Un rapport dévastateur du commissaire à l’environnement

2023/12/06 | Par Monique Pauzé

L’autrice est députée du Bloc Québécois
 

Jerry V. DeMarco, le commissaire à l'environnement et au développement durable, dépose régulièrement des rapports très édifiants sur les avancées – ou plutôt les ratées – du gouvernement Trudeau pour atteindre les cibles qu’il s’est fixées en entérinant l’Accord de Paris.

En novembre, le commissaire a déposé cinq nouveaux rapports et je vais m’attarder aujourd’hui sur celui qui concerne précisément les changements climatiques et qui est donc directement lié aux engagements internationaux du Canada.

Malgré tous ses plans de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et, peu importe ce qu’en dit l’ex-écologiste devenu ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, le Canada n’a aucune chance ou presque d’atteindre ses cibles.

Je vous donne tout de suite les conclusions du rapport: Le Canada va encore échouer à atteindre ses objectifs. Ce n’est ni moi ni le Bloc qui le disons, mais un expert indépendant.  Je ne suis aucunement surprise. Le gouvernement Trudeau a pris du retard pour réduire ses GES et il mise sur des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves.
 

Le Canada, le cancre du G7

Le jovialisme est omniprésent chez les libéraux. Pourtant, le commissaire écrit : « Le Canada est le seul pays du G7 qui n’a réalisé aucune réduction des émissions depuis 1990. » Pour moi, c’est pire encore : Le Canada est un cancre.

Le commissaire expose l’hypocrisie des libéraux au grand jour :

« Les émissions au Canada sont plus élevées aujourd’hui que lorsque le pays et le monde se sont engagés pour la première fois à lutter contre les changements climatiques, il y a de cela plus de 30 ans. Des objectifs et des plans ont été établis et abandonnés, et le Canada tarde encore à obtenir des résultats. Entretemps, la nécessité de renverser la tendance des émissions de gaz à effet de serre au Canada est devenue de plus en plus pressante. Ce n’est pas la première fois que je lance ce cri d’alarme, et je continuerai à le faire tant que le Canada n’aura pas renversé cette tendance. »

Je ne peux que féliciter M. DeMarco qui se tient debout devant tous les élus qui mettent en doute la crise climatique. Son rapport est clair :

« Le gouvernement fédéral peut encore réduire ses émissions et atteindre son objectif pour 2030 en faisant preuve de leadership et en prenant des mesures ciblées et dynamiques. La mise en œuvre de nos recommandations serait un pas dans la bonne direction. Des solutions existent, le problème n’est pas que les solutions manquent, mais plutôt qu’elles sont mises en œuvre bien trop lentement. Il faut que cela change maintenant. »

Le commissaire termine en disant :

« En conclusion, je souhaite réitérer qu’il sera bientôt trop tard pour éviter les effets catastrophiques des changements climatiques. Les feux de forêt intenses, la fumée dans le ciel, les vagues de chaleur, les orages violents et les inondations sont de plus en plus graves et fréquents, et ce sont les Canadiennes et Canadiens partout au pays qui en subissent les conséquences. »
 

Coupable, le secteur des énergies fossiles

Le secteur coupable est bien évidemment celui des énergies fossiles.  Le gouvernement fait valoir qu’il s’en occupe, alors que les subventions continuent de pleuvoir sur ce secteur.

De nombreux pays n’atteindront pas leurs objectifs, me direz-vous. C’est vrai, malheureusement. Les compagnies pétrolières pensent augmenter leur production et les gouvernements sont à la botte des lobbies pétroliers. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande pour le pétrole a augmenté en 2023 et une hausse est prévue encore pour 2024.

Le président de la COP 28, le Sultan Al Jaber, lui-même PDG d’une grande entreprise pétrolière, l’affirme : « Il faut répondre à la demande. » Voilà, c’est dit : La faute est aux consommateurs… encore une fois. Pendant qu’on blâme les individus, les producteurs s’en mettent plein les poches et dépensent des sommes faramineuses en publicité pour nous faire croire qu’ils sont plus verts que vert.

Si on regarde de façon un peu détaillée les rapports du commissaire, on y découvre qu’Environnement et Changement climatique Canada, en consultation avec des ministères clés, a conçu un plan de réduction des émissions pour 2030 crédible et inclusif. Les ministères responsables devaient mettre en œuvre certaines mesures en vue d’attendre les cibles de réduction des émissions de GES qui sont de 40% à 45% sous les niveaux de 2005 d’ici 2030. Mais le plan ne suffit pas. Même si tout était mis en œuvre, l’effet espéré ne permettrait pas d’atteindre la cible.

Le gouvernement sait qu’il n’atteindra pas ses propres cibles. Les modèles de projections d’émissions ne sont pas fiables. Les hypothèses du ministère sont trop optimistes. La mise en œuvre des mesures d’atténuation comporte des failles considérables.

De plus, l’entrée en vigueur de mesures clés nécessaires a été retardée, même si celles-ci ont fait l’objet de promesses libérales dès 2021. (Règlement sur l’électricité propre, plafonnement des émissions du secteur pétro gazier, règlement renforcé sur le méthane, etc.).

Plusieurs ministères sont visés dans le plan. Après tout, l’environnement c’est transversal, et la lutte aux changements climatiques devrait interpeller beaucoup plus que le seul ministère de l’Environnement.  Mais aucune loi, aucun règlement ne tient les ministres responsables de l’atteinte des objectifs de réduction des émissions.

Le ministre de l’Environnement peut seulement conseiller les autres ministres. Il ne peut les obliger à en faire plus pour atteindre l’objectif.
 

Des calculs erronés

Le Rapport du commissaire à l’environnement nous apprend que les calculs du gouvernement ne sont pas bons. Permettez-moi de le citer encore une fois :

« La modélisation est un outil important pour évaluer l’efficacité potentielle des mesures d’atténuation contenues dans un plan et pour aider à déterminer si des ajustements sont nécessaires. »

Je paraphrase la suite : La modélisation doit être de grande qualité et fiable parce que le Canada ne réalise aucune réduction soutenue depuis 2005.

Si les calculs ne sont pas bons, il ne faut pas se surprendre qu’on n’atteigne pas nos objectifs! Ça fait 10 plans de suite qui échouent… Pourquoi les calculs ne sont pas bons ? Parce que les hypothèses du gouvernement sont trop optimistes. Parce que – et je cite : « Les modèles supposaient qu’il n’y aurait pas de retard dans la conception et la mise en œuvre des mesures d’atténuation. » Et retard, il y a eu. En d’autres mots, le gouvernement pense que tout va bien aller, parce que c’est lui qui est au pouvoir! La magie libérale à l’œuvre!
 

La capture et le stockage du carbone

Le gouvernement mise sur des technologies qui n’ont pas fait leurs preuves, comme la capture et le stockage du carbone. Or, plusieurs experts ont écrit au gouvernement pour dire que cette technologie n’est pas au point. Ils sont venus au Parlement le dire devant des comités. Ils l’ont aussi écrit dans des journaux. Le Bloc Québécois le répète depuis deux ans.

Le gouvernement a quand même décidé de donner des milliards de dollars aux pétrolières pour qu’elles développent ces technologies, à la place d’investir dans les énergies renouvelables. Une somme de 83 milliards $ versée aux pétrolières, d’ici 2035, pour être exact. Sauf que, l’objectif climatique, c’est 2030!

La COP 28 s’ouvre à Dubaï dans quelques jours. Le Sultan al-Jaber, PDG de la compagnie pétrolière nationale des Émirats arabes unis, en assume la présidence. Misère! Est-ce qu’il y a quelqu’un sur cette planète qui prend la crise climatique au sérieux? Qui aura assez de courage pour dire NON à l’exploitation pétrolière qui fait augmenter la fièvre planétaire?