Extrait d’un article de Meriem Laribi publié dans l’édition du mois de décembre du Monde diplomatique.
«Les camps de concentration sont interdits par le droit international et ceux qui les développent deviennent des criminels contre l’humanité. » Les propos du premier président de gauche de Colombie, M. Gustavo Petro, ne passent pas inaperçus sur la plateforme X (anciennement Twitter), le 9 octobre 2023. Deux jours plus tôt, il pointe la différence de traitement par les puissances occidentales de « l’occupation russe en Ukraine » et de « l’occupation israélienne de la Palestine ». La phrase introductive du premier communiqué de la diplomatie colombienne publié le 8 octobre au matin appelle au « dialogue entre Israël et la Palestine ». La Colombie condamne les exactions du Hamas contre des civils israéliens mais ne les qualifie pas de « terroriste ». Elle dénonce simultanément les attaques contre les civils palestiniens.
Quand le ministre de la défense israélien Yoav Galant annonce le siège de Gaza en expliquant, le 9 octobre, lutter « contre des animaux humains et [agir] en conséquence », M. Petro rétorque : « C’est ce que disaient les nazis à propos des Juifs. Les peuples démocratiques ne peuvent permettre au nazisme de se rétablir sur la scène politique internationale. Les Israéliens et les Palestiniens sont des êtres humains soumis au droit international. Ce discours de haine, s’il continue, ne fera qu’entraîner un holocauste. »
L’ambassadeur israélien à Bogotá, M. Gali Dagan, propose alors à M. Petro d’aller visiter le camp de concentration d’Auschwitz avec lui. « J’y suis déjà allé (…) et maintenant j’en observe le calque à Gaza », répond le président latino-américain, toujours sur Twitter. « S’il faut suspendre nos relations avec Israël, alors nous les suspendons. Le président colombien ne se fait pas insulter », prévient-il en réponse à une convocation comminatoire de l’ambassadrice de Colombie par la chancellerie israélienne qui qualifie le chef d’État colombien d’«hostile» et d’«antisémite» (X, 15 octobre).
Le 10 novembre, devant l’intensité et l’ampleur du massacre, et après le bombardement de plusieurs hôpitaux gazaouis, M. Petro annonce que les équipes juridiques de son gouvernement préparent des poursuites contre Israël devant tous les tribunaux internationaux. Le 13, il annonce sur X que la Colombie présentera des propositions aux Nations unies pour que la Palestine, qui ne jouit que d’un statut d’observateur non-membre dans cette enceinte, «soit acceptée comme État de plein droit».
Une telle attitude frappe d’autant plus qu’ailleurs dans le monde, les proclamations de soutien inconditionnel à Tel Aviv côtoient de bien timides appels à la modération. Enfin, sauf en Amérique latine, une région qui, une fois de plus, se distingue.
Lorsqu’Israël bombarde le camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de Gaza, le 31 octobre, la Colombie n’est pas le seul pays de la région à rappeler son ambassadeur à Tel-Aviv : Belize et le Chili en font autant, cependant que la Bolivie va jusqu’à rompre ses relations diplomatiques avec Israël : le président Evo Morales (2006-2019) les avait déjà rompues en 2009, mais après le coup d’État dont il avait été la cible en 2019, elles avaient été rétablies par la dictatrice Jeanine Áñez. Deux jours plus tard, c’est au tour du Honduras de rappeler son ambassadeur. On aurait pu s’attendre à trouver Cuba et le Venezuela sur cette liste mais ils n’entretiennent plus de relations diplomatiques avec Tel-Aviv depuis longtemps. Les deux pays socialistes multiplient les condamnations d’Israël dans les termes les plus forts. « Il faut virer des pays arabes de la Ligue arabe et les remplacer par le Chili, la Bolivie, la Colombie… », conclut M. Taoufiq Tahani, président d’honneur de l’Association France Palestine solidarité (AFPS), le 1er novembre 2023 sur X.
Plus modérée du fait de son importante communauté juive — elle compte neuf ressortissants parmi les victimes de l’attaque du 7 octobre et 21 parmi les otages du Hamas —, l’Argentine condamne les bombardements israéliens, de même que le Pérou et le Mexique. Le Brésil, la Colombie, la Bolivie, le Chili et l’Argentine annoncent la livraison d’aide humanitaire à Gaza. Même le Venezuela, encore dans une situation économique désastreuse, envoie une cargaison de 30 tonnes aux Palestiniens.
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