Déclaration populaire canadienne sur la Justice Climatique et la Paix

2023/12/01 | Par Tamara Lorincz

L’auteure est représentante canadienne à Dubai-COP28 le 28 novembre 2023

L’humanité vit une urgence climatique exacerbée par un conflit globalisé. L’été a vu des feux de forêts faire rage à travers le Canada, entraînant destructions et déplacements de masse de communautés face à d’intenses incendies sans précédents, à des vagues de chaleur, inondations ou sécheresses, sans avoir été préparées pour affronter ces désastres climatiques. Le gouvernement canadien a failli à réduire les émissions de carbone et à adapter le pays aux changements climatiques. Le Commissaire fédéral pour l’Environnement et le Développement viable vient de rapporter par la voix du Bureau de l’Auditeur Général que le Canada ne sera pas en mesure de rencontrer sa cible de 2030 prévoyant une coupure de ses émissions carboniques d’au moins 40% par rapport à 2005.

Le refus du gouvernement canadien d'appeler des cessez-le-feu pour les guerres qui font rage à Gaza et en Ukraine et de continuer à y envoyer des armes prolonge honteusement ces conflits, exacerbe les souffrances des populations et accélère le réchauffement climatique. Avec l’augmentation de ses dépenses et pollutions militaires, le Canada s’éloigne de ses engagements pris lors de l’Accord de Paris, avec depuis décembre 2015 une augmentation de 95% en dépenses militaires grimpées à $39 milliards, selon le rapport de l’OTAN sur les dépenses militaires mondiales, classant le Canada malgré sa faible population et ses frontières sûres au 14e rang le plus élevé dans le monde et au 16e rang des transferts d’armes.

Le ministère de la Défense nationale du Canada est responsable de plus de 60 % de toutes les émissions polluantes du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a récemment annoncé son intention d’acheter de nouveaux avions de combat F-35 propulsés par des combustibles fossiles, ainsi que des ravitailleurs (sortes de pipelines ailés), pour des coûts exorbitants. L’armée canadienne dépense sans compter pour une nouvelle flotte de vaisseaux de guerre, propulsés au diésel, mettant davantage en péril nos océans. Ces systèmes d’armements enferment notre pays dans un militarisme à forte intensité de carbone pour des décennies à venir, sans aucun plan crédible de compensation écologique.

L’entraînement et les opérations de l’armée canadienne avec les États-Unis et l’OTAN intensifient le réchauffement climatique et accroissent les risques de guerres. Le Canada déploie régulièrement des navires de guerre aux côtés des forces marines américaines et de l’OTAN en mer de Chine méridionale. Le Canada dirige un groupement tactique de l'OTAN en Lettonie et entraîne des forces en Irak. Le Canada militarise également l’Arctique, un écosystème fragile, avec installations et exercices de l’armée de l’air et de la marine aux côtés des États-Unis dans le cadre du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD).

Dans son 6e rapport d’évaluation, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC - ONU) a déclaré que « la coopération internationale est un catalyseur essentiel de mesures ambitieuses d’atténuation, d’adaptation et de résilience climatiques ». Le Canada doit mettre fin aux guerres et aux exportations d’armes et coopérer avec tous les pays pour éviter un changement climatique catastrophique et atteindre les objectifs de développement durable des Nations Unies. Le Canada doit se retirer de l’OTAN et du NORAD, alliances militaires qui entravent la coopération et la paix mondiales.

La paix est à l’ordre du jour du programme thématique du sommet climatique pour la première fois en 8 ans à Dubaï. La justice climatique signifierait la fin des guerres fratricides et écocides, ainsi que la terminaison des armes, spécialement celles propulsées par des combustibles fossiles, en vue de la conversion de l’économie guerrière en économie verte.

Le désir de paix universelle cherche à faire adopter le Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (NWPT), comme plus de 120 pays l’ont fait, à l’appel du Costa Rica.

La paix concerne à la base les défenseurs autochtones des terres et des eaux, cherchant à mettre fin au colonialisme de peuplement et au capitalisme extractiviste. Un climat de paix est atteignable par le désarmement, la démilitarisation, la consolidation de la paix environnementale, la coopération, l’entraide et la solidarité mondiales. La paix par la justice climatique est le changement transformateur nécessaire pour garantir un avenir viable.

Pour prévenir un changement climatique catastrophique, l’effondrement de la biodiversité, les famines massives et les guerres, nous adressons les demandes pressantes suivantes au gouvernement Trudeau :

  • Appeler des cessez-le-feu pour tous les conflits et appuyer des plans de paix à Gaza, en Ukraine, au Yémen, au Soudan et en République Démocratique du Congo
  • Annuler la commande de $74 milliards de F-35 propulsés par des carburants fossiles
  • Annuler la commande de drones opérés à distance par les militaires exerçant une surveillance domestique et des opérations en sols étrangers
  • Annuler la commande à $306 milliards de vaisseaux de guerre
  • Annuler la commande de $3 milliards pour des ravitailleurs
  • Mettre fin à l’exportation des armes et à toute technologie militaire
  • Mettre fin au programme de modernisation de la militarisation de l’Arctique à $38 milliards
  • Réduire et réallouer les dépenses militaires en actions et financement climatiques
  • N’investir ni dans l’énergie nucléaire ni dans les réacteurs nucléaires modulaires et adhérer au Traité sur l’Interdiction des Armes Nucléaires (NWPT)
  • Assurer une vigilance contre toutes les émissions militaires de gaz à effets de serres
  • Développer un plan national de conversion prévoyant une transition juste mais accélérée transformant les secteurs de défense (aérospatiale et autres) en vue d’une transformation radicale de notre économie de guerre en une économie verte
  • Convertir des soldats de la défense nationale en combattants contre les feux de forêts, équipés de « Canadairs » et d’expertise verte
  •  Développer des systèmes non-militaires pour prévenir ou guérir les désastres naturels et civils (ruptures de pipelines, échouages de navires pétroliers, etc.)
  • Se retirer du NORAD et de l’OTAN, alliances coûteuses en pollution de carbone dirigées par l’armée américaine, la plus grande consommatrice d’énergie fossile et coupable d’avoir mené de terribles guerres pour s’accaparer des ressources naturelles
  • Investir dans la paix environnementale, dans la diplomatie et la coopération globale avec tous les pays pour protéger la planète, en respectant l’entente de Paris et en rencontrant les objectifs de développement viable de l’ONU.

Traduction P. Jasmin – Artistes pour la Paix