Actions requises pour le droit des femmes à l’égalité

2024/03/08 | Par Marie-Claude Girard

Le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres invitait récemment la communauté internationale à faire « bloc avec les femmes et les filles qui luttent pour leurs droits ».

En soulignant la situation des femmes et des filles en Afghanistan, les experts de l’ONU précisaient leur pensée en février 2024, en exhortant les pays membres d’inclure l’apartheid fondé sur le sexe en tant que crime contre l'humanité dans l'article 2 du projet d'articles sur la prévention et la répression des crimes contre l'humanité. La reconnaissance officielle de l’apartheid sexiste comme crime de l’humanité, constituerait une étape cruciale vers le respect et l'affirmation de la centralité de l'égalité entre les hommes et les femmes.

À l’international

En tant que membre de la communauté internationale, le Canada se doit d’appuyer cette initiative, mais ce n’est pas suffisant.

Il doit aussi profiter de sa présence dans les forums internationaux pour s’assurer que les 99 pays signataires de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes prennent les mesures appropriées pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constituent une discrimination à l’égard des femmes, tel qu’ils se sont engagés à le faire;

Il doit aussi rappeler à tous que selon la Déclaration sur l’élimination de toutes les formes d’intolérance et de discrimination sur la religion ou la conviction de l’ONU, la liberté de religion peut être limitée par les « libertés et droits fondamentaux d'autrui », ce qui inclut le droit des femmes à l’égalité;

Enfin, pour être crédible et faire avancer l’égalité entre les sexes, il doit aussi intervenir au niveau national.

Au Canada

Pour contrer les crimes sexospécifiques, malheureusement aussi présents dans la société canadienne (près de 200 féminicides par année), le gouvernement du Canada se doit de distinguer les féminicides des homicides dans le Code criminel afin de démontrer l’importance qu’il accorde à ce problème social. De plus, il devrait adhérer à la Convention interaméricaine pour la prévention, la sanction et l'élimination de la violence contre la femme, comme il s’est engagé à le faire en 2018, pour clairement exprimer son engagement international à prévenir, punir et éradiquer la violence à l'égard des femmes et des filles.

Il devrait aussi abroger l’exception religieuse à l’égard de la propagande haineuse du Code criminel puisque cette exception offre notamment une défense aux personnes qui dénigrent publiquement les femmes advenant que leurs propos soient basés sur un texte religieux auquel ils croient ou sur son interprétation. La misogynie des textes sur lesquels se fondent les grandes religions monothéistes n’est plus à démontrer.

Le gouvernement devrait également mettre fin aux avantages fiscaux accordés aux organismes religieux, pour la promotion de dogmes ou de pratiques religieuses, sachant que ces derniers sont souvent contradictoires avec le respect du droit des femmes à l’égalité.

Enfin, il devrait aussi cesser d’utiliser des symboles contraires à l’égalité entre les femmes et les hommes, pour refléter la diversité canadienne, dans ses publicités et communications publiques. En cautionnant ces symboles sexistes, le Canada agit en contre sens d’une atteinte réelle de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il existe de nombreuses autres façons de refléter la diversité sans contrevenir au droit à l’égalité.

Au Québec

Le gouvernement du Québec peut aussi agir pour assurer le respect et la pérennité du droit des femmes à l’égalité.
Il pourrait, par exemple, ajouter l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la laïcité aux caractéristiques fondamentales du Québec déjà reconnues dans la Loi constitutionnelle canadienne.

En effet, l’une des menaces contemporaines à l’égalité entre les sexes consiste à sous-estimer l’importance du droit à l’égalité, comme droit collectif, pour instaurer des conditions sociales essentielles à l’avancement de l’ensemble des femmes vers une égalité réelle. C’est ce droit collectif qui permet d’éviter un relativisme culturel qui peut enfermer des femmes dans des communautés culturelles ou religieuses réfractaires au droit des femmes à l’égalité.

De plus, la laïcité de l’État est considérée, par plus d’un, comme le socle du droit des femmes à l’égalité. Tel que le formulait récemment l’avocat émérite Benoît Pelletier : « la laïcité figure au premier plan de la définition de l’identité constitutionnelle du Québec au sein du fédéralisme canadien. Il s’agit d’un principe fondateur de la spécificité québécoise, de son unicité en tant que nation distincte à l’intérieure du Canada. » à

L’ajout de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la laïcité dans la Loi constitutionnelle canadienne permettrait ainsi de donner une visibilité pancanadienne à ces particularités québécoises dans un texte constitutionnel que les juges auraient à considérer lors du prononcé de leurs jugements.

Enfin, pour plus de cohérence, le gouvernement pourrait aussi lier le financement des écoles privées au respect de la Loi sur la laïcité de l’État, un jalon essentiel au droit des femmes à l’égalité, et mettre fin au financement des écoles privées confessionnelles, puisque contraire à la neutralité religieuse de l’État.

Le Canada et le Québec ont définitivement un rôle à jouer pour le droit des femmes à l’égalité. Espérons que 2024 soit une année de progrès et de consolidation du droit des femmes à l’égalité, ici puis dans le monde.