Dans l’édition du 27 janvier 2024 de La Presse+, l’éditorialiste Stéphanie Grammond plaide pour la tenue d’états généraux sur l’énergie. Fort bien. Dans le même éditorial, elle se prononce pour une plus grande ouverture au privé. On connait donc les positions que défendraient La Presse à ces États généraux.
Ses arguments en faveur de la privatisation sont particulièrement spécieux.
« Pratiquement tous les biens essentiels – logement, vêtements, nourriture, etc. – sont vendus par le privé. Pourquoi pas l’électricité ? », écrit-elle. Mais, oups! elle réalise que « le vent et le soleil restent des ressources publiques ». C’est aussi le cas, argumente-t-elle, de l’eau et des minéraux, qui sont déjà « confiés à des fournisseurs privés et à auxquels on impose des redevances ».
Alors, allons-y, privatisons tous azimuts!
Après tout, les États-Unis et l’Europe ont libéralisé le marché de l’électricité, avance-t-elle. Quels magnifiques exemples ! En Europe, les prix de l’électricité – de même que l’eau privatisée – ont atteint des sommets. Quelqu’un peut-il lui rappeler le méga-scandale de Enron aux États-Unis?
Le prix de l’hydroélectricité au Québec est le plus bas en Amérique du Nord et au monde. Au Québec, les tarifs sont près de deux fois moins élevés qu’à Toronto et près de cinq fois moins élevés qu’à New York. La facture mensuelle pour les clients résidentiels pour une consommation de 1 000 kWh/mois (en $ CA) est à Montréal (78$), à Vancouver (116 $), Toronto (139 $), Miami (164 $), New York (374$) et Boston (556 $).
Et même avec de tels bas tarifs qui bénéficient à l’ensemble de la population, la société d’État envoie des milliards chaque année dans les coffres de l’État. Faudrait donc tuer cette vache à lait? Et détourner les profits vers les poches d’entrepreneurs privés?
Son dernier argument est qu’« Hydro-Québec est débordée ». Le monopole d’État ne serait plus en mesure de « répondre à la demande de tous les clients industriels ».
Deux choses à ce sujet. Premièrement, pourquoi Hydro-Québec devrait-elle être en mesure de répondre à « la demande de tous les clients industriels » qui se pointent?
Deuxièmement, en vertu de quels critères juge-t-elle qu’Hydro-Québec est «trop gros» et qu’on devrait autoriser des «fournisseurs privés d’électricité durable de le faire à sa place»?
Hydro-Québec n’est même pas dans le top 10 des principales entreprises productrices d'électricité dans le monde, en termes de puissance installée (GW).
Qu’est-ce qui l’empêcherait de créer une division spécialisée dans les petits barrages (En France, EDF exploite 425 centrales, dont de très petites), une autre dans l’éolien, une autre dans le solaire?
Qu’est-ce qui fait vraiment obstacle? Les prédateurs privés, amis des Fitzgibbon passés, présents et à venir.
Dans lesquels, il ne faut pas oublier d’inclure les patrons de Mme Grammond!
Des liens incestueux
En effet, La Presse+ appuie le projet de 4 milliards $ de TES Canada en Mauricie de production d’hydrogène à partir de l’électrolyse de l’eau. Rappelons-en les principales caractéristiques.
Selon ses promoteurs, les deux tiers du courant nécessaire viendront de ses propres éoliennes et panneaux solaires. Hydro-Québec fournira l’autre tiers, soit 150 mégawatts. TES Canada envisage de construire 140 éoliennes capables de produire 800 mégawatts (MW), combiné à un parc solaire de 200 MW. Le parc éolien sera implanté dans plusieurs municipalités de la Mauricie et les éoliennes seront reliées à l’usine par un réseau de câblage souterrain privé.
TES Canada est une filiale de la firme belge Tree Energy Solutions et de FCD Inv. Inc. présidée par France Chrétien Desmarais, fille de l’ex-premier ministre Jean Chrétien et femme d’André Desmarais, président délégué du conseil de Power Corporation du Canada. Mme Chrétien Desmarais et l’entreprise européenne agiront à titre de bailleurs de fonds du projet.
Quels liens avec La Presse, mis à part l’association historique entre le journal et Power Corporation? Pierre-Elliott Levasseur, le président de La Presse, est le fils d’Alain Levasseur qui a épousé la sœur d’Aline Chrétien. Il est donc le cousin de France Chrétien. Il a été à l’emploi de Power Corporation de 1995 à 2006 et a été trésorier de la Corporation Financière Power, de 2001 à 2006.
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