainsi, M. Drainville a plutôt décidé de laisser aux mains de quelques experts réunis au sein d’un comité confidentiel le soin d’orienter les bases de sa réforme.

Malgré tout, tout n’est pas à jeter à la poubelle, et certains volets du projet de loi s’articulent autour de bons constats. Dès lors, nous comprenons qu’il est souhaitable de permettre une meilleure collecte de données et de renseignements sur l’état de notre réseau de l’éducation. Plusieurs chercheurs et acteurs du terrain dénoncent depuis des années la difficulté d’obtenir des informations en pointant les trous noirs statistiques de notre système. Par exemple, nous n’avons que très peu d’indications sur les parcours du personnel de l’éducation. Encore faut-il que ces données soient utilisées à juste escient et non pas dans le but de piloter le réseau de l’éducation sur la seule base de données statistiques sans égard à l’expertise du personnel scolaire. Or, nous croyons que des changements peuvent s’opérer en concertation avec les acteurs concernés et sans nécessiter l’adoption d’un projet de loi ou d’une grande réforme qui grugerait par ailleurs temps et énergie dans un réseau déjà à bout de souffle.

Bref, nous croyons que l’occasion est belle pour le ministre de l’Éducation de faire un pas de côté et de mettre sur la glace sa réforme périphérique. En lieu et place, nous l’invitons à se concentrer à améliorer concrètement les choses en s’attaquant aux réels défis auxquels fait face le réseau, qu’on pense au soutien aux élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (HDAA), à la composition de la classe ou aux inégalités scolaires. Nul doute que la CSQ et ses fédérations du réseau scolaire seraient parties prenantes d’un tel exercice de recherche de solutions concrètes.

En agissant ainsi, le gouvernement pourrait envoyer le message au personnel de l’éducation qu’il cherche à améliorer son quotidien. Après plusieurs sorties malheureuses envers le personnel du réseau de l’éducation, le ministre enverrait enfin, à l’aube d’une nouvelle année scolaire, un message positif à son endroit.
 

Signataires :
Éric Gingras, président de la Centrale des syndicats du Québec (CSQ)
Josée Scalabrini, présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ)
Éric Pronovost, président de la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ)
Jacques Landry, président de la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ)
Stéphane Lapointe, président de la Fédération du personnel de l’enseignement privé (FPEP-CSQ)