Toutes trois sont membres de Pour les droits des femmes du Québec (PDF Québec)
C’est inédit! Le gouvernement québécois finance une campagne annonçant l’encadrement des grossesses pour autrui (GPA) et cela, dans toutes les régions du Québec, à coup de demi-pages publicitaires. Dans quel but? Aider au recrutement de mères porteuses et de clients pour l’industrie de la procréation pour autrui, en leur faisant savoir que la grossesse pour autrui est maintenant «encadrée» par la loi?
La loi fédérale de 2004 a pourtant interdit aux agences commerciales de ce nouveau secteur économique de faire de la publicité, au nom de la dignité humaine! Eh bien, c’est le gouvernement québécois qui donne gratuitement à cette industrie des centaines de milliers de dollars en publicités.
La loi 12 a été adoptée et sanctionnée le 6 juin 2023. Les règlements l’encadrant viennent d’être publiés et on constate qu’ils sont minimaux et facilement contournables par des agences commerciales et cela, que la mère porteuse habite au Québec, mais encore davantage quand il s’agit de pays pauvres où les femmes ont encore moins de pouvoir face à ces entreprises internationales.
L’envers du décor
Le don gratuit de soi, le bonheur d’une nouvelle famille créée par ce don, c’est la publicité qui circule depuis plusieurs années. Le rêve vendu au public sur tous les talkshows et médias. Noam Chomsky aurait parlé de « fabrication du consentement », car c’est bien ce qui a précédé et accompagné tout au long du printemps 2023 les débats sur la loi légalisant le recours aux mères porteuses au Québec.
Voici la réalité de la grossesse pour autrui. Elle correspond en tout point au développement d’un nouveau secteur économique.
L’avancée technologique
Elle a eu lieu dans les années 1970 aux États-Unis et a donné lieu à la célèbre affaire de «bébé M», la mère porteuse ayant vainement tenté de garder sa fille; son histoire a été racontée dans un livre pour prévenir le monde de l’horreur de ce projet où des juges ont décrété qu’une mère pouvait ainsi perdre son enfant1. L’industrie de la maternité de substitution s’en est frottée les mains.
La demande
Rien de plus légitime que de désirer un enfant, vouloir fonder une famille. Précisons ici qu’il s’agit maintenant de la création d’enfants sur mesure (couleur des yeux, taille, couleur de peau, profil ethnique), reliés par la génétique au père. Le marché existe et les clients sont prêts à payer très cher pour obtenir un enfant. Ces clients proviennent surtout des pays occidentaux, y compris de pays interdisant la GPA (comme la France). La nouvelle loi québécoise ne prévoit qu’une condition pour être un client : déclarer habiter au Québec depuis un an (sans production de preuves et avec la possibilité d’adresse de complaisance).
Les «produits»
Tout d’abord il faut obtenir un ovule. Les plus recherchés sont ceux de femmes blanches, blondes aux yeux bleus, et, possiblement, avec un QI élevé. Cela garantira un enfant proche de l’idéal des clients. On achète des ovules sur catalogues, en spécifiant leurs caractéristiques2. Une forme d’eugénisme, diront les mauvaises langues.
L’enfant est le produit final ultime de cette industrie. Un enfant en bonne santé, garanti par les contrats. S’il a des défauts, il se peut que les clients ne viennent pas le chercher. Les orphelinats en Ukraine, même avant la guerre, avaient recueilli de nombreux enfants abandonnés par les clients, à cause de défauts physiques ou mentaux.
La nouvelle loi québécoise ne prévoit aucune restriction à l’achat d’ovule et prévoit qu’en cas d’impossibilité des commanditaires de prendre l’enfant, la mère porteuse a la responsabilité d’en informer le directeur de la DPJ, pour que celui-ci se charge de l’enfant.
Notons que contrairement aux cas d’adoption, aucune précaution n’est prise pour s’assurer que la GPA soit faite « dans l’intérêt de l’enfant », et on ne fait aucune analyse des capacités parentales ou des antécédents criminels des commanditaires. C’eut été pourtant un minimum.
Les forces de production
La production d’ovule n’est pas sans danger. Des femmes sont mortes suite à des traitements pour augmenter leur production d’ovules et à l’extraction de ces nombreux ovules. La future fertilité d’autres femmes a été compromise.
Mais c’est surtout la femme qui porte l’enfant qui assure la production.
Ceci se fait à grand coût personnel, ces grossesses étant souvent gémellaires et à grand risque. Il faut que la femme se dissocie de son corps et de l’enfant, un processus douloureux pour beaucoup. La réalité de l’exploitation des femmes dans le monde est bien documentée. Pourquoi une femme géorgienne ou ghanéenne offrirait un an de sa vie à une personne qu’elle ne connait pas ? S’il s’agit d’un don, pourquoi seules des femmes vulnérables et pauvres (sauf exception) portent les bébés?
Au Canada et au Québec, toute rémunération est interdite, mais l’ouverture d’un compte aux États-Unis est une simple formalité. C’est un trou béant dans la loi qui ne s’applique pas si les paiements sont faits outre-frontière.
L’industrie a besoin de femmes, le Québec a répondu présent, en permettant la GPA même par mère porteuse étrangère. Depuis l’adoption de la loi, des agences proposent des mères porteuses africaines aux Québécois. Des femmes noires portant des bébés blancs pour des parents riches. Et la gauche regarde ailleurs et approuve.
L’industrie mondialisée
Agences, cliniques, avocats, notaires, médecins, ils sont les acteurs de cette industrie très lucrative.
L’obstacle majeur pour ce marché international est qu’il requiert de faire disparaitre la filiation de la mère porteuse, pour reconnaitre une filiation aux clients, qui plus est, d’un pays à un autre. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement québécois a répondu à la commande en permettant la disparition de la filiation de la mère (québécoise ou étrangère) et l’obtention d’un certificat de naissance québécois.
La publicité
Elle vend le rêve. Elle invente des mots. Elle a pour but de convaincre le public, les médias, les politiciens, de la beauté du projet, et même du progrès qu’il représente pour des personnes n’ayant d’autre recours pour obtenir une famille. La publicité ne mentionne jamais les femmes exploitées, les questions éthiques, la question de l’enfant sans voix, né sous contrat et dont l’abandon est programmé avant même sa naissance.
Conclusion
PDF Québec est membre de la CIAMS, Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution. Nous nous élevons contre le marché de la GPA. Le Québec aurait pu choisir la voie de l’abolition, au nom de la dignité des femmes et du refus de la marchandisation de l’enfant. Il est malheureux que l’ensemble des élus ait participé à l’élaboration de ce marché mondial.
1 C’est l’histoire de Mary Beth et de son enfant. Elle l’allaitait lorsque des policiers sont venus le prendre. Lire dans Phyllis Chesler, Sacred Bond, the Legacy of Baby M, Crown, 1988.
2 https://www.canamcryo.com/finddonor?category=5&donor_id=&donor_bank=&min...