Pour faire face à la crise financière actuelle, le Parti libéral affirme avec légèreté que cette crise est temporaire (p.16 de son Plan d’action économique) et propose le libre échange comme solution en le rebaptisant « Nouvel espace économique ». Pour ATTAC-Québec, cette vision des choses est clairement inacceptable.
La crise actuelle est structurelle et mondiale. La déréglementation et l’irresponsabilité de l’ensemble des élites politiques et d’affaires concernées est au cœur de ce qui l’a entraînée. Que propose Jean Charest? Déréglementer davantage!
« Il ne faut pas se leurrer, les accords de libre-échange sont de puissants outils de déréglementation qui visent précisément à neutraliser la capacité des États de légiférer dans l’intérêt public, pour le plus grand bénéfice des investisseurs », précise Claude Vaillancourt, secrétaire de l’association.
Dans tout ce qui se dit sur la crise actuelle, on ne trouve presque pas un mot sur le rôle qu’a joué la libéralisation et la déréglementation des services financiers, des mouvements de capitaux et de l’industrie de la finance à travers l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et les accords de libre-échange en général.
Or, défendre l’Entente transatlantique Canada-Union européenne, comme le fait Jean Charest, ou la conclusion du cycle de Doha à l’OMC, c’est défendre des traités qui inclueront la libéralisation et la déréglementation de services financiers et donc davantage de la même médecine.
Les États-Unis, le Canada et l’ensemble des pays industrialisés ont toujours fait pression en ce sens. Ils continuent actuellement de le faire en dépit de tout bon sens. La déclaration finale du G20 du 15 novembre dernier est éloquente à cet égard, appelant à la conclusion du cycle de Doha à l'OMC et insistant sur l’importance de ne pas dresser de nouvelles barrières aux investissements et aux échanges de produits et services financiers.
« Plusieurs membres de l’OMC, à travers leurs engagements pris dans l’AGCS et en signant le Memorandum d'Accord sur les Engagements Relatifs aux Services Financiers, ont déjà accepté de réduire significativement leur pouvoir de réglementer les services financiers », indique la chercheuse indépendante Ellen Gould.
Myriam Vander Stichele, chercheuse au SOMO (Centre for Research on Multilateral Corporations) à Amsterdam, insiste également : « L’AGCS a contribué à la crise en libéralisant les services financiers, incluant les activités les plus risquées comme les produits dérivés, sans garantie qu’une réglementation et une supervision efficaces étaient en place aux niveaux national, régional et international ».
Pour stabiliser les marchés financiers, il est donc essentiel que les États qui le peuvent encore préservent leur pleine capacité de réglementer la finance en ne prenant pas d’engagements dans le cadre des accords de libre-échange.
Qu'en est-il de l’Alliance Québec-Ontario, chérie par Jean Charest? Elle cache pour sa part l’Accord sur le commerce, l’investissement et la mobilité de la main-d’oeuvre (ACIMMO ou TILMA en anglais).
Tout comme l’entente Canada-UE, malgré des pressions exercées au sein de la société civile, celui-ci est négocié dans l’ombre, sans débat public, dans une situation de grave déficit démocratique. Ce n’est pas pour rien. Parce qu’il s’agit d’un autre outil puissant de déréglementation favorisant la privatisation des services et des ressources publics et permettant aux sociétés, entreprises ou individus de poursuivre les gouvernements (incluant municipalités, régies de la santé, etc.) si une loi ou un règlement sont jugés des obstacles à leur capacité de faire des profits.
Pour ATTAC, le Parti libéral du Québec, comme les autres partis, s’ils sont sérieux dans leur volonté de faire face à cette crise financière, doivent entre autres comprendre et défendre le fait qu’aucun accord de libre-échange incluant la libéralisation des services financiers et des mouvements de capitaux ne doit être négocié, ratifié ou conclu tant que la réglementation nécessaire pour contrer la crise, sur le plan national et international, ne sera pas en place. Il faut mettre un terme à l'emprise de la finance sur nos sociétés et cela implique une remise en question fondamentale du libre-échange.
Références :
Gould, Ellen, Financial Instability and the GATS Negotiations, 16 juillet 2008
http://www.policyalternatives.ca/reports/2008/07/reportsstudies1930/?pa=...
Vander Stichele, Myriam, How trade, the WTO and the financial crisis reinforce each other, 13 novembre 2008
http://somo.nl/files/extern/financial/trade-wto-financial-crisis
ATTAC, l’Association québécoise pour la Taxation des Transactions financières et pour l’Action Citoyenne, est une association citoyenne non-partisane présente dans 40 pays. ATTAC-Québec a été fondée en 2000. Mouvement d’éducation populaire tourné vers l’action, ATTAC s’applique à faire connaître les enjeux qui accompagnent la mondialisation financière.
www.quebec.attac.org
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