Mulroney et le libre-échange : les faits sont têtus

2024/03/06 | Par Pierre Dubuc

Quel déluge de louanges pour Brian Mulroney! Tous nos médias ont encensé l’homme et son œuvre. Avec une absence totale de sens critique. Pourtant, il y aurait beaucoup à dire. Attardons-nous seulement sur le traité de libre-échange avec les États-Unis, adopté en 1987, présenté comme un eldorado.

Dans le Globe and Mail du 2 mars, le chroniqueur Andrew Coyne trace un portait peu reluisant du développement économique du Canada depuis les années 1980. Même s’il ne fait pas référence au traité de libre-échange, la période couverte correspond aux années depuis l’adoption du traité. Nous résumons l’essentiel de son propos.

Dans les années 1950 et 1960, l’économie canadienne a connu une croissance annuelle de plus de 5%, après inflation. Dans les années 1970, cela avait ralenti à environ 4%; à 3% dans les années 1980; à 2,4% dans les années 1990; à 2% dans les années 2000. Au cours des 10 dernières années, elle n’a été en moyenne que de 1,7%. L’année dernière, elle était de 1,1%.

De plus, l’économie croît maintenant plus lentement que la population, ce qui explique pourquoi le PIB par habitant diminue maintenant. Et c’est le PIB par habitant qui compte vraiment, en ce qui concerne le niveau de vie.

En 1981, le Canada se classait au sixième rang des pays de l’OCDE pour le PIB par habitant, derrière seulement la Suisse, le Luxembourg, la Norvège, les États-Unis et le Danemark.

En 2022, nous étions 15e. Au cours des 40 dernières années, le PIB par habitant du Canada a augmenté plus lentement que celui des 22 autres membres de l’OCDE. Des pays qui étaient plus pauvres que nous – l’Irlande, les Pays-Bas, l’Autriche, la Suède, l’Islande, l’Australie, l’Allemagne, la Belgique, la Finlande – sont maintenant plus riches que nous.

En 1981, le PIB par habitant au Canada représentait 92% de celui des États-Unis; en 2022, il était tombé à seulement 73%. L’Alberta, la province la plus riche du Canada, se classerait au 14e rang des États américains. Les cinq provinces les plus pauvres se classent maintenant parmi les six juridictions les plus pauvres d’Amérique du Nord. L’Ontario se classe juste devant l’Alabama. La Colombie-Britannique est plus pauvre que le Kentucky.

L’OCDE suit l’investissement dans ses 38 États membres et neuf autres. De 2011 à 2015, le taux de croissance des investissements au Canada était tout simplement horrible : 37e sur 47. De 2015 à 2023, c’était épouvantable, 44e, devant seulement l’Afrique du Sud, le Mexique et le Japon.

Nos travailleurs sont moins productifs que les travailleurs des autres pays parce qu’ils ont moins de capital avec lequel travailler. Il y a encore dix ans, la formation brute de capital fixe par travailleur au Canada était à une distance frappante des États-Unis : environ 95%. Depuis, il est tombé à environ les deux tiers. Une baisse similaire à été observée par rapport à l’OCDE en général.
 

Conclusion

Le traité de libre-échange a certes été bénéfique… pour les États-Unis ! Nos éditorialistes, nos commentateurs et nos politiciens sont les meilleurs propagandistes de l’Oncle Sam.