Roméo Bouchard est directeur et co-auteur de Pour qui souffle le vent? (Écosociété)
Beaucoup de citoyens impliqués dans les luttes qui ont entouré les projets de parcs éoliens ont sans doute été consternés d’entendre Steven Guilbeault défendre le modèle actuel d’appel d’offres et balayer du revers de la main, avec mépris, les oppositions soulevées par beaucoup de citoyens. Son discours ne différait guère de celui de Thierry Vandal et sa notion d’acceptabilité sociale était tout aussi élastique que celle de Jean Charest!
Guilbeault avec les grands de ce monde
Encore une fois, les citoyens se retrouvent isolés dans ce dossier et, cette fois-ci, même des écologistes influents comme Steven Guilbeault se rangent du côté du Gouvernement, de Hydro-Québec et des promoteurs, accusant les citoyens qui protestent d'être une minorité négligeable et de faire des drames avec rien, alors que l'éolien en milieu habité serait le prix à payer pour l'abandon du Suroît. Comme s'il n'y avait pas une façon de faire autrement ni d'autre modèle de développement éolien possible.
Si M. Guilbeault, comme plusieurs autres leaders écologiques actuels qui négocient les grands dossiers planétaires en vase clos avec les «grands de ce monde», n’était pas de plus en plus déconnecté de la base, il aurait pu constater jusqu’à quel point les citoyens et les élus locaux ont été livrés sans défense aux prospecteurs de vent tout équipés des gros promoteurs et à leurs manœuvres pour diviser les gens en achetant les propriétaires de terrains et les représentants municipaux.
Il aurait pu constater les conséquences désastreuses d’un modèle d’appels d’offres qui ne protège que les intérêts d’Hydro-Québec et laisse aux promoteurs privés l’entière responsabilité de planifier ce nouveau développement en fonction de leurs intérêts.
Loin de la base
Si M. Guilbeault fréquentait moins les portes ouvertes et les documents de l’entreprise et du gouvernement, il saurait qu’il y a une marge énorme entre les beaux discours et la réalité.
Il ne dirait pas que des projets comme Murdochville vont bien quand la ville doit se résigner à ne pas recevoir un sous de redevances, que les consultations du BAPE sont efficaces quand les recommandations du BAPE sur les projets examinés (Matane, Saint-Ulric, Rivière-du-Loup) ont toutes été ignorées pour l’essentiel.
Seul critère retenu : l’intérêt financier d’Hydro-Québec
Il ne dirait pas qu’il y a des bons promoteurs et des bons projets dont on ne parle pas quand c’est le modèle même d’appel d’offres qui est en vicieux.
De toute évidence, une fois de plus également, les instances locales et régionales se sont avérées impuissantes à faire valoir leur volonté et celle de leurs citoyens face à un tel développement.
Tant que ces instances n'auront pas l'imputabilité et l'autonomie de véritables gouvernements territoriaux, elles seront incapables d'opposer leur volonté à des développements conçus en vase clos au-dessus de leur tête par les maîtres du jeu politique et économique.
Le sort réservé aux projets communautaires et aux petits projets semblent plus incertain que jamais. En dépit des belles déclarations, l'intérêt financier d'Hydro-Québec semble concrètement le seul critère qui est retenu, et l'acceptabilité sociale, dans la bouche des politiciens, devient de plus en plus un concept de marketing qu'il faudra ranger maintenant à côté de celui de développement durable.
Un affront aux projets communautaires
C'est un affront sans précédent à tous ces citoyens qui, dans le contexte inapproprié d'appels d'offres, ont travaillé à bâtir des projets éoliens communautaires. Dans ce contexte, il ne faut surtout pas attendre de miracle d'un hypothétique appel d'offres pour des projets communautaires, dont on se garde bien de souffler mot, ne serait-ce que pour atténuer la déception de groupes comme ceux de Matapédia (SIDEM) et du Lac Saint-Jean (Val-Éo).
Il ne faut pas attendre non plus de miracle des consultations du BAPE, car il est facile de constater que les recommandations du BAPE concernant la participation des communautés et la planification indispensable dans un tel développement, ont été ignorées ou galvaudées sans vergogne.
Nous sommes devant une démonstration sans équivoque des effets dévastateurs d'une centralisation des pouvoirs et de l'absence de démocratie territoriale.
Si les Premières nations ont raison de s’opposer à des barrages ou des coupes forestières qui affectent leur milieu de vie et de défendre leurs droits ancestraux, pourquoi les Québécois devraient-ils accepter des méga-parcs éoliens mal situés au cœur des territoires qu’ils habitent eux aussi, parce qu’Hydro-Québec ne s’est pas donnée la peine de planifier le développement éolien et son utilisation locale?
Pourquoi faudrait-il faire des «débats de société qui n’ont pas été faits», selon le beau langage politicien de M. Guilbeault, pour décider que les droits des citoyens ne doivent pas être sacrifiés aux profits des compagnies privées et d’Hydro-Québec?
Une aubaine en volant les citoyens
M. Guilbeaut ne semble pas avoir compris que si Hydro-Québec réussit à obtenir des kilowatts éoliens à si bon marché avec ses appels d’offres, c’est que les promoteurs privés peuvent voler le monde comme ils veulent.
Partout ailleurs, le coût du kilowatt éolien est beaucoup plus élevé parce que les promoteurs sont forcés de payer un prix raisonnable pour la ressource et son utilisation responsable.
On comprend que M. Vandal se félicite d’avoir pu obtenir des soumissions à 10,5 du kilowatt. Ce sont les citoyens qui paient pour cette aubaine et devraient se taire pour ne pas nuire à la campagne de M. Guilbeault contre les changements climatiques.
Décidément, M. Guilbeault est mûr pour la politique!