L’Amérique pleure des Cowboys Fringants (nous revenons ici sur un article écrit il y a deux ans et demi par Pierre Jasmin dans l’Aut’Journal) défend avec opiniâtreté le monde ouvrier des humbles de la terre, dans des décors de pauvreté assumée, avec comme splendides rédemptions l’art engagé (avec la générosité de la Fondation Cowboys fringants), la promesse d’une éducation écologique salvatrice (Jérôme Dupras, professeur chercheur à l’Université du Québec en Outaouais) et la résilience humaine de Karl Tremblay terrassé par un cancer deux jours après une réunion du C.A. des Artistes pour la Paix qui avait choisi le groupe comme Artistes pour la Paix de l’Année. Quel choc que sa mort.
Peut-on parler de poésie dans un film qui, comme l’Oscarisé de l’année 2021 Nomadland de Chloé Zhao, nous entraîne dans des décors d’une Amérique dans sa laideur extrême de mines abandonnées, de rocailles désertiques, d’autoroutes disjonctées, de stationnements de Walmarts et d’entrepôts Amazon mais dont les images parlent de dépouillement misérable qu’on transpose au mieux en simplicité (in)volontaire ramenant tous les rapports humains à un dénominateur commun proche de la philosophie du renoncement du poète depuis disparu Christian Bobin, que nous avait fait découvrir Richard Séguin?
Le thème du voyage habite naturellement les saltimbanques Cowboys Fringants qui nous avaient entraîné dans leur dernière tournée en plusieurs environnements urbains en décrépitude. La pénétrante poésie urbaine et politique de Jean-François Pauzé chantée par la voix si touchante de Karl Tremblay avec sa remarquable diction nous offre leur si beau chant Les étoiles filantes, animé par la gracieuse Marie-Annick Lépine, qui joue d’une demi-douzaine d’instruments avec un entrain animé de sourires, les trop rares du film : quel modèle de féminisme salvateur, avec ses deux enfants!
Écrites le 14 décembre 2015, les paroles de leur immortelle et visionnaire chanson :
LE DERNIER HUMAIN DE LA TERRE
Il ne reste que quelques minutes à ma vieTout au plus quelques heures, je sens que je faiblisMon frère est mort hier au milieu du désertJe suis maintenant le dernier humain de la terre. (…)
Tout ça a commencé il y a plusieurs annéesAlors que mes ancêtres étaient obnubilésPar des bouts de papier que l'on appelait argentQui rendait certains hommes vraiment riches et puissants (…)Et ces nouveaux dieux ne reculant devant rienÉtaient prêts à tout pour arriver à leurs finsPour s'enrichir encore ils ont rasé la terrePollué l'air ambiant et tari les rivières (…)C'est des années plus tard qu'ils ont vu le non–sensDans la panique ont déclaré l'état d'urgenceQuand tous les océans ont englouti les îlesEt que les inondations ont frappé les grandes villesEt par la suite pendant toute une décennieCe furent les ouragans et puis les incendiesLes tremblements de terre et la grande sécheressePartout sur les visages on lisait la détresseLes gens ont dû se battre contre les pandémiesDécimés par millions par d'atroces maladiesPuis les autres sont morts par la soif ou la faimComme tombent les mouches...Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien...Plus rien...Plus rien...Mon frère est mort hier au milieu du désertJe suis maintenant le dernier humain de la terreAu fond l'intelligence qu'on nous avait donnéeN'aura été qu'un beau cadeau empoisonnéCar il ne reste que quelques minutes à la vieTout au plus quelques heures, je sens que je faiblisJe ne peux plus marcher, j'ai peine à respirerAdieu l'humanité... Adieu l'humanité...